Brésil : Huit ans de Lula, et la réforme agraire ?

Interview de Bernardo Mançano Fernandes, professeur de l’UNESP (São Paulo)

Huit ans de Lula, et la réforme agraire ?

Bré­sil, Vanes­sa Ramos, MST, 4 jan­vier 2011

Source : MST (http://www.mst.org.br/Incra-prioriza-regularizacao-fundiaria)
Source FR : (http://www.larevolucionvive.org.ve/spip.php?article1395&lang=fr)
Tra­duc­tion : Thier­ry Deronne, pour La Revo­lu­ción Vive

La Réforme Agraire n’a pu avan­cer pen­dant les huit années du gou­ver­ne­ment Lula car celui-ci a opté pour évi­ter l’affrontement avec l’agro-business, explique Ber­nar­do Man­ça­no Fer­nandes, pro­fes­seur de l’UNESP (São Pau­lo), Coor­di­na­teur du Noyau des Études, Recherches et Pro­jets de Réforme Agraire, inter­viewé par Vanes­sa Ramos, de la Page Web du MST

Vanes­sa Ramos (V.R.) : Quelles sont les carac­té­ris­tiques de la poli­tique agraire du gou­ver­ne­ment Lula ?

bernardo_mancano_Fernandes.bin Ber­nar­do Man­ça­no Fer­nandes (BMF) : Pen­dant ces huit années, il est évident que la prio­ri­té du gou­ver­ne­ment Lula fut la régu­la­ri­sa­tion agraire, l’expropriation et la poli­tique d’achat et de vente des terres. Elle a été tout aus­si active dans la mise en valeur des terres occu­pées, réins­tal­lant les familles dans tous les ter­rains dis­po­nibles. Ces carac­té­ris­tiques changent les concepts de la réforme agraire

V.R. : Quel fut le rôle de l’INCRA (Ins­ti­tu­to Nacio­nal de Colo­ni­za­ção e Refor­ma Agrá­ria, NDT) ? Croyez-vous que les ins­tru­ments légaux soient suffisants ?

BMF : L’INCRA a mené à bien la poli­tique agraire du gou­ver­ne­ment et n’a pas réus­si à avan­cer dans la réforme agraire. L’exploitation de La mono­cul­ture à grande échelle a pro­vo­qué divers pro­blèmes envi­ron­ne­men­taux. La récu­pé­ra­tion de ces terres est pos­sible à tra­vers l’agro-écologie et sur une petite échelle, avec le tra­vail fami­lial. Le tra­vail esclave est une excrois­sance qui doit être éli­mi­née, tout en expro­priant la terre dans le cadre de la Réforme Agraire.

V.R. : Sous le pre­mier gou­ver­ne­ment Lula, il y avait un nombre éle­vé de familles ins­tal­lées dans des cam­pe­ments. Pour­quoi, sous le second man­dat, ce nombre a‑t-il dimi­nué ? Y a‑t-il eu une poli­tique de démo­bi­li­sa­tion de la part du gouvernement ?

BMF : Cette démo­bi­li­sa­tion s’est pro­duite à cause du pro­gramme d’Aides Fami­liales. Cer­taines familles dis­po­sant d’alternatives de sur­vie déci­dèrent de ne pas lut­ter pour la terre. Par ailleurs les mou­ve­ments pay­sans n’ont pas su tra­vailler sur la base de cette réa­li­té nou­velle. Cette décrue est une situa­tion conjonc­tu­relle. Le nombre de familles en lutte pour la terre peut aug­men­ter. C’est pour­quoi les condi­tions de vie dans les cam­pe­ments doivent être meilleures que pour les familles qui vivent de l’aide du gou­ver­ne­ment dans les péri­phé­ries urbaines. La mobi­li­sa­tion se pro­duit lorsque ces per­sonnes entre­voient une pers­pec­tive de vie meilleure.


V.R. : Pour­quoi la majo­ri­té des colo­nies a‑t-elle été réa­li­sée en Ama­zo­nie alors qu’en majo­ri­té les cam­pe­ments se trouvent au Sud et au Nord-Est du Brésil ?

BMF : Parce que le gou­ver­ne­ment a opté prio­ri­tai­re­ment pour la poli­tique de régu­la­ri­sa­tion agraire. Occu­per des terres dans le Centre et dans le Sud signi­fie affron­ter plus direc­te­ment l’agro-business. Le gou­ver­ne­ment n’a pas la force poli­tique de mener cet affron­te­ment. Cette ques­tion repose le pro­blème de la Réforme Agraire. Sous le gou­ver­ne­ment de Dil­ma, nous avons besoin d’un Plan III qui réunisse les dif­fé­rentes com­po­santes des expé­riences de Réforme Agraire des 25 der­nières années. Ce défi s’adresse autant au gou­ver­ne­ment qu’aux mou­ve­ments sociaux mais pour l’heure aucun n’a abor­dé ce thème.