50 vérités sur Nelson Mandela

SALIM LAMRANI, en 2009 auteur du livre "Cuba. Ce que les médias ne vous diront jamais" (prologue de Nelson Mandela)

SALIM LAMRANI, en 2009 auteur du livre Cuba. Ce que les médias ne vous diront jamais (pro­logue de Nel­son Mandela) : 

cuba_les_medias.png André Garand : Votre ouvrage com­porte un pro­logue de Nel­son Man­de­la. Com­ment avez-vous réa­li­sé cette prouesse ?

Salim Lam­ra­ni : Lorsque j’ai ache­vé la rédac­tion de cet ouvrage, j’ai son­gé à la néces­si­té d’y inclure un pro­logue qui s’inscrirait dans le cadre de ce tra­vail, à savoir Cuba et la dés­in­for­ma­tion média­tique. La figure de Nel­son Man­de­la s’est immé­dia­te­ment impo­sée à mon esprit. Le défi était d’arriver jusqu’à lui. J’ai donc dans un pre­mier temps pas­sé un coup de fil à mon amie Nadine Gor­di­mer, écri­vaine sud-afri­caine et Prix Nobel de lit­té­ra­ture qui est une proche de Nel­son Man­de­la, pour lui faire part de mon pro­jet. Elle a pro­mis d’intercéder en ma faveur et après huit mois d’attente qui ont per­mis aux conseiller de Nel­son Man­de­la de se ren­sei­gner sur ma per­sonne, j’ai reçu une réponse posi­tive qui m’a com­blé de joie. Je dois recon­naitre que j’ai le sen­ti­ment d’être un privilégié.

50 véri­tés sur Nel­son Mandela
_ Par Salim Lamrani

Source de l’ar­ticle : Ope­ra Mundi

Le héros de la lutte contre l’Apartheid a mar­qué à jamais l’histoire de l’Afrique. Au cré­pus­cule de son exis­tence, Nel­son Man­de­la est véné­ré par tous. Cepen­dant, les grandes puis­sances occi­den­tales se sont oppo­sées jusqu’aux ultimes ins­tants à son com­bat pour l’émancipation humaine et ont sou­te­nu le régime raciste de Pretoria.

1. Né le 18 juillet 1918, Nel­son Rolih­lah­la Man­de­la, sur­nom­mé Madi­ba, est le sym­bole par excel­lence de la résis­tance à l’oppression et au racisme et de la lutte pour la jus­tice et l’émancipation humaine.

2. Issu d’une famille royale de treize enfants, Man­de­la est le pre­mier à fré­quen­ter une école métho­diste et étu­die le droit à l’Université de Fort Hare, la seule à accep­ter alors les gens de cou­leur dans le régime ségré­ga­tion­niste de l’Apartheid.

3. En 1944, il adhère au Congrès natio­nal afri­cain (ANC) et notam­ment à sa Ligue de jeu­nesse d’obédience radicale.

4. L’Apartheid, mis en place de 1948 avec la vic­toire du Par­ti Natio­nal Puri­fié, ins­tau­rait la doc­trine de la supé­rio­ri­té de la race blanche et divi­sait la popu­la­tion sud-afri­caine en quatre groupes dis­tincts : les Blancs (20%), les Indiens (3%), les Métis (10%) et les Noirs (67%). Ce sys­tème ségré­ga­tion­niste ostra­ci­sait ain­si les 4/5 de la popu­la­tion du pays.

5. Des ban­tous­tans, réserves ter­ri­to­riales des­ti­nées aux gens de cou­leurs, ont été créés afin de par­quer les popu­la­tions non blanches. Ain­si, 80% de la popu­la­tion était obli­gée de vivre sur 13% du ter­ri­toire natio­nal, sou­vent dépour­vu de res­sources natu­relles ou de sec­teur indus­triel, dans la plus grande indigence.

6. En 1951, Nel­son Man­de­la devient le pre­mier avo­cat noir de Johan­nes­burg et prend la tête de l’ANC de la pro­vince du Trans­vaal un an plus tard. Il est éga­le­ment nom­mé vice-pré­sident national.

7. A la tête de l’ANC, il lance la defiance cam­pai­gn contre le régime raciste de l’Apartheid et uti­lise la déso­béis­sance civile contre les lois ségré­ga­tion­nistes. Lors de la mani­fes­ta­tion du 6 avril 1952, date mar­quant le 300ème anni­ver­saire de la colo­ni­sa­tion de l’Afrique du Sud par les Blancs, Man­de­la est arrê­té et condam­né à près d’un an de pri­son. Depuis sa rési­dence sur­veillée de Johan­nes­burg, il met en place des cel­lules clan­des­tines de l’ANC.

8. Au nom de la lutte contre l’Apartheid, Man­de­la prône l’alliance entre l’ANC et le Par­ti com­mu­niste sud-afri­cain. Selon lui, « l’ANC n’est pas un par­ti com­mu­niste mais un ample mou­ve­ment de libé­ra­tion qui inclut par­mi ses membres des com­mu­nistes et des non-com­mu­nistes. Toute per­sonne qui est un membre loyal de l’ANC et qui accepte la dis­ci­pline et les prin­cipes de l’organisation a le droit d’appartenir à ses rangs. Notre rela­tion avec le Par­ti com­mu­niste sud-afri­cain en tant qu’organisation se base sur le res­pect mutuel. Nous nous unis­sons au Par­ti com­mu­niste sud-afri­cain autour de ces objec­tifs qui nous sont com­muns, mais nous res­pec­tons l’indépendance de cha­cun et son iden­ti­té indi­vi­duelle. Il n’y a eu aucune ten­ta­tive de la part du Par­ti com­mu­niste sud-afri­cain de sub­ver­tir l’ANC. Au contraire, notre force vient de cette alliance. »

9. En décembre 1956, Man­de­la est arrê­té et accu­sé de tra­hi­son avec plus d’une cen­taine de mili­tants anti-apar­theid. Après un pro­cès de près de quatre ans, il est acquit­té par les tribunaux.

10. En mars 1960, suite au mas­sacre de Shar­pe­ville réa­li­sé par la police contre les mani­fes­tants anti-ségré­ga­tion et qui a coû­té la vie à 69 per­sonnes, le régime de l’Apartheid inter­dit l’ANC.

11. Man­de­la fonde alors l’Umkhonto we Sizwe (MK) en 1961 et prône la lutte armée contre le régime raciste sud-afri­cain. Avant d’opter pour la doc­trine de la vio­lence légi­time et néces­saire, Man­de­la a for­te­ment été ins­pi­ré par la phi­lo­so­phie de la non-vio­lence de Gand­hi : « Bien que nous ayons pris les armes, ce n’était pas notre option pré­fé­rée. C’est le régime de l’Apartheid qui nous a obli­gés à prendre les armes. Notre option pré­fé­rée aurait été de trou­ver une solu­tion paci­fique au conflit de l’Apartheid. »

12. Le MK mul­ti­plie alors les actes de sabo­tage contre les sym­boles et les ins­ti­tu­tions de l’Apartheid tout en pré­ser­vant les vies humaines, lance avec suc­cès une grève géné­rale et pré­pare le ter­rain de la lutte armée avec un entrai­ne­ment mili­taire de ses membres.

13. Lors de son séjour en Algé­rie en 1962 suite à l’invitation du Pré­sident Ahmed Ben Bel­la, Man­de­la en pro­fite pour par­faire ses connais­sances sur la guerre de gué­rilla. Alger met à la dis­po­si­tion de l’ANC des camps d’entrainement et sou­tient finan­ciè­re­ment les résis­tants anti-apar­theid. Man­de­la y reçoit une for­ma­tion mili­taire. Il est pro­fon­dé­ment ins­pi­ré par la guerre de libé­ra­tion natio­nale du peuple algé­rien contre le colo­nia­lisme fran­çais. Après sa libé­ra­tion, Man­de­la réser­ve­ra son pre­mier dépla­ce­ment à l’étranger à l’Algérie en mai 1990 et ren­dra hom­mage au peuple algé­rien : « C’est l’Algérie qui a fait de moi un homme. Je suis algé­rien, je suis arabe, je suis musul­man ! Quand je suis ren­tré dans mon pays pour affron­ter l’Apartheid, je me suis sen­ti plus fort ». Il rap­pel­le­ra qu’il a été « le pre­mier Sud-Afri­cain à avoir été entraî­né mili­tai­re­ment en Algérie. »

14. Man­de­la étu­die minu­tieu­se­ment les écrits de Mao et de Che Gue­va­ra. Il devient un grand admi­ra­teur du gué­rille­ro cuba­no-argen­tin. A sa libé­ra­tion, il décla­re­ra : « Les prouesses révo­lu­tion­naires [de Che Gue­va­ra] – y com­pris sur notre conti­nent – furent d’une telle ampleur qu’aucun fonc­tion­naire char­gé de cen­sure dans notre pri­son ne put les occul­ter. La vie du Che est une ins­pi­ra­tion pour tout être humain qui aime la liber­té. Nous hono­re­rons éter­nel­le­ment sa mémoire. »

15. Cuba a été l’une des pre­mières nations à appor­ter son aide à l’ANC. A ce pro­pos, Nel­son Man­de­la sou­li­gne­ra : « Où se trouve le pays ayant sol­li­ci­té une aide de Cuba qui lui a été refu­sée ? Com­bien de pays mena­cés par l’impérialisme ou qui luttent pour leur libé­ra­tion natio­nale ont pu comp­ter sur le sou­tien de Cuba ? Je dois dire que quand nous avons vou­lu prendre les armes, nous nous sommes appro­chés de nom­breux gou­ver­ne­ments occi­den­taux à la recherche d’aide, et nous avons seule­ment obte­nu des audiences avec des ministres de rang subal­terne. Quand nous avons ren­du visite à Cuba, nous avons été reçus par les plus hauts fonc­tion­naires, les­quels nous ont immé­dia­te­ment offert tout ce que nous sou­hai­tions et tout ce dont nous avions besoin. Ce fut notre pre­mière expé­rience avec l’internationalisme de Cuba. »

16. Le 5 août 1962, après 17 mois de vie clan­des­tine, Man­de­la est arrê­té et empri­son­né à Johan­nes­burg, grâce à la col­la­bo­ra­tion des ser­vices secrets des Etats-Unis avec le régime de Pre­to­ria. La CIA a four­ni aux forces répres­sives de l’Apartheid les infor­ma­tions néces­saires à la cap­ture du lea­der de la résis­tance sud-africaine.

17. Accu­sé d’être l’organisateur de la grève géné­rale de 1961 et de sor­tie illé­gale du ter­ri­toire natio­nal, il est condam­né à 5 ans de prison.

18. En juillet 1963, le régime pro­cède à l’arrestation de 11 diri­geants de l’ANC à Rivo­nia, près de Johan­nes­burg, siège de la direc­tion du MK. Tous sont accu­sés de tra­hi­son, sabo­tage, de conspi­ra­tion avec le Par­ti com­mu­niste et de com­plot des­ti­né à ren­ver­ser le gou­ver­ne­ment. Alors qu’il se trouve en pri­son, Man­de­la est accu­sé des mêmes charges.

19. Le 9 octobre 1963 débute le célèbre pro­cès de Rivo­nia devant la Cour suprême de Pre­to­ria. Le 20 avril 1964, face au juge afri­ka­ner Quar­tus de Wet, Man­de­la déve­loppe son vibrant plai­doyer et sou­ligne que face à l’échec de la déso­béis­sance civile comme méthode de com­bat pour obte­nir la liber­té, l’égalité et la jus­tice, face aux mas­sacres de Shar­pe­ville et l’interdiction de son orga­ni­sa­tion, l’ANC n’a au d’autre choix que de recou­rir à la lutte armée pour résis­ter à l’oppression.

20. Le 12 juin 1964, Man­de­la et ses com­pa­gnons sont jugés cou­pables de sédi­tion et condam­nés à la pri­son à vie.

21. Le Conseil de sécu­ri­té des Nations unies dénonce le pro­cès poli­tique de Rivo­nia. En août 1963, il condamne le régime de l’Apartheid et appelle les nations du monde à sus­pendre leurs livrai­sons d’armes à l’Afrique du Sud.

22. Les grandes nations telles que les Etats-Unis, la Grande Bre­tagne et la France, loin de res­pec­ter la Réso­lu­tion du Conseil de sécu­ri­té, ont sou­te­nu le régime raciste sud-afri­cain et pour­suivent leurs livrai­sons d’armes.

23. De De Gaulle au gou­ver­ne­ment de Gis­card, la France a été un allié fidèle du pou­voir raciste de Pre­to­ria et a sys­té­ma­ti­que­ment refu­sé d’apporter son aide à l’ANC dans son com­bat pour l’égalité et la justice.

24. Paris, qui n’a ces­sé d’approvisionner Pre­to­ria en maté­riel mili­taire, a même livré à l’Afrique du Sud sa pre­mière cen­trale nucléaire en 1976. Sous les gou­ver­ne­ments de De Gaulle et de Pom­pi­dou, l’Afrique du Sud était le 3ème client de la France en matière d’armement.

25. En 1975, le Centre Fran­çais du Com­merce Exté­rieur (CFCE) note que « La France est consi­dé­rée comme le seul véri­table sou­tien de l’Afrique du Sud par­mi les grands pays occi­den­taux. Non seule­ment elle lui four­nit l’essentiel des arme­ments néces­saires à sa défense, mais elle s’est mon­trée bien­veillante, sinon un allié, dans les débats et les votes des orga­ni­sa­tions internationales ».

26. Empri­son­né à Rob­ben Island, sous le matri­cule 466/64, Man­de­la y passe 18 années de son exis­tence dans des condi­tions d’une extrême dure­té. Il ne peut rece­voir que deux lettres et deux visites par an et sera sépa­ré de sa femme Win­nie – inter­dite de visite – pen­dant 15 ans. Il est condam­né aux tra­vaux for­cés, ce qui affecte sérieu­se­ment son état de san­té phy­sique sans jamais réus­sir à bri­ser la force morale qui l’anime. Il dis­pense des cours de poli­tique, de lit­té­ra­ture et de poé­sie à ses cama­rades de for­tune et appelle à la résis­tance. Man­de­la aime à réci­ter le poème Invic­tus de William Ernest Hen­ley : “It mat­ters not how strait the gate,/How char­ged with punish­ments the scroll./I am the mas­ter of my fate:/I am the cap­tain of my soul.”

27. Le 6 décembre 1971, l’Assemblée géné­rale des Nations unies qua­li­fie l’Apartheid de crime contre l’humanité et exige la libé­ra­tion de Nel­son Mandela.

28. En 1976, le gou­ver­ne­ment sud-afri­cain pro­pose à Man­de­la une libé­ra­tion à condi­tion qu’il renonce à son com­bat. Madi­ba rejette fer­me­ment l’offre du régime ségrégationniste.

29. En novembre 1976, suite aux émeutes de Sowe­to et à la san­glante répres­sion déclen­chée par le régime de l’Apartheid, le Conseil de sécu­ri­té des Nations unies impose un embar­go sur les armes à des­ti­na­tion de l’Afrique du Sud.

30. En 1982, Man­de­la est trans­fé­ré à la pri­son de Polls­moor, près du Cap.

31. En 1985, Pie­ter Willen Botha, pré­sident de fac­to de la nation, pro­pose une libé­ra­tion à Man­de­la si en échange il s’engage à renon­cer à la lutte armée. Le lea­der de la lutte anti-apar­theid rejette l’offre et exige la démo­cra­tie pour tous : « Un homme, une voix. »

32. Face à la recru­des­cence des opé­ra­tions de gué­rilla du MK, le régime ségré­ga­tion­niste crée des esca­drons de la mort afin d’éliminer les mili­tants de l’ANC en Afrique du Sud et à l’étranger. Le cas le plus célèbre reste celui de Dul­cie Sep­tem­ber assas­si­née à Paris, le 29 mars 1988.

33. La mobi­li­sa­tion inter­na­tio­nale en faveur de la libé­ra­tion de Nel­son Man­de­la culmine avec un concert télé­vi­sé à Wem­bley en juin 1988 en hom­mage aux 70 ans du résis­tant sud-afri­cain, qui est sui­vi par un demi-mil­liard de per­sonnes à tra­vers le monde.

34. L’élément déci­sif qui a mis fin à l’Apartheid a été la cui­sante défaite mili­taire de l’armée sud-afri­caine à Cui­to Cua­na­vale dans le Sud-Est de l’Angola contre les troupes cubaines en jan­vier 1988. Fidel Cas­tro avait en effet dépê­ché ses meilleurs sol­dats en Ango­la suite à l’invasion du pays par le régime de Pre­to­ria sou­te­nu par les Etats-Unis. La vic­toire de Cui­to Cua­na­vale a éga­le­ment per­mis à la Nami­bie, alors occu­pée par l’Afrique du Sud, d’obtenir son indépendance.

35. Dans un article inti­tu­lé « Cui­to Cua­na­vale : la bataille qui mit fin à l’Apartheid », l’historien Pie­ro Glei­jeses, pro­fes­seur à l’Université Johns Hop­kins de Washing­ton, spé­cia­liste de la poli­tique afri­caine de Cuba, note que « la prouesse des Cubains sur le champ de bataille et leur vir­tuo­si­té à la table des négo­cia­tions s’avérèrent déci­sives pour contraindre l’Afrique du Sud à accep­ter l’indépendance de la Nami­bie. Leur défense vic­to­rieuse de Cui­to Cua­na­vale fut le pré­lude d’une cam­pagne qui obli­gea la SDAF (Armée sud-afri­caine) à quit­ter l’Angola. Cette vic­toire eut des réper­cus­sions au-delà des fron­tières de la Namibie. »

36. Nel­son Man­de­la, lors de sa visite his­to­rique à Cuba en juillet 1991, rap­pel­le­ra cet épi­sode : « Votre pré­sence et le ren­fort envoyé pour la bataille de Cui­to Cua­na­vale revêtent une impor­tance vrai­ment his­to­rique ! L’écrasante déroute de l’armée raciste à Cui­to Cua­na­vale a consti­tué une vic­toire pour toute l’Afrique ! Cette défaite indis­cu­table de l’armée raciste à Cui­to Cua­na­vale a don­né la pos­si­bi­li­té à l’Angola de pro­fi­ter de la paix et de conso­li­der sa propre sou­ve­rai­ne­té ! La déroute de l’armée raciste a per­mis au peuple com­bat­tant de Nami­bie de conqué­rir enfin son indé­pen­dance ! La défaite déci­sive des forces agres­sives de l’Apartheid a détruit le mythe de l’invincibilité de l’oppresseur blanc ! La déroute de l’armée de l’Apartheid a ser­vi d’inspiration au peuple com­bat­tant d’Afrique du Sud ! Sans la défaite infli­gée à Cui­to Cua­na­vale nos orga­ni­sa­tions n’auraient pas été léga­li­sées ! La défaite de l’armée raciste à Cui­to Cua­na­vale explique qu’aujourd’hui je puisse me trou­ver par­mi vous ! Cui­to Cua­na­vale est un évè­ne­ment mar­quant dans l’histoire de la lutte pour la libé­ra­tion de l’Afrique aus­trale ! Cui­to Cua­na­vale marque un virage dans la lutte pour libé­rer le conti­nent et notre pays du fléau de l’Apartheid ! La défaite déci­sive infli­gée à Cui­to Cua­na­vale a alté­ré la cor­ré­la­tion de forces dans la région et a réduit consi­dé­ra­ble­ment la capa­ci­té du régime de Pre­to­ria à désta­bi­li­ser ses voi­sins. Ce fait, conju­gué à la lutte de notre peuple à l’intérieur du pays, a été cru­cial pour faire com­prendre à Pre­to­ria qu’il devait s’asseoir à la table des négociations. »

37. Le 2 février 1990, le régime ségré­ga­tion­niste, mori­bond après la déroute de Cui­to Cua­na­vale, est contraint de léga­li­ser l’ANC et d’accepter des négociations.

38. Le 11 février 1990, Nel­son Man­de­la est enfin libre après avoir pas­sé 27 ans en prison.

39. En juin 1990, les der­nières lois ségré­ga­tion­nistes sont abo­lies suite à la pres­sion impo­sée par Nel­son Man­de­la, l’ANC et le peuple.

40. Elu pré­sident de l’ANC en juillet 1991, Man­de­la rap­pelle ses objec­tifs : « Nous, à l’ANC, serons tou­jours du côté des pauvres et des sans-droits. Non seule­ment nous serons à leurs côtés, mais nous allons faire en sorte que tôt ou tard les pauvres et sans-droits contrôlent la terre sur laquelle ils sont nés et que – comme le sti­pule la Charte de la Liber­té – ce soit le peuple qui gouverne. »

41. For­te­ment cri­ti­qué pour son alliance avec le Par­ti com­mu­niste sud-afri­cain lors du pro­ces­sus de paix par les puis­sances occi­den­tales qui sou­te­naient encore le régime de l’Apartheid, Man­de­la a répli­qué de manière cin­glante : « Nous n’avons pas la moindre inten­tion d’accorder un quel­conque cré­dit à ceux qui nous conseillent de rompre cette alliance [avec le Par­ti com­mu­niste]. Qui sont ceux qui offrent ces conseils non sol­li­ci­tés ? Ils pro­viennent majo­ri­tai­re­ment de ceux qui ne nous ont jamais offert la moindre aide. Aucun de ces conseillers n’a jamais fait les sacri­fices qu’ont faits les com­mu­nistes pour notre lutte. Cette alliance nous a ren­for­cés et nous la pour­sui­vrons davantage. »

42. En 1991, Man­de­la condamne le sou­tien per­sis­tant des Etats-Unis au régime de l’Apartheid : « Nous sommes pro­fon­dé­ment inquiets de l’attitude adop­tée par l’administration Bush à ce sujet. Ce fut l’un des rares gou­ver­ne­ments qui a été en contact régu­lier avec nous pour exa­mi­ner la ques­tion des sanc­tions et nous lui avons clai­re­ment mon­tré qu’il était pré­ma­tu­ré de les sup­pri­mer. Cepen­dant, cette admi­nis­tra­tion, sans même nous consul­ter, nous a sim­ple­ment infor­més que les sanc­tions nord-amé­ri­caines allaient être annu­lées. Nous consi­dé­rons que cela est tota­le­ment inacceptable. »

43. En 1993, Man­de­la reçoit le prix Nobel de la paix pour son œuvre en faveur de la récon­ci­lia­tion nationale.

44. Lors du pre­mier scru­tin démo­cra­tique de l’histoire de l’Afrique du Sud du 27 avril 1994, Nel­son Man­de­la, âgé de 77 ans, est élu Pré­sident de la Répu­blique avec plus de 60% des voix et gou­verne jusqu’en 1999.

45. Le 1er décembre 2009, l’Assemblée géné­rale des Nations unies vote à l’unanimité de ses 192 membres une réso­lu­tion décré­tant le 18 juillet jour­née inter­na­tio­nale Nel­son Man­de­la, en hom­mage au com­bat du héros sud-afri­cain contre toutes les injustices.

46. Si aujourd’hui, Man­de­la est salué par tous, durant des décen­nies, les puis­sances occi­den­tales l’ont consi­dé­ré comme un homme dan­ge­reux et l’ont com­bat­tu en sou­te­nant le régime de l’Apartheid.

47. Les Etats-Unis et la Grande Bre­tagne ont été les prin­ci­paux alliés du régime de l’Apartheid, qu’ils ont sou­te­nu jusqu’aux der­niers instants.

48. Si les Etats-Unis vénèrent aujourd’hui Nel­son Man­de­la, de Clin­ton en pas­sant par Bush et Oba­ma, il convient de rap­pe­ler qu’ils l’ont main­te­nu sur la liste des membres d’organisations ter­ro­ristes jusqu’au 1er jan­vier 2008.

49. Nel­son Man­de­la a maintes fois rap­pe­lé les liens indé­fec­tibles qui liaient l’Afrique du Sud à Cuba : « Dès l’origine, la Révo­lu­tion cubaine a été une source d’inspiration pour tous les peuples épris de liber­té. Le peuple cubain occupe une place spé­ciale dans le cœur des peuples de l’Afrique. Les inter­na­tio­na­listes cubains ont effec­tué une contri­bu­tion à l’indépendance, à la liber­té et à la jus­tice en Afrique qui n’a pas d’équivalent par les prin­cipes et le dés­in­té­res­se­ment qui la carac­té­risent. Nous pou­vons apprendre beau­coup de choses de son expé­rience. Nous sommes par­ti­cu­liè­re­ment émus par l’affirmation du lien his­to­rique avec le conti­nent afri­cain et ses peuples. Son enga­ge­ment immuable à l’éradication sys­té­ma­tique du racisme n’a pas de paral­lèle. Nous sommes […] conscients de la grande dette que nous avons à l’égard du peuple de Cuba. Quel autre pays pour­rait pré­tendre à plus d’altruisme que celui que Cuba a appli­qué dans ses rela­tions avec l’Afrique ? »

50. Then­jiwe Mtint­so, alors ambas­sa­drice d’Afrique du Sud à Cuba, a rap­pe­lé la véri­té his­to­rique à pro­pos de l’engagement de Cuba en Afrique : « Aujourd’hui l’Afrique du Sud a de nom­breux nou­veaux amis. Hier, ces amis par­laient de nos diri­geants et de nos com­bat­tants comme des ter­ro­ristes, et ils nous har­ce­laient depuis leurs pays tout en appuyant l’Afrique du Sud de l’apartheid. Aujourd’hui, ces mêmes amis veulent que nous accu­sions et iso­lions Cuba. Notre réponse est très simple : c’est le sang des héros cubains et non pas celui de ces amis qui irrigue pro­fon­dé­ment la terre afri­caine et revi­vi­fie l’arbre de la liber­té dans notre Patrie ».

Salim Lam­ra­ni

Doc­teur ès Etudes Ibé­riques et Lati­no-amé­ri­caines de l’Université Paris IV-Sor­bonne, Salim Lam­ra­ni est Maître de confé­rences à l’Université de La Réunion, et jour­na­liste, spé­cia­liste des rela­tions entre Cuba et les Etats-Unis.
Son der­nier ouvrage s’intitule État de siège. Les sanc­tions éco­no­miques des Etats-Unis contre Cuba, Paris, Édi­tions Estrel­la, 2011 (pro­logue de Wayne S. Smith et pré­face de Paul Estrade).

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