Camila Vallejo : Nous comprenons la lutte des indignés, mais au Chili on a dépassé le stade du mécontentement

La dirigeante de la FECH a déclaré que désormais « il faut regarder au-delà et construire une alternative au pays ».

281460_2350292915665_1200366355_32840110_2989093_n.jpgLa diri­geante de la FECH a décla­ré que les reven­di­ca­tions des étu­diants n’ont pas émer­gés spon­ta­né­ment, mais obéissent à « un long pro­ces­sus basé sur une ana­lyse appro­fon­die de ce qui se passe au Chi­li, de l’in­jus­tice » et que désor­mais « il faut regar­der au-delà et construire une alter­na­tive au pays ». Elle a éga­le­ment expri­mé son désir de “pro­je­ter le mou­ve­ment poli­ti­que­ment, car pour la pre­mière fois, une demande sec­to­rielle est deve­nue un mou­ve­ment social qui com­prend de nom­breux secteurs.

Après envi­rons six mois de pro­tes­ta­tions, le mou­ve­ment étu­diant, qui exige une édu­ca­tion publique gra­tuite, conti­nue de défi­nir l’a­gen­da poli­tique du pays. Ce mar­di com­mence une nou­velle grève de 48 heures. Les étu­diants, les ensei­gnants, les éco­lo­gistes et la Cen­trale Uni­taire du Tra­vail, prin­ci­pal syn­di­cat chi­lien, sou­tiennent la mani­fes­ta­tion dont l’événement majeur se tien­dra mer­cre­di après-midi.

A la veille de ces jours de mobi­li­sa­tion, BBC World a par­lé avec Cami­la à Paris Val­le­jo, pré­si­dente de la Fédé­ra­tion étu­diante de l’U­ni­ver­si­té du Chi­li et l’une des faces visibles du mou­ve­ment. Val­le­jo, 22 ans, étu­diante de géo­gra­phie, est en Europe avec trois autres repré­sen­tants étu­diants chi­liens, pour expri­mer leurs reven­di­ca­tions et ten­ter d’«internationaliser » le mouvement.

Source de l’ar­ticle : El mostra­dor

D’autres articles sur le même sujet :

Gior­gio Jack­son : le mou­ve­ment étu­diant et les chan­ge­ments au Chili

Cami­la Val­le­jo : “le gou­ver­ne­ment de Sebas­tián Piñe­ra est com­plè­te­ment iso­lé, loin des citoyens et de leurs revendications”.

Cami­la Val­le­jo : “Nous avons besoin d’un chan­ge­ment constitutionnel”

Étu­diants du Chi­li : Jusqu’à quand allons nous attendre ?

Chili0116.jpg

- Vous avez voya­gé en Europe pour ren­con­trer les ins­ti­tu­tions inter­na­tio­nales et des intel­lec­tuels. Quels sont les conseils qui vous ont été don­né par les intel­lec­tuels, qui vous plaisent le plus ?

Le phi­lo­sophe Edgar Morin nous a don­né confiance. Il nous a dit que l’en­sei­gne­ment supé­rieur ne peut être légué au mar­ché, il doit être garan­ti à tra­vers un ensei­gne­ment public car les pays en ont besoin pour leur développement.

Et Sté­phane Hes­sel (l’au­teur de “Indi­gnez-vous!”) Nous a pous­sé à ren­for­cer les com­mu­ni­ca­tions et l’ins­tal­la­tion de nos idées dans le monde entier pour dif­fu­ser nos pro­po­si­tions par tous les moyens.

- En par­lant de Sté­phane Hes­sel, pen­sez-vous que le mou­ve­ment étu­diant chi­lien en quelque sorte se connecte avec les mou­ve­ments sociaux comme Occu­py Wall Street ?

Le mou­ve­ment étu­diant chi­lien ne fait pas par­tie des indi­gnés. Ce n’est pas un mou­ve­ment spon­ta­né, mais plu­tôt un long pro­ces­sus basé sur une ana­lyse appro­fon­die de ce qui se passe au Chi­li, au niveau de l’injustice.

Nous com­pre­nons la lutte des indi­gnés, mais au Chi­li nous avons dépas­sé le stade du mécon­ten­te­ment. Main­te­nant, nous devons regar­der en face et construire une alter­na­tive pour le pays.

- Pre­nant en compte des pro­tes­ta­tions étu­diantes exis­tantes dans d’autres pays com­ment pen­sez-vous que vous pou­vez inter­na­tio­na­li­ser le mouvement ?

Les dif­fé­rents mou­ve­ments — au Chi­li, Colom­bie, Bré­sil, France, Espagne — ne sur­gissent pas par mimé­tisme, ils ont des particularités.

Mais il peuvent-être vu comme un tout. C’est la lutte de ceux qui se sont éveillés pour construire un modèle dif­fé­rent de la socié­té au niveau natio­nal et inter­na­tio­nal. Il y a une cohé­rence, c’est la résis­tance à un modèle de pri­va­ti­sa­tion ou d’une étape vers la conquête de ce droit.

En France, nous avons ren­con­tré l’UNEF (Union Natio­nale des Etu­diants de France). Ils nous ont rap­por­té la prise de conscience qu’ils font pour résis­ter à la pri­va­ti­sa­tion dégui­sée géné­ré par le gou­ver­ne­ment. Nous sommes dans des pro­ces­sus dif­fé­rents, mais on a les mêmes objec­tifs, et il y a des liens de soli­da­ri­té inter­na­tio­nale chez les jeunes.

- Quel modèle édu­ca­tif pour le Chili ?

Aucun élève n’a jamais vou­lut copier quoi que ce soit. Le Chi­li croit en son propre modèle, qui per­met l’in­té­gra­tion de tous et gra­tui­te­ment. Nous vou­lons une édu­ca­tion qui puisse trans­for­mer la socié­té et que des pro­fes­sion­nels sur­gissent pour construire la démocratie.

- Com­ment sera l’a­ve­nir du mou­ve­ment étudiant ?

Le mou­ve­ment étu­diant se débat dans une conjonc­ture déter­mi­née, après cinq mois de mobi­li­sa­tion. Il faut main­te­nant pen­ser com­ment avan­cer tac­ti­que­ment pour qu’il continue.

Aujourd’­hui, le dia­logue avec le gou­ver­ne­ment est rom­pu. Ils veulent réfor­mer les bourses des étu­diants au par­le­ment et nous excluent de cette discussion.
Donc, même si nous ne fai­sons pas confiance dans le Par­le­ment, nous devrons tra­vailler vers eux. Nous ne vou­lons pas que la loi bud­gé­taire de la nation légi­fère tant qu’il n’y aient pas des pro­po­si­tions de lois éla­bo­rées en accord avec les étu­diants en matière d’éducation.

- Ne pen­sez pas que votre lea­der­ship est au détri­ment du mou­ve­ment étu­diant dans son ensemble ?

La per­son­ni­fi­ca­tion du mou­ve­ment est due aux poli­ti­ciens et aux médias. C’est une stra­té­gie qui est uti­li­sé très fré­quem­ment auprès de ceux qui se lèvent et ont des reven­di­ca­tions sociales. Au Chi­li cela s’ap­plique beau­coup, et je pense que dans d’autres pays du monde aussi.

Pour Cuba, on parle de Cas­trisme, au Vene­zue­la de Cha­visme. Tout est per­son­ni­fié avec les sup­po­sés diri­geants, et l’on ne voit pas que c’est un pro­ces­sus qui est par­ta­gé par une majo­ri­té. Dans le fond il s’agit de les détruire pour ain­si détruire le mouvement.

Aus­si, nous sem­blons être plus vul­né­rables. J’ai été accu­sé d’être mani­pu­lé par le Par­ti com­mu­niste, de faire payer les entre­vues que je donne. On m’a dit que je pro­fite de tout cela.

- Vous êtes sur le point d’être diplô­més. Est-ce que le mou­ve­ment conti­nue mal­gré tout ?

Sur le thème étu­diant, je vais conti­nuer à par­ti­ci­per, cela dépen­dra aus­si des pro­chaines élec­tions de la Fech. Nous allons construire, avec tous mes cama­rades qui n’ont pas de face visible. Et nous vou­lons pro­je­ter le mou­ve­ment poli­ti­que­ment, car pour la pre­mière fois, une demande sec­to­rielle est deve­nue un mou­ve­ment social qui regroupe de nom­breux secteurs.

- Pen­sez-vous à une car­rière en politique ?

Je suis une mili­tante, je suis prêt à mettre à la dis­po­si­tion des besoins de la construc­tion de ce mou­ve­ment, comme un autre.

Dans le contexte des pro­chaines élec­tions, je pense qu’il ne s’agit pas de moi en par­ti­cu­lier, mais les jeunes doivent s’inscrire dans les registres élec­to­raux comme can­di­dats pour conseillers. Qu’ils aillent dis­pu­ter les muni­ci­pa­li­tés à la droite, ou à ceux qui ne sont pas d’ac­cord pour répondre à nos pro­po­si­tions qui sont justes.

Main­te­nant les jeunes com­mencent à s’in­té­res­ser à la poli­tique, et doivent assu­mer cette res­pon­sa­bi­li­té. Nous devons prendre en charge et conduire un pro­jet par­ti­ci­pa­tif. Et pour cela nous devons avoir une voca­tion pour le pou­voir, mais dans le bon sens du terme.

Tra­duc­tion : www.zintv.org