30 000 mineurs chiliens en grève contre la privatisation du cuivre

Les mineurs ont choisi une date symbolique pour débrayer: celle du 40ème anniversaire de la nationalisation du secteur minier Chilien par le président Allende

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30 000 mineurs chi­liens en grève contre le pro­jet gou­ver­ne­men­tal de pri­va­ti­sa­tion du cuivre, qua­rante ans après sa natio­na­li­sa­tion par le pré­sident Sal­va­dor Allende

L’appel à une grève de 24 heures ce lun­di 11 juillet, lan­cé par la Fédé­ra­tion des tra­vailleurs du cuivre (FTC) afin de pro­tes­ter contre les pro­jets gou­ver­ne­men­taux de pri­va­ti­sa­tion des mines, a été mas­si­ve­ment sui­vi, avec près de 30 000 mineurs ces­sant le tra­vail ce lundi.

Les acti­vi­tés de la CODELCO (Cor­po­ra­tion natio­nale de cuivre), entre­prise publique chi­lienne d’exploitation du cuivre, ont été para­ly­sées dans tout le pays. Les puits de Rado­mi­ro Tomic, Gabrie­la Mis­tral, Chu­qui­ca­ma­ta, El Sal­va­dor, Ven­ta­nas, El Teniente et d’Andina ont tous été occu­pés par les travailleurs.

La CODELCO est la pre­mière entre­prise au monde dans le sec­teur, assu­rant 11% de la pro­duc­tion mon­diale (1,7 mil­lions de tonnes de cuivre extrait) et rap­por­tant 3,6 mil­liards de dol­lars de recettes à l’État en 2010.

Les mineurs ont choi­si une date sym­bo­lique pour débrayer, celle du 40ème anni­ver­saire de la natio­na­li­sa­tion du sec­teur minier Chi­lien par le pré­sident Allende et le gou­ver­ne­ment d’Unité popu­laire socia­liste-com­mu­niste. Le 11 juillet 1971 avait été décré­té « Jour de la digni­té natio­nale » par le pré­sident socialiste.

La popu­la­ri­té de cette mesure est telle qu’après le coup d’Etat de 1973, Augus­to Pino­chet ne prit pas le risque de reve­nir for­mel­le­ment sur cette décision.

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Tou­te­fois, avec le Décret 600 sur le sta­tut de l’investissement étran­ger, Pino­chet remit en cause dans les faits le prin­cipe de la natio­na­li­sa­tion livrant l’exploitation aux mul­ti-natio­nales à des condi­tions très avan­ta­geuses pour elles.

Pour l’année 2011, on estime que les mul­ti-natio­nales du cuivre déga­ge­ront 34 mil­liards de pro­fits, soit l’équivalent de 80% du bud­get public chi­lien ou encore quatre fois le bud­get de l’éducation, une com­pa­rai­son lourde de sens au moment où étu­diants et ensei­gnants se mobi­lisent pour défendre le prin­cipe d’une édu­ca­tion publique et gra­tuite de qualité.

Tou­te­fois, cette très large pri­va­ti­sa­tion de fac­to ne satis­fait pas la vora­ci­té du gou­ver­ne­ment revan­chard du mul­ti-mil­liar­daire Sebas­tian Pinera.

Il y a quelques semaines, le sous-secré­taire aux Mines, Pablo Wag­ner, qua­li­fiait déjà la natio­na­li­sa­tion du cuivre d’ « erreur historique ».

Un bal­lon d’essai puisque le pré­sident Pine­ra a annon­cé depuis son inten­tion d’entamer un « plan de restruc­tu­ra­tion » de l’entreprise pour atti­rer des capi­taux pri­vés. Outre le licen­cie­ment de 2 600 mineurs et la coupe dans les avan­tages sociaux, Pine­ra per­siste dans l’idée d’ouvrir le capi­tal de l’entreprise, jusqu’alors déte­nu à 100% par l’État, aux inves­tis­seurs privés.

D’après le syn­di­cat, le plan gou­ver­ne­men­tal pré­voit notam­ment le pas­sage de cer­tains actifs de l’entreprise, comme celui de la mine de Gabrie­la Mis­tral, entre les mains du pri­vé. « Une pri­va­ti­sa­tion dégui­sée », selon le pré­sident de la Fédé­ra­tion des tra­vailleurs du cuivre Rai­mun­do Espinoza.

Le Par­ti com­mu­niste chi­lien (PCCh) a appor­té tout son sou­tien aux mineurs notam­ment à tra­vers la voix du dépu­té Lau­ta­ro Car­mo­na qui a ren­du un vibrant hom­mage à la lutte des mineurs, avec les­quels il se trou­vait lun­di : « Je vou­drais expri­mer toute ma recon­nais­sance à ces tra­vailleurs pour leur contri­bu­tion patrio­tique au rejet des plans visant à pri­va­ti­ser la CODELCO (…) Les tra­vailleurs ont fait preuve, du point de vue de notre sou­ve­rai­ne­té éco­no­mique, d’une grande res­pon­sa­bi­li­té his­to­rique. Ils prirent toutes leurs res­pon­sa­bi­li­tés avec ce mou­ve­ment de grève exemplaire ».

Et le dépu­té com­mu­niste a conclu son inter­ven­tion à l’Assemblée par un appel à la re-natio­na­li­sa­tion inté­grale du cuivre :« Vous pou­vez comp­ter sur nous, com­mu­nistes et nos alliés, pour réa­li­ser les plus grands efforts afin de re-natio­na­li­ser 50% des réserves mon­diales de cuivre, aujourd’hui entre les mains des multi-nationales ».

Le mou­ve­ment des mineurs rejoint celui des étu­diants chi­liens, en grève géné­rale recon­duc­tible depuis plu­sieurs semaines contre les plans confir­mant la poli­tique de pri­va­ti­sa­tion de l’éducation pri­maire et secon­daire enta­mée par Pino­chet via la muni­ci­pa­li­sa­tion, et accen­tuant la pri­va­ti­sa­tion des universités.

Le 30 juin der­nier, ce sont plus de 200 000 étu­diants et pro­fes­seurs, unis dans la lutte, qui ont mani­fes­té dans les rues de San­tia­go du Chi­li contre la pri­va­ti­sa­tion de l’éducation.

Un mou­ve­ment dont la porte-parole et lea­der est la secré­taire de la pre­mière cen­trale syn­di­cale étu­diante du pays (FECh – Fédé­ra­tion des étu­diants de l’Université du Chi­li), Cami­la Val­le­jo, mili­tante de la Jeu­nesse com­mu­niste reven­di­quant son iden­ti­té communiste.

Le cha­risme et la réso­lu­tion des posi­tions de la jeune mili­tante com­mu­niste vis-à-vis des pro­jets gou­ver­ne­men­taux, ain­si que l’activité orga­ni­sée des Jeu­nesses com­mu­nistes chi­liennes, ne sont pas sans avoir contri­bué au suc­cès des mobi­li­sa­tions entre­prises depuis le mois de mai. Ils ont éga­le­ment per­mis de renouer le lien entre l’organisation com­mu­niste et la jeu­nesse chilienne.

Mécon­ten­te­ment des mineurs, colère des étu­diants, grogne des ensei­gnants, toutes les couches de la socié­té chi­lienne expriment mas­si­ve­ment leur oppo­si­tion aux plans de pri­va­ti­sa­tion du gou­ver­ne­ment revan­chard de Pine­ra, prêt à livrer ce qu’il reste du patri­moine natio­nal entre les mains du pri­vé. La ques­tion déci­sive reste celle de la conver­gence des luttes à laquelle les com­mu­nistes appor­te­ront leur contri­bu­tion décisive.

Source de l’ar­ticle : bel­la­ciao

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Céré­mo­nie de la natio­na­li­sa­tion, le 11 juillet 1971 :