Documents déclassifiés : la CIA travaille avec des journalistes des grands médias

Vous pouvez vous payez un journaliste pour moins cher qu’une escort girl, juste pour quelques centaines de dollars par mois.

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Bien que la plu­part des gens qui s’in­té­ressent à l’his­toire de la CIA aient enten­du par­ler de « l’Opé­ra­tion Mocking­bird », qui uti­li­sa la presse à des fins de pro­pa­gande par l’in­ter­mé­diaire du « Office of Poli­cy Coor­di­na­tion » (Bureau de coor­di­na­tion des poli­tiques), il y a un autre aspect du pro­gramme bien moins connu.

Un mémo déclas­si­fié datant de 1965 révèle l’exis­tence d’un réseau de jour­na­listes ayant régu­liè­re­ment reçu des ins­truc­tions de Ray S. Cline, l’un des ana­lystes prin­ci­paux de la CIA et à ce moment-là, et direc­teur adjoint de la Direc­tion du ren­sei­gne­ment. Plu­sieurs des jour­na­listes impli­qués étaient d’an­ciens offi­ciers de ren­sei­gne­ments et n’é­taient pas seule­ment impli­qués dans la dif­fu­sion de l’in­for­ma­tion et de la pro­pa­gande, mais aus­si dans d’autres opé­ra­tions de la CIA.

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Le jour­na­liste Joseph Alsop, par exemple, a cou­vert les élec­tions phi­lip­pines de 1953 mais en réa­li­té il uti­li­sait son sta­tut de jour­na­liste comme cou­ver­ture pour la col­lecte d’in­for­ma­tions pour l’A­gence. Selon Ray S. Cline, il a ren­con­tré Joseph Alsop à plu­sieurs reprises, chaque fois que le jour­na­liste le sol­li­ci­tait pour “dis­cu­ter sur les évé­ne­ments inter­na­tio­naux qui l’in­té­res­saient afin de rédi­ger ses articles, le gui­dant selon mon avis sur ces sujets à chaque fois que cela était pos­sible”. Ces réunions se tenaient à la demande du Direc­teur de la CIA, qui avait une pré­fé­rence pour Joseph Alsop qui « écrit des articles rai­son­nables plu­tôt que de publier des infor­ma­tions erronées ».

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Un rap­port de 1965 adres­sé au direc­teur pré­cise clai­re­ment que les infor­ma­tions cir­culent dans plus d’une direc­tion. Le rap­port écrit par M. Cline, explique que Joseph Alsop a com­men­cé à four­nir des infor­ma­tions sur les forces du Viet-Cong sans deman­der l’a­vis à M. Cline sur ce sujet. 

En plus d’i­den­ti­fier un cer­tain nombre de jour­na­listes impli­qués dans ce réseau de la CIA et de four­nir quelques infor­ma­tions de base sur leurs acti­vi­tés, le mémo fait l’é­loge de cer­taines fuites et l’u­ti­li­sa­tion de la presse pour mani­pu­ler la per­cep­tion du public sur l’A­gence en tant qu’ins­ti­tu­tion dans un contexte d’aug­men­ta­tion de la cla­meur com­pro­met­tant la “confiance du public”.

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Les ren­sei­gne­ments des jour­na­listes qui aide­raient à atteindre les objec­tifs de l’A­gence et à amé­lio­rer sa per­cep­tion auprès du public, ont été don­né par Ray Cline lors des séances d’in­for­ma­tion don­nées au Conseil de sécu­ri­té natio­nale et au direc­teur de la CIA. Un tel rap­port a éga­le­ment été don­né à Ste­wart Alsop, le frère de Joseph Alsop et à un ancien offi­cier de l’Office of Stra­te­gic Ser­vices, pré­dé­ces­seur de l’A­gence dans la Seconde Guerre mon­diale. Le Direc­teur a éga­le­ment ordon­né à M. Cline de tenir des séances d’in­for­ma­tion à Joseph Alsop « sans divul­guer des infor­ma­tions classifiées » .

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Le mémo indique à maintes reprises que toutes les infor­ma­tions four­nies à la presse étaient non clas­si­fiées et non sen­sibles, ou d’ ”ana­lyse géné­rale”. Un tel exemple d’a­na­lyse géné­rale a été don­né à Jess Cook, cor­res­pon­dant du Time Maga­zine, mais reste omis dans le document.

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Ces docu­ments nou­vel­le­ment déclas­si­fiés montrent qu’un agent de la CIA et un direc­teur adjoint à la Direc­tion du ren­sei­gne­ment ont tra­vaillé en étroite col­la­bo­ra­tion avec les pro­prié­taires et les jour­na­listes des plus grands médias :

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La Com­mis­sion spé­ciale du Sénat des États-Unis pour étu­dier les opé­ra­tions gou­ver­ne­men­tales en matière d’activités de ren­sei­gne­ment a révé­lé, en 1975, que la CIA avait sou­mis des articles à la presse américaine.

Wiki­pe­dia sur Ope­ra­tion Mockingbird :

Après 1953, le réseau a été super­vi­sé par Allen W. Dulles, le direc­teur de la CIA. À cette époque, l’Opération Mocking­bird avait une influence majeure sur 25 jour­naux et agences de presse. La métho­do­lo­gie habi­tuelle consis­tait à four­nir des articles rédi­gés à par­tir de ren­sei­gne­ments four­nis par la CIA à des jour­na­listes, volon­taires ou pas. Ces articles seraient alors répé­tés ou cités par les autres jour­na­listes, qui seraient à leur tour cités dans tous les ser­vices de presse.

Le Bureau de la coor­di­na­tion des poli­tiques (OPC) a été finan­cé par des pré­lè­ve­ments sur les fonds des­ti­nés au Plan Mar­shall [c.-à‑d. La recons­truc­tion de l’Europe par les États-Unis après la Seconde Guerre mon­diale]. Une par­tie de cet argent ser­vait à cor­rompre jour­na­listes et éditeurs.

En 2008, le New York Times écri­vait :

« Pen­dant les pre­mières années de la guerre froide, [des écri­vains et artistes émi­nents, d’Arthur Schle­sin­ger Jr. à Jack­son Pol­lock] ont été finan­cés, quel­que­fois somp­tueu­se­ment, tou­jours secrè­te­ment, par la C.I.A. dans le cadre de sa cam­pagne de pro­pa­gande contre l’Union sovié­tique. C’est peut-être l’utilisation la plus réus­sie du soft power dans l’histoire américaine. »

Un agent de la CIA a décla­ré au pro­prié­taire du Washing­ton Post, Phi­lip Gra­ham […] dans une conver­sa­tion sur la volon­té des jour­na­listes de vendre la pro­pa­gande de la CIA et ses his­toires mon­tées de toutes pièces : « Vous pou­vez vous payez un jour­na­liste pour moins cher qu’une escort girl, juste pour quelques cen­taines de dol­lars par mois. »

Le célèbre jour­na­liste du Water­gate, Carl Bern­stein, écri­vait en 1977 :

Plus de 400 jour­na­listes amé­ri­cains […] au cours des vingt der­nières années, ont secrè­te­ment effec­tué des mis­sions pour la CIA, selon des docu­ments pro­ve­nant du siège de la CIA.

Dans de nom­breux cas, selon des docu­ments de la CIA, des jour­na­listes ont été enga­gés pour accom­plir des tâches pour la CIA avec le consen­te­ment des direc­tions des prin­ci­pales orga­ni­sa­tions média­tiques américaines.

(…)

Par­mi les cadres qui ont prê­té leur concours à l’Agence figu­raient les diri­geants de CBS, de Time, du New York Times, du Jour­nal de Louis­ville Cou­rier, et de Copley News Ser­vice. Par­mi les autres orga­ni­sa­tions qui ont col­la­bo­ré avec la CIA, citons ABC, NBC, AP, UPI, Reu­ters, Hearst News­pa­pers, Scripps Howard, le maga­zine News­week, le Mutual Broad­cas­ting Sys­tem, le Mia­mi Herald, l’ancien Satur­day Eve­ning Post et le New York Herald Tri­bune.

(…)

Il est ample­ment prou­vé que les prin­ci­paux édi­teurs amé­ri­cains et les diri­geants de médias se sont auto­ri­sés, à eux-mêmes et à leurs orga­ni­sa­tions, à ser­vir les ser­vices de ren­sei­gne­ment. « Ne nous conten­tons pas de mau­vais jour­na­listes, pour l’amour de Dieu », s’écriait William Col­by à un moment don­né aux enquê­teurs du Church Comit­tee, « mon­tons direc­te­ment à la direction ».

(…)

La CIA a même diri­gé un pro­gramme de for­ma­tion offi­ciel dans les années 1950 pour ensei­gner à ses agents à être jour­na­listes. Les offi­ciers de ren­sei­gne­ment ont été « entraî­nés à faire du bruit, comme des jour­na­listes », a expli­qué un haut fonc­tion­naire de la CIA, et ont ensuite été pla­cés dans les prin­ci­pales orga­ni­sa­tions média­tiques, avec l’aide de la direction.

(…)

Une fois par an, pen­dant les années 1950 et le début des années 1960, les cor­res­pon­dants de CBS se réunis­saient avec la hié­rar­chie de la CIA pour des dîners pri­vés et des séances d’information.

(…)

Allen Dulles entre­te­nait de fré­quents contacts avec son bon ami, le regret­té Hen­ry Luce, fon­da­teur des maga­zines Time et Life, ce qui a faci­le­ment per­mis à cer­tains membres de son per­son­nel de tra­vailler pour l’Agence. Il a aus­si accep­té de four­nir des emplois et des lettres de recom­man­da­tion à d’autres agents de la CIA qui man­quaient d’expérience journalistique.

(…)

Dans les années 1950 et au début des années 1960, les cor­res­pon­dants étran­gers du maga­zine Time ont assis­té à des dîners d’information de la CIA sem­blables à ceux que la CIA tenait pour CBS.

(…)

Lorsque News­week a été ache­té par la Washing­ton Post Com­pa­ny, l’éditeur Phi­lip L. Gra­ham a été infor­mé par les repré­sen­tants de l’Agence que la CIA uti­li­sait par­fois le jour­nal à des fins de cou­ver­ture, selon des sources de la CIA. « Il était lar­ge­ment recon­nu que Phil Gra­ham était quelqu’un tou­jours prêt à vous aider », a décla­ré un ancien direc­teur adjoint de l’Agence. « C’est Franck Wis­ner qui s’arrangeait avec lui ». (Wis­ner, direc­teur adjoint de la CIA de 1950 à peu de temps avant son sui­cide en 1965, était le pre­mier orga­ni­sa­teur des « opé­ra­tions noires » de l’Agence, dont nom­breuses impli­quaient des jour­na­listes. Wis­ner aimait se van­ter de son « tout puis­sant Wur­lit­zer », un ins­tru­ment de pro­pa­gande mer­veilleux qu’il a construit, et uti­li­sé, avec l’aide de la presse).

(…)

En novembre 1973 − après que la CIA a pré­ten­du avoir mis fin à ce pro­gramme − Col­by a décla­ré aux jour­na­listes et édi­teurs du New York Times et du Washing­ton Star que l’Agence avait « envi­ron trois dou­zaines » de jour­na­listes amé­ri­cains « dans le fichier des salaires de la CIA », dont cinq qui tra­vaillaient aus­si pour des « orga­nismes de presse à dif­fu­sion géné­rale ». Pour­tant, au moment même où le Comi­té séna­to­rial de ren­sei­gne­ment tenait ses audiences en 1976, selon des sources de haut niveau de la CIA, la CIA conti­nuait de main­te­nir des liens avec soixante-quinze à quatre-vingt dix jour­na­listes de toutes fonc­tions, des cadres, des repor­ters, des pigistes, des pho­to­graphes, des chro­ni­queurs, des com­mis de bureau et des membres des équipes tech­niques de radio­dif­fu­sion. Plus de la moi­tié d’entre eux avaient été reti­rés des contrats de la CIA et de la masse sala­riale, mais ils étaient encore liés par d’autres accords secrets avec l’Agence. Selon un rap­port inédit de la com­mis­sion par­le­men­taire sur le ren­sei­gne­ment, pré­si­dé par le repré­sen­tant Otis Pike, encore au moins une quin­zaine d’organismes de presse conti­nuaient à four­nir une cou­ver­ture pour les agents de la CIA en 1976.

(…)

Les res­pon­sables les plus com­pé­tents sur le sujet disent que le chiffre de 400 jour­na­listes amé­ri­cains est une esti­ma­tion faible.

Beau­coup de gens pen­saient que si que si ce fait était connu, quelques-uns des plus grands noms du jour­na­lisme seraient foutus […]

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Un expert sur la pro­pa­gande a témoi­gné sous ser­ment pen­dant un pro­cès que la CIA emploie main­te­nant des mil­liers de jour­na­listes et pos­sède ses propres orga­ni­sa­tions média­tiques. Que son esti­ma­tion soit exacte ou non, il est clair que de nom­breux jour­na­listes émi­nents font tou­jours un rap­port à la CIA.

Un docu­men­taire de la BBC en 4 par­ties inti­tu­lé Cen­tu­ry of the Self montre qu’un amé­ri­cain, Edward Ber­nays, le neveu de Freud, a créé la tech­nique moderne de mani­pu­la­tion des per­cep­tions du public et que le gou­ver­ne­ment amé­ri­cain a lar­ge­ment uti­li­sé ses techniques.

John Pil­ger est un jour­na­liste très répu­té (John Simp­son, rédac­teur en chef des affaires mon­diales de la BBC, a décla­ré : « Un pays qui n’a pas de John Pil­ger dans son jour­na­lisme est un pays très faible »).

Pil­ger a décla­ré en 2007 :

Nous savons main­te­nant que la BBC et d’autres médias bri­tan­niques ont été uti­li­sés par un ser­vice secret bri­tan­nique, le MI‑6. Dans ce qu’ils appe­laient Ope­ra­tion Mass Appeal, les agents du MI‑6 ont fabri­qué des his­toires au sujet des armes de des­truc­tion mas­sive de Sad­dam, telles que les armes cachées dans ses palais et dans des bun­kers sou­ter­rains secrets. Toutes ces his­toires étaient fausses.

(…)

Une de mes his­toires pré­fé­rées au sujet de la guerre froide concerne un groupe de jour­na­listes russes qui fai­saient un tour des États-Unis. Le der­nier jour de leur visite, ils ont été invi­tés par l’hôte pour faire part de leurs impres­sions. « Je dois vous dire, a dit le porte-parole, que nous sommes éton­nés de consta­ter, après avoir lu tous les jour­naux et regar­dé la télé­vi­sion jour après jour, que toutes les opi­nions sur tous les points impor­tants sont les mêmes. Pour obte­nir ce résul­tat dans notre pays, nous envoyons des jour­na­listes au gou­lag. Nous arra­chons même leurs ongles. Ici, vous n’avez rien à faire. Quel est votre secret ? »

En 2008, Nick Davies écrit dans The Inde­pendent :

« Pour la pre­mière fois dans l’histoire de l’humanité, il existe une stra­té­gie concer­tée pour mani­pu­ler la per­cep­tion des masses. Et les mass media fonc­tionnent comme des assis­tants com­plai­sants, négli­geant de résis­ter en révé­lant ce fait.

La faci­li­té avec laquelle ce sys­tème peut éta­blir son emprise reflète une fai­blesse struc­tu­relle ram­pante qui afflige main­te­nant la pro­duc­tion de nos infor­ma­tions. J’ai pas­sé les deux der­nières années à la recherche d’un livre sur le men­songe, la dis­tor­sion et la pro­pa­gande dans les médias globalistes.

La « lettre de Zar­qa­wi », qui fut publiée en pre­mière page du New York Times en février 2004, fai­sait par­tie d’une série de docu­ments hau­te­ment sus­pects qui auraient été écrits par, ou à, Zar­qa­wi et qui ont ali­men­tés les médias.

Ce maté­riel est pro­duit, en par­tie, par des agences de ren­sei­gne­ment qui conti­nuent de tra­vailler sans sur­veillance effi­cace ; Et aus­si par une struc­ture nou­velle de « com­mu­ni­ca­tions stra­té­giques » qui a été ini­tia­le­ment conçue par des colombes du Penta­gone et de l’Otan qui vou­laient uti­li­ser des tac­tiques sub­tiles et non vio­lentes pour faire face au ter­ro­risme isla­miste mais dont les efforts sont mal régle­men­tés et mal super­vi­sés, entraî­nant comme résul­tat que cer­tains de ses pra­ti­quants se déchaînent et s’engagent dans les arts noirs de la propagande.

(…)

Le Penta­gone a main­te­nant dési­gné les « opé­ra­tions d’information » comme sa cin­quième « com­pé­tence de base » aux côtés des forces ter­restres, mari­times, aériennes et spé­ciales. Depuis octobre 2006, chaque bri­gade, divi­sion et corps de l’armée amé­ri­caine pos­sède sa propre uni­té « psyop » pro­dui­sant des « infor­ma­tions »pour les médias. Cette acti­vi­té mili­taire est liée à la cam­pagne de « diplo­ma­tie publique » du Dépar­te­ment d’État qui com­prend le finan­ce­ment de sta­tions de radio et de sites Web d’actualités. En Grande-Bre­tagne, la Direc­tion du ciblage et des opé­ra­tions d’information du minis­tère de la Défense col­la­bore avec des spé­cia­listes de 15 psyops bri­tan­niques, basés à l’école de sécu­ri­té et de ren­sei­gne­ment de la défense de Chick­sands, dans le Bedfordshire.

Dans le cas du ren­sei­gne­ment bri­tan­nique, on a pu voir cette com­bi­nai­son de pro­pa­gande impru­dente et d’échec de sur­veillance du tra­vail dans le cas de l’opération Mass Appeal. L’ancien ins­pec­teur des arme­ments de l’ONU, Scott Rit­ter, a expli­qué dans son livre Iraq Confi­den­tial com­ment, à Londres en juin 1998, il a été pré­sen­té à deux « spé­cia­listes de la pro­pa­gande noire » du MI6 qui vou­laient qu’il leur donne des docu­ments qu’ils pour­raient dis­sé­mi­ner grâce aux « édi­teurs et auteurs qui tra­vaillent avec nous de temps en temps ».

Le gou­ver­ne­ment conti­nue de payer des jour­na­listes pour répandre la dés­in­for­ma­tion. Et les médias d’entreprise agissent comme des « ser­vices d’escorte » vir­tuels pour les élites, ven­dant leur dis­po­ni­bi­li­té à un cer­tain prix aux puis­sants fonc­tion­naires du gou­ver­ne­ment, au lieu d’enquêter et d’écrire un article sur ce que font ces fonctionnaires.

L’une des façons dont le gou­ver­ne­ment des États-Unis dif­fuse la pro­pa­gande consiste à s’assurer que sa ver­sion soit dif­fu­sée en pre­mier. Par exemple, le chef de la divi­sion de la télé­vi­sion et du ciné­ma de l’Agence amé­ri­caine de l’information – Alvin A. Sny­der – écri­vait dans son livre War­riors of Dis­in­for­ma­tion : How Lies, Video­tape et USIA Won the Cold War :

« Tous les gou­ver­ne­ments, y com­pris le nôtre, mentent quand cela sert leurs objec­tifs. Le truc est de men­tir le premier. »

(…)

Une autre vic­time, tou­jours de la guerre, est la véri­té. Tout le monde se sou­vien­dra de l’histoire du « tir acci­den­tel russe sur un avion de ligne coréen », à peu près comme on nous l’a racon­té en 1983, et non pas comme cela s’est réel­le­ment passé.

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En 2013, le Congrès amé­ri­cain a abro­gé l’interdiction for­melle d’utiliser de la pro­pa­gande contre les citoyens amé­ri­cains vivant sur le sol amé­ri­cain. Il y a donc encore moins de contrainte à la pro­pa­gande qu’auparavant.

L’un des usages les plus cou­rants de la pro­pa­gande est de vendre des guerres inutiles et contre-pro­duc­tives. Étant don­né que les médias amé­ri­cains sont tou­jours pro-guerre, les édi­teurs, les pro­duc­teurs et les repor­ters tra­di­tion­nels sont des par­ti­ci­pants volon­taires.

Il ne s’agit pas seule­ment de men­tir sur les armes de des­truc­tion mas­sive inexis­tantes de Sad­dam …] [les médias d’entreprise vendent encore des men­songes pour pro­mou­voir la guerre.

L’ancien jour­na­liste de News­week et d’Associated Press, Robert Par­ry, sou­ligne que Ronald Rea­gan et la CIA ont lan­cé une cam­pagne de pro­pa­gande dans les années 1980 pour vendre au public amé­ri­cain le sou­tien aux rebelles Contras, en uti­li­sant des per­sonnes du pri­vé comme Rupert Mur­doch pour dif­fu­ser la dés­in­for­ma­tion. Par­ry note que beau­coup des mêmes per­sonnes qui ont mené l’effort de pro­pa­gande natio­nale de Rea­gan dans les années 1980 sont encore au pou­voir aujourd’hui :

« Alors que la géné­ra­tion plus âgée, qui a été la pion­nière de ces tech­niques de pro­pa­gande domes­tique est sor­tie de scène, beau­coup de leurs pro­té­gés sont encore là de même que cer­taines orga­ni­sa­tions. La Natio­nal Endow­ment for Demo­cra­cy (NED), fon­dé en 1983 à la demande du direc­teur de la CIA, Casey, et sous la super­vi­sion de Wal­ter Ray­mond, est tou­jours diri­gée par le même néo­con­ser­va­teur, Carl Gersh­man, et a un bud­get encore plus impor­tant, dépas­sant actuel­le­ment les cent mil­lions de dol­lars par an.

Gersh­man et sa NED ont joué un rôle impor­tant, bien qu’en cou­lisse, dans la crise ukrai­nienne en finan­çant des mili­tants, des jour­na­listes et d’autres agents qui ont sou­te­nu le coup d’État contre le pré­sident élu Ianou­ko­vitch. La Free­dom House,affiliée à la NED, a éga­le­ment fait son­ner les sirènes de la pro­pa­gande. Voir [Consortiumnews.com « A Sha­dow Forei­gn Poli­cy. »].

Deux autres anciens com­bat­tants de l’ère Rea­gan, Elliott Abrams et Robert Kagan, ont tous deux appor­té un sou­tien intel­lec­tuel impor­tant à la pour­suite de l’interventionnisme des États-Unis dans le monde. Plus tôt cette année, l’article de Kagan pour The New Repu­blic, inti­tu­lé Les super­puis­sances ne peuvent se per­mettre la retraite, a tou­ché un tel nerf chez le pré­sident Oba­ma qu’il a accueilli Kagan à un déjeu­ner à la Mai­son Blanche et celui-ci a conçu le début du dis­cours pré­si­den­tiel de West Point pour mon­trer une par­tie de la cri­tique de Kagan envers l’hésitation d’Obama à uti­li­ser la force militaire.

(…)

L’empire média­tique de Rupert Mur­doch est plus grand que jamais… »

Une autre clé de la pro­pa­gande amé­ri­caine est la répé­ti­tion constante. Comme l’a indi­qué Busi­ness Insi­der en 2013 :

Le lieu­te­nant-colo­nel Daniel Davis, un offi­cier très res­pec­té qui a publié un rap­port cri­tique sur la défor­ma­tion de la véri­té par les hauts res­pon­sables mili­taires en Irak et en Afgha­nis­tan […].

Du lieu­te­nant-colo­nel Davis :

« Dans le contexte, le colo­nel Leap sug­gère que nous devrions chan­ger la loi pour per­mettre aux agents des affaires publiques d’influencer l’opinion publique amé­ri­caine quand ils jugent néces­saire de ‘pro­té­ger un centre de gra­vi­té ami­cal impor­tant, ou ren­for­cer la volon­té natio­nale des États-Unis’. »

La Loi sur la moder­ni­sa­tion de Smith-Mundt de 2012 semble ser­vir à cette fin en per­met­tant que le public amé­ri­cain soit la cible de cam­pagnes d’information finan­cées par le gou­ver­ne­ment des États-Unis.

Davis cite éga­le­ment le géné­ral de bri­gade Ralph O. Baker – l’officier du Penta­gone char­gé du déve­lop­pe­ment des forces inter­ar­mées au minis­tère de la Défense – qui défi­nit les opé­ra­tions d’information comme des acti­vi­tés entre­prises pour « façon­ner le récit essen­tiel d’un conflit ou d’une situa­tion et affec­ter ain­si les atti­tudes et com­por­te­ments du public ciblé ».

Le géné­ral de bri­gade Baker conti­nue en com­pa­rant les des­crip­tions des opé­ra­tions de com­bat avec la stra­té­gie de mar­ke­ting stan­dard qui consiste à répé­ter une infor­ma­tion jusqu’à ce qu’elle soit acceptée :

« Pen­dant des années, les annon­ceurs com­mer­ciaux ont fon­dé leurs stra­té­gies publi­ci­taires sur l’hypothèse qu’il existe une cor­ré­la­tion posi­tive entre le nombre de fois qu’un consom­ma­teur est expo­sé à la publi­ci­té du pro­duit et l’envie d’essayer ce nou­veau pro­duit. Le même prin­cipe s’applique à la façon dont nous influen­çons nos publics cibles lorsque nous menons une COIN. »

Et ces « mil­liers d’heures par semaine de pro­grammes de radio et de télé­vi­sion finan­cés par le gou­ver­ne­ment » semblent ser­vir la stra­té­gie de Baker, qui explique : « La répé­ti­tion est un prin­cipe clé de l’exécution des OI et l’échec à répé­ter constam­ment un mes­sage cohé­rent en dilue l’impact sur les publics cibles. »

Le gou­ver­ne­ment mani­pule mas­si­ve­ment le Web, les médias sociaux et les autres formes de communication.

Bien sûr, le Web et les médias sociaux sont deve­nus une énorme plate-forme média­tique, et le Penta­gone et d’autres agences gou­ver­ne­men­tales mani­pulent mas­si­ve­ment les deux.

Les docu­ments publiés par Snow­den montrent que les espions mani­pulent les son­dages, la popu­la­ri­té des sites Web et le nombre de pages vues, cen­surent les vidéos qu’ils n’aiment pas et ampli­fient les mes­sages qu’ils aiment.

La CIA et d’autres orga­nismes gou­ver­ne­men­taux ont éga­le­ment mis énor­mé­ment d’énergie à pro­pa­ger la pro­pa­gande par le biais de films, de la télé­vi­sion et de jeux vidéo.

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Pro­pa­gande transfrontalière

La pro­pa­gande ne se limite pas à nos frontières…

Par­fois, le gou­ver­ne­ment sème la dés­in­for­ma­tion dans les médias amé­ri­cains pour trom­per les étran­gers. Par exemple, un résu­mé offi­ciel du gou­ver­ne­ment amé­ri­cain sur le ren­ver­se­ment du pré­sident démo­cra­ti­que­ment élu de l’Iran dans les années 1950, dit : « En col­la­bo­ra­tion avec le Dépar­te­ment d’État, la CIA avait trans­mis plu­sieurs articles aux prin­ci­paux jour­naux et maga­zines amé­ri­cains qui, une fois repu­bliés dans les jour­naux ira­niens, ont eu l’effet psy­cho­lo­gique dési­ré sur la popu­la­tion ira­nienne et ont contri­bué à la guerre des nerfs contre Mos­sa­degh. »

La CIA a éga­le­ment sou­doyé des jour­na­listes étran­gers de pre­mier plan.

Et CNN a accep­té de l’argent du dic­ta­teur Bah­ra­ni pour mener une pro­pa­gande pro-monarchique.

Et qui­conque conteste le sta­tu quo est éti­que­té comme four­nis­seur de « fausses nou­velles »… ou pire.

Le pre­mier amen­de­ment de la Consti­tu­tion amé­ri­caine pro­tège la liber­té de la presse contre la cen­sure du gouvernement.

En fait, la rai­son pour laquelle il est illé­gal pour le gou­ver­ne­ment d’empêcher les his­toires d’être impri­mées est parce que cela puni­rait ceux qui cri­tiquent ceux au pou­voir.

Pour­quoi ? Parce que les Pères fon­da­teurs savaient que les gou­ver­ne­ments (comme la monar­chie bri­tan­nique) vont tou­jours sévir contre ceux qui sou­lignent que l’empereur est nu.

Mais la liber­té de la presse est sou­mise à une attaque mas­sive en Amé­rique aujourd’hui…

Par exemple, les puis­sances en place pré­tendent que seules les entre­prises média­tiques recon­nues et qui agissent comme sté­no­graphes pour les grosses huiles devraient béné­fi­cier des pro­tec­tions consti­tu­tion­nelles garan­tis­sant la liber­té de la presse.

Un pro­fes­seur d’école de droit de Har­vard sou­tient que le Pre­mier Amen­de­ment est dépas­sé et devrait être abandonné.

Quand les blo­gueurs qui s’occupent de finance contestent la poli­tique de la Réserve fédé­rale, un fonc­tion­naire de la Fed dit que tous les blo­gueurs sont stu­pides et manquent de qua­li­fi­ca­tions pour commenter.

Et le gou­ver­ne­ment traite les vrais jour­na­listes d’investigation comme des cri­mi­nels… ou même des terroristes :

Oba­ma s’en est pris à des jour­na­listes recon­nus. Son minis­tère de la Jus­tice a qua­li­fié le cor­res­pon­dant de Fox News à Washing­ton, James Rosen, de « co-conspi­ra­teur cri­mi­nel » dans un cas de fuite et mena­cé pen­dant de nom­breuses années de pour­suivre le jour­na­liste du New York Times, ayant reçu un prix Pulit­zer, James Risen.

L’administration Oba­ma a éga­le­ment espion­né Risen, Rosen, l’Associated Press, la jour­na­liste CBS Che­ryl Atkin­son et d’autres médias.

En fait, les prin­ci­paux dénon­cia­teurs de la NSA ont dit au Washington’s blog que la NSA a espion­né les jour­na­listes pen­dant plus d’une décen­nie… pour s’assurer qu’ils ne révèlent pas les pro­grammes gou­ver­ne­men­taux illégaux.

Le Penta­gone a déni­gré les jour­na­listes d’USA Today parce qu’ils ont enquê­té sur la pro­pa­gande illé­gale du Penta­gone.

Des jour­na­listes cou­vrant les mani­fes­ta­tions d’Occu­py Wall Street ont été mena­cés d’arrestation.

Le gou­ver­ne­ment admet que les jour­na­listes pour­raient être visés par les lois anti­ter­ro­risme (et ici). Par exemple, après que le jour­na­liste Chris Hedges, autre jour­na­liste ayant reçu un Prix Pulit­zer, la jour­na­liste Nao­mi Wolf, le lan­ceur d’alerte des Penta­gon Papers Daniel Ells­berg et d’autres ont pour­sui­vi le gou­ver­ne­ment en jus­tice pour s’opposer à la déten­tion illi­mi­tée d’Étasuniens – le juge a deman­dé cinq fois aux pro­cu­reurs du gou­ver­ne­ment si des jour­na­listes comme Hedges pou­vaient être indé­fi­ni­ment déte­nus sim­ple­ment pour avoir inter­viewé et écrit sur les pour­ris du gou­ver­ne­ment. Le gou­ver­ne­ment a refu­sé de pro­mettre que des jour­na­listes comme Hedges ne seront jamais mis au cachot pour le reste de leur vie sans aucun droit de par­ler à un juge.

Dans un effort pour pro­té­ger la Bank of Ame­ri­ca de la menace de Wiki­leaks d’exposer les actes répré­hen­sibles de la banque, le minis­tère de la Jus­tice a conseillé à la banque d’embaucher un cabi­net d’avocats spé­cia­li­sé afin de réunir une équipe pou­vant faire fer­mer Wiki­Leaks (et voir ceci)

La NSA et son homo­logue bri­tan­nique ont trai­té Wiki­leaks comme une orga­ni­sa­tion ter­ro­riste, allant jusqu’à cibler poli­ti­que­ment ses employés et espion­ner les visi­teurs de son site Web

Article ori­gi­nal en anglais :The CIA is One of the Main Pedd­lers of Fake News : New­ly-Declas­si­fied Docs.

Tra­duit par Wayan, relu par Michèle pour le Saker Fran­co­phone

La source ori­gi­nale de cet article est Washing­ton’s Blog Copy­right © Washing­ton’s Blog, 2017