Forces Murales… des forces du passé pour les luttes d’aujourd’hui

Forces Murales est un collectif fondé en 1947 par Edmond Dubrunfaut, Louis Deltour et Roger Somville, ils publient un manifeste pour faire « un art public exaltant la vie et le travail des hommes, leurs luttes, leurs souffrances, leurs joies, leurs victoires et leurs espoirs ».

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Le 16 sep­tembre aura lieu la créa­tion d’une fresque par un groupe de quatre artistes en hom­mage au col­lec­tif « Forces Murales ». L’événement pren­dra place dans le cadre de Mani­fies­ta (fes­ti­val du jour­nal Soli­daire, organe du PTB) et il n’aurait pas pu se faire sans le sou­tien de l’AMSAB – ISG et de l’IHOES.

Forces Murales, c’est quoi ?

Forces Murales est un col­lec­tif fon­dé en 1947 par Edmond Dubrun­faut, Louis Del­tour et Roger Som­ville, ils publient un mani­feste pour faire « un art public exal­tant la vie et le tra­vail des hommes, leurs luttes, leurs souf­frances, leurs joies, leurs vic­toires et leurs espoirs ». Leur groupe appa­raît dans un contexte très par­ti­cu­lier : celui de l’après-guerre, de la recons­truc­tion et de la bipo­la­ri­sa­tion du monde. En Bel­gique, le Pacte social ‑négo­cié entre le patro­nat et les syn­di­cats clan­des­tins- est mis en place… mais c’est sur­tout l’ascension du Par­ti com­mu­niste qui marque la scène poli­tique belge. Le PCB est entou­ré d’une aura forte dans le pays, légi­time puisqu’ils sont sans conteste des héros de la Résistance. 

Le PCB est le troi­sième par­ti du pays et par­ti­cipe aux gou­ver­ne­ments où il y gère des por­te­feuilles minis­té­riels impor­tants. Le Par­ti a lar­ge­ment recru­té dans les bas­tions indus­triels et son assise s’est consi­dé­ra­ble­ment élar­gie, notam­ment par­mi les couches inter­mé­diaires de la socié­té : « les ensei­gnants, les fonc­tion­naires, les intel­lec­tuels, les artistes et appuie son action sur une pra­tique cultu­relle mise au pro­fit du pro­ces­sus de libé­ra­tion du peuple qui n’est pas sans rap­pe­ler l’idéologie du Front popu­laire en France dix ans plus tôt » écrit Ludo Bet­tens, com­mis­saire scien­ti­fique de l’exposition Forces Murales, un art mani­feste. Il conti­nue : Le col­lec­tif Forces murales ne pour­suit pas d’autre but, lui qui entend « mettre l’art au ser­vice de tous ».

Ce qui les unit, ce n’est pas seule­ment leur époque et la démarche du mani­feste, mais aus­si les sujets abor­dés dans leurs tra­vaux et les sup­ports de ceux-ci. En effet, les sup­ports se doivent d’être à por­tée col­lec­tive, des tapis­se­ries, des vitraux, pein­tures monu­men­tales, céra­miques murales, etc. Les influences des trois artistes de Forces Murales sont, elles aus­si, mul­tiples : Pablo Picas­so, Fer­nand Léger, Jean Lur­çat, les mura­listes mexi­cains, le réa­lisme social, etc. Les com­bats, dans les­quels ils s’engagent, sont les luttes du mou­ve­ment ouvrier et du PCB ain­si que le paci­fisme, le sou­tien face à la répres­sion des mili­tants, aux sans-abris, à l’enfance…

Arrê­tons-nous un ins­tant sur Roger Som­ville, par exemple. Dans ses œuvres (sur les tableaux comme les murs) il repré­sente la classe ouvrière, les mineurs, les délé­gués syn­di­caux, les pauvres, les luttes inter­na­tio­nales (Chi­li, Grèce) mais aus­si des ani­maux, des moments de la vie, au café, dans le bus, etc. Les œuvres de Forces Murales se retrouvent aus­si bien dans des habi­ta­tions sociales, que dans des sta­tions métros tan­dis que d’autres furent créées pour des évé­ne­ments excep­tion­nels comme le tren­tième anni­ver­saire du PCB en 1951.

Louis Del­tour quitte le groupe en 1953 et Som­ville et Dubrun­faut mettent un terme à l’existence de Forces Murales. Mal­gré cela, l’influence de leur pra­tique artis­tique, elle, a conti­nué à vivre tout d’abord dans la vie de ces trois grands artistes, ensuite chez d’autres qui ont pris le relais… jusqu’à aujourd’hui !

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Le pro­jet de la fresque à « Résistance/Verzet »

Une expo­si­tion des œuvres de Forces Murales a déjà com­men­cé au Centre Staf Vers­luys à Bre­dene à la Mer du Nord. Cette expo­si­tion se nomme « Résistance/Verzet » et fête les 70 ans de Forces Murales. L’entrée est gra­tuite et cette expo­si­tion se ter­mine le 1er octobre 2017. Et dans le cadre de « Résis­tance » et de Mani­fies­ta, ce 16 sep­tembre, un groupe de quatre artistes belges aux ori­gines diverses crée­ra une nou­velle fresque. Le tra­vail des artistes aujourd’hui pose à la gauche com­ba­tive (celle qui résiste au néo­li­bé­ra­lisme, pas celle qui l’a épou­sé) des ques­tions impor­tantes. Cer­taines de ces ques­tions sont les mêmes que celles qui occu­paient les fon­da­teurs de Forces Murales : la ques­tion de l’accès à l’art, du sta­tut des artistes, etc. Cer­taines autres ques­tions sont neuves : le street-art s’est beau­coup déve­lop­pé, l’urgence des désastres éco­lo­giques com­men­cés a don­né nais­sance à de nou­velles luttes donc à de nou­velles images, reven­di­ca­tions, etc.

Connais­sant des situa­tions dif­fé­rentes, les quatre artistes char­gés de la fresque, Julie Duquesne, Cali­ban Rami­rez, Ben­ja­min Alva­rez et Nemo, ont lan­cé un crow­fun­ding (finan­ce­ment par­ti­ci­pa­tif) sur le site kiss­kiss­bank­bank. Ils ont besoin d’aide pour arri­ver au bout. Nous en sommes à 74% (à l’heure où sont rédi­gées ces lignes), ce court article n’est pas seule­ment une invi­ta­tion à aller nom­breux à l’exposition « Résistance/Verzet » c’est aus­si un appel à la soli­da­ri­té finan­cière. Nous pou­vons atteindre les 26% res­tant en 4 jours, ce n’est pas un pro­blème pour nous, sur­tout si nous com­pre­nons que la bataille cultu­relle doit prendre une place cen­trale dans nos luttes. Voi­ci le lien vers le crow­fun­ding qu’il soit par­ta­gé un maxi­mum pour per­mettre la réus­site de l’événement… et de ses pos­sibles suites (vous les appren­drez dans de pro­chains articles).

Il est inté­res­sant de noter que les influences de ces quatre artistes varient, l’un, Cali­ban Rami­rez, a été l’élève de Roger Som­ville mais a aus­si été influen­cé par les Bri­gades Ramo­na Par­ra, orga­ni­sa­tion com­mu­niste chi­lienne qui réa­li­sa de grandes pein­tures murales sous l’Unité Popu­laire (gou­ver­ne­ment des gauches diri­gé par le pré­sident socia­liste Sal­va­dor Allende). Ces tra­di­tions de fresques murales sont encore bien vivantes au Chi­li, au Vene­zue­la et, en géné­ral, un peu par­tout en l’Amérique latine. Avec Ben­ja­min Alva­rez, ils ont tous les deux (et avec d’autres encore), réa­li­sé la fresque murale du centre bruxel­lois Gar­cia Lor­ca à la rue des Fou­lons. Et des tra­vaux de Nemo et de Julie Duquesne, il y aurait encore tant de choses à dire. Ces quatre artistes-là ont déjà réa­li­sé des œuvres magni­fiques et sont à la hau­teur de la tâche qui est la leur : rendre hom­mage à Som­ville, Del­tour et Dubrun­faut et en même temps conti­nuer le com­bat cultu­rel et social.

Un der­nier rap­pel avec le lien vers le crowfunding

Maxime Rami­rez, étu­diant en his­toire à l’ULB.

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Sources : « Forces Murales, un col­lec­tif ancré dans son temps » par Ludo Bet­tens. Article dis­po­nible sur le site de l’IHOES et des Beaux-Arts de Liège avec d’autres textes sur l’exposition dédiée à Forces Murales : et http://beauxartsliege.be/FORCES-MURALES.
« Résis­tance : l’art enga­gé s’expose à Mani­fies­ta » par Sté­pha­nie Koplo­wicz. Inter­view des “grands enfants” Som­ville, Del­tour et Dubrunfaut.