Bruxelles : Freddy Tsimba, artiste congolais, expulsé…

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En septembre 2007, l'artiste répond à une commande de la commune d'Ixelles en Belgique, en installant une sculpture monumentale intitulée Au delà de l'espoir.

Image_4-64.pngFred­dy Bien­ve­nu Tsim­ba est un peintre congo­lais né le 22 août 1967. Artiste enga­gé, les thèmes de ses oeuvres tournent autour du Congo et de la guerre. Fred­dy Tsim­ba a expo­sé dans de nom­breux pays du monde, prin­ci­pa­le­ment fran­co­phones, il explore la thé­ma­tique de la guerre sous tous ses aspects. Beau­coup de ses sculp­tures sont consti­tuées de douilles et/ ou de mor­ceaux d’armes de guerres sou­dées ensemble pour for­mer des per­son­nages. La tech­nique uti­li­sée per­met de déve­lop­per un sym­bo­lisme puis­sant, car l’ar­tiste donne ain­si vie à des objets inertes ayant ser­vi à tuer.

En sep­tembre 2007, l’ar­tiste répond à une com­mande de la com­mune d’Ixelles en Bel­gique, en ins­tal­lant une sculp­ture monu­men­tale inti­tu­lée Au delà de l’espoir.

Espace Schen­gen : Flux migra­toires et Direc­tive retour L’ex­pul­sion de Fred­dy Tsimba

Image_3-95.png Fred­dy Tsim­ba (auteur de la sculp­ture emblé­ma­tique de Matonge, au croi­se­ment de la chaus­sée de Wavre et de la rue Longue Vie à Bruxelles) a été “mis dans l’a­vion” le 18 octobre 2011. Sa situa­tion a ins­pi­ré ce texte d’une carte blanche dont le but est d’é­lar­gir le pro­pos pour mettre en lumière une série de contra­dic­tions. Ce texte est actua­li­sé au fur et à mesure des développements.

Il est sou­mis pour libre signa­ture à ceux qui dési­rent s’y asso­cier et déjà ain­si signé par un cer­tain nombre de per­son­na­li­tés et soutiens.

Puisque la poli­tique est affaire de dis­cours, je vais donc vous racon­ter une his­toire. Elle se passe entre les lignes d’un docu­ment de six pages écrites en néer­lan­dais dont le des­ti­na­taire, “l’é­tran­ger”, l’in­té­res­sé (de betrok­kene), jugé “inad­mis­sible” (INAD) dans l’es­pace Schen­gen, ne com­prend pas un mot.

Il y a la mobi­li­té pro­fes­sion­nelle et le tou­risme pour “les uns”, les Occi­den­taux ; et l’(im)migration, l’a­sile, la répres­sion pour “les autres”, ceux qui sont d’of­fice des étran­gers ou des “INADS”, des “inad­mis­sibles”, sur le ter­ri­toire. Il y aurait quelques mil­liers de déte­nus annuels dans les centres fer­més en Bel­gique. Il existe des rap­ports à ce sujet (http://www.cire.be/ressources/rapports/etat-des-lieux-centres-fermes.pdf)

Image_7-18.png Il arrive que l’é­tran­ger en ques­tion ait un nom propre et soit connu. Celui-ci s’ap­pelle Fred­dy Tsim­ba. Il est sculp­teur, plas­ti­cien. Il est notam­ment l’au­teur de la sculp­ture emblé­ma­tique de Matonge, au croi­se­ment de la chaus­sée de Wavre et de la rue Longue Vie à Bruxelles. En théo­rie, il relève de la caté­go­rie des migrants temporaires. 

Il vient et il va, il rentre chez lui. Il est atten­du des deux côtés de la fron­tière. Cer­tains auteurs les appellent des trans­mi­grants. Il a intro­duit à la mai­son Schen­gen de Kin­sha­sa une demande de visa pour six mois, sur base d’un dos­sier d’in­vi­ta­tions, de prises en charge et autres attes­ta­tions de sol­va­bi­li­té et de bonne vie et mœurs. Depuis sa médaille d’argent aux 4e jeux de la fran­co­pho­nie à Otta­wa en 2001, il cir­cule à tra­vers le monde pour pré­sen­ter son tra­vail. Son lan­gage est plas­tique. Mais il parle avec des douilles qui ont tué et des cuillères qui ont mangé. 

S’il a conquis une belle recon­nais­sance dans son domaine de com­pé­tence, artis­tique, l’ad­mi­nis­tra­tion des affaires étran­gères ne veut pas le savoir. Cela fait pour­tant des années qu’il vient régu­liè­re­ment en Europe.

Image_8-11.pngDer­niè­re­ment, il a fait l’ob­jet d’une “erreur sys­tème” mais, le réflexe com­mun et sys­té­ma­tique est de trans­fé­rer la faute sur la vic­time. Elle est for­cé­ment cou­pable de quelque chose, ne fusse que de légè­re­té. Le libel­lé du visa prête à confu­sion. L’in­té­res­sé, de betrok­kene, se laisse prendre au piège et en fait une mau­vaise inter­pré­ta­tion. La sienne bien sûr, celle qui était en cohé­rence avec le dos­sier dépo­sé. Il a com­pris qu’il avait un visa de six mois (du 25 juin au 24 décembre) condi­tion­nés à deux fois 90 jours consé­cu­tifs sur le ter­ri­toire Schen­gen. Il aurait dû com­prendre qu’il n’a­vait que 90 jours à l’in­té­rieur d’une période de six mois. La mai­son Schen­gen de Kin­sha­sa a igno­ré ses contrats. Elle est sourde, aveugle, et muette. Elle s’applique.

Tout le monde n’y a vu que du feu. L’a­gence fédé­rale de coopé­ra­tion cultu­relle qui a fait la réser­va­tion du vol pour la pre­mière période, la com­pa­gnie aérienne avec laquelle il effec­tue l’al­ler-retour Kin­sha­sa-Bruxelles, l’ins­pec­tion des fron­tières à l’aé­ro­port de Zaven­tem qui le laisse sor­tir alors qu’il est illé­gal depuis six jours, la même com­pa­gnie aérienne qui encaisse le prix d’un second billet aller-retour Kin­sha­sa-Stras­bourg. À son arri­vée à l’aé­ro­port de Bruxelles-Natio­nal, le pas­sa­ger est immé­dia­te­ment arrê­té en zone de tran­sit. Son visa n’est pas valide ! La Cie reçoit une amende de 4500 euros pour avoir trans­por­té un “illé­gal”, dont elle devra s’ac­quit­ter auprès de l’É­tat belge. 

L’in­té­res­sé, de betrok­kene, vic­time mal­gré lui, est pla­cé en centre fer­mé, “direc­tive retour” immé­diat, à moins qu’il n’ose deman­der ce qui lui arrive et réflé­chir un peu. Il demande qu’on lui explique, par exemple. Pour­quoi suis-je d’emblée abor­dé et trai­té comme un cri­mi­nel, enfer­mé ? À double tour ? Il vivra cinq jours avec ses com­pa­gnons d’in­for­tune, sou­mis au bon vou­loir de ceux qui décident, le lais­sant dans l’in­cer­ti­tude et l’an­goisse de son sort. Il opte­ra fina­le­ment pour le rapa­trie­ment volon­taire mais pour cela il doit s’en­ga­ger à ne pas intro­duire de recours au Conseil du conten­tieux des étran­gers. L’Of­fice des étran­gers lui donne aus­si la garan­tie orale, par avo­cat inter­po­sé, qu’il ne serait pas tenu compte de cet inci­dent, étant don­né son “bon pro­fil” ! Tou­te­fois, en fla­grant délit de contra­dic­tion avec cette parole, son visa sera bala­fré et son pas­se­port confis­qué à son arri­vée à Kinshasa.

Image_5-41.png Ce cas est tor­du, me direz-vous. Comme les cuillères dont le sculp­teur fait des corps de supplicié(e)s ? À moins que l’Of­fice n’en fasse qu’à sa tête. En effet, l’in­té­res­sé n’é­tait pas le seul à avoir été rapa­trié. Le plus étrange est que ceux-là avaient des visas en bonne et due forme. Le seul pro­blème est qu’ils avaient per­du une vir­gule pen­dant le voyage ! Il y a donc deux têtes : une tête qui dit “oui” (qui accorde un visa au départ) et une tête qui dit “non” (qui refuse d’of­fice l’en­trée à l’ar­ri­vée). Il y a tou­jours un bon argu­ment pour jus­ti­fier un refus, quitte à ver­ser dans l’ar­bi­traire, le délit de facies par exemple. Sans le dire, bien sûr. Mais en le fai­sant sen­tir. Les chiens ont du flair, c’est pour­quoi on les engage.

Chaque jour, des dizaines de per­sonnes, par­mi les­quelles des enfants et des per­sonnes âgées, sont cueillies à leur arri­vée et enfer­mées là, au centre INAD, en atten­dant qu’il soit sta­tué sur leur sort. Chaque jour l’Of­fice des étran­gers ordonne des expul­sions mises en œuvre par les forces de l’ordre. Cer­taines sont vio­lentes. Recou­rir en extrême urgence pour sus­pendre une exé­cu­tion d’ex­pul­sion abou­tit rare­ment, nous confie l’a­vo­cate qui s’est pen­chée sur le dos­sier pour ten­ter d’é­clair­cir la situa­tion dans laquelle se trou­vait l’in­té­res­sé, de betrok­kene. Seule alter­na­tive : deman­der l’a­sile (la pro­cé­dure est longue, dou­lou­reuse, et sans garan­tie) ou ren­trer chez soi pro­fil bas. Il n’y a pas de place pour le tou­risme ni pour la mobi­li­té pro­fes­sion­nelle lorsque l’on vient d’Afrique.

Pour ajou­ter votre signa­ture, mer­ci d’é­crire un cour­riel à :

directive.retour@gmail.com

Pre­miers signataires :

Jesús Ahe­do (gale­riste, Kalao arte negro, Bil­bao, Espagne), Natha­lie Ala­zard (France), Pedro Andre Gary Mona­ville (cher­cheur, Uni­ver­si­ty of Michi­gan), Géral­dine André (cher­cheur, Centre Pôle Sud, ULg, Bel­gique), Clo­thilde Anty (artiste-des­si­na­trice, France), Bri­gitte Atzen­hof­fer (France), Oli­vier Bar­let (www.africultures.com), Rhode Bath-Sché­ba Makoum­bou (artiste plas­ti­cienne, Congo Braz­za­ville), Mireille Bat­tut (citoyenne fran­çaise), Joëlle Bau­mer­der (dir. La Mai­son du Livre, Bruxelles), Jean-Paul Bla­chère (Fon­da­tion Bla­chère, Apt, France), Alain Bre­zault (écri­vain), Jean-Marc Biry (prés. Hori­zome, Stras­bourg), Daph­né Bit­chatch (artiste peintre, Paris), Mar­gue­rite Bobey (artiste, cura­tor), Ariane Bos­quet (artiste peintre, Bruxelles), Antoine Bouillon (socio-anthro­po­logue), Mériam Cheikh (anthro­po­logue, ULB & EHESS), Joseph Cos­tan­zo (ULB), Roby Com­blain et Clau­dine Gil­let, Anne Debaar (psy­cha­na­lyste), Fré­dé­rique Denis Bâ (Lau­sanne), Amé­lie Dey­mier, Paul-Emile Dupret (juriste, Par­le­ment euro­péen), Daniel de Beer (Pr. invi­té FUSL et maître de confé­rences ULB), Filip De Boeck (Pr. KUL), Dia­logue Afrique-Europe asbl, Flo­rence Del­motte (cher­cheur qua­li­fié FNRS, FUSL), Fran­çoise Deppe (biblio­thé­caire), Natha­lie Dol­hen (plas­ti­cienne art visuel et sonore, Hori­zome, Stras­bourg), Jean-Yves Don­nay (socio­logue), Fran­çois Ducon­seille (artiste, cura­tor, pro­fes­seur à l’E­SADS), Isa­belle Durant (dépu­tée euro­péenne, groupe Vert/ALE), Yves-Luc Conreur (l’Autre Lieu), Joëlle Conrotte (psy­cha­na­lyste SSM Le Méri­dien), Ralph Coe­ckel­berghs, Vanes­sa Cras­set, Nico­las Deke­mel, Sarah Demart (cher­cheur, Cedem, ULg), Fran­çoise De Moor, Aline Dha­vré, Thier­ry Del­forge, Daniel Der­rien, Odile Fabre­goul, Monique Fod­de­rie (res­to Inzia), Péla­gie Gba­gui­di (artiste plas­ti­cienne), Jac­que­line Gof­fin (ex-ensei­gnante, psy­cha­na­lyste), Zoé Genot (dépu­tée fédé­rale Eco­lo), Sarah Gil­soul (Groupe de Recherche sur l’Ac­tion Publique, ULB), Sonia Gsir (cher­cheur, Cedem, ULg), Vic­tor Gins­burgh (Pr. émé­rite ULB, Ecares), Anna­belle Giu­dice, Col­line Guin­chard (gra­phiste, pro­jet HTP40, Stras­bourg), Jean-Fré­dé­ric Hans­sens (pho­to­jour­na­liste, www.entreleslignes.be), Paul Her­mant (chro­ni­queur), Anne-Marie Jans­sen (Herve), Roger Job (pho­to­jour­na­liste), Danielle Jouaire (citoyenne fran­çaise), Vincent Kenis (Cram­med), Ana Lan­zas et Didier de Lan­noy, Poly­dor-Edgar M.M. Kabeya (juriste et jour­na­liste), Kana­kas­sy (Man­sour Ciss, Labo­ra­toire de Déber­li­ni­sa­tion, Ber­lin), Anne-Marie Kele­com (artiste céra­miste, France), Sébas­tien Kennes (Oasis Ndji­li asbl), Jean-Michel Lafleur (cher­cheur, Cedem, ULg), Benoît Laf­fi­ché (artiste visuel, France), Fran­cis Leboutte (ingé­nieur civil), Nicole Legrand, Ben­ja­min Lew (com­po­si­teur), Chris­tiane Levêque, Jean-Marie Lison, Vincent Litt, Vincent Lur­quin (avo­cat, dépu­té régio­nal bruxel­lois, Eco­lo), Gabrielle Man­glou (artiste plas­ti­cienne, Ile de la Réunion), Noé Mar­tens (juriste, Région de Bruxelles-Capi­tale), Mar­co Mar­ti­niel­lo (Research Direc­tor FNRS, dir. Centre d’é­tudes de l’eth­ni­ci­té et des migra­tions-CEDEM, Pr. ULg), Régis Mar­zin (prés. de Sur­vie Paris IDF), Jacinthe Maz­zoc­chet­ti (Pr. UCL, Visi­ting Resear­cher Uni­ver­si­ty of Amster­dam), col­lec­tif Mémoires colo­niales, Béné­dicte Meiers (cher­cheur, Centre Pôle Sud, ULg), Béné­dicte Mac­ca­to­ry (Songes asbl), Domi­nique Mala­quais (cher­cheur, Centre d’é­tudes des mondes afri­cains-CEMAF, CNRS), Fio­na Mea­dows (archi­tecte, France), Pierre Men­di­ha­rat (dir. de pro­jets San­té publique), Hen­ri Mon­ceau (conseiller poli­tique auprès du Vice-pré­sident du Gou­ver­ne­ment wal­lon), Bar­ba­ra Moro­vich (anthro­po­logue, ensei­gnante cher­cheure, assoc. Hori­zome), Bibish Mum­bu-Kabun­di (écri­vain), Char­lotte Moran­tin, Julie Ndaya (cher­cheur, Afri­can Stu­dies Centre-AFC Lei­den), Nas­ser Mwan­za Muji­la (écri­vain), Joseph Nzau Seke, Yat­shi­ta Mutom­bo, Pr. Justin-Gr.Muzigwa Kashe­ma (Senior Research Asso­ciate), Marie-Jeanne Oma­ri (Liège), Char­lotte Peze­ril (Obser­va­toire du sida et des sexua­li­tés, FUSL), Alice Pon­ce­let (cher­cheur, Cedem, ULg) Mir­ko Popo­vitch (dir. Afri­ca­lia), Jacob Rajch­man (pho­to­graphe, Cine­do­mo asbl),Claire Remy (méde­cin et psy­cha­na­lyste), Thier­ry Robert (réa­li­sa­teur, France), Vir­gi­nie de Roma­net, Fran­çois Ron­veaux, Nicole Rou­mans-Van­gee­ber­gen (Ville de Herve — Pre­mière éche­vine), Carol Sacré, Nor­dine Saï­di (porte-parole Éga­li­té), Gérard de Sélys (écri­vain, e.a. auteur de la pièce Les inads), Chris­tine Scrève, Chris­tine Simon, Guy Simo­nis (Herve, Com­mis­sion com­mu­nale consul­ta­tive pour la coopé­ra­tion au déve­lop­pe­ment), Marc Som­ville (mana­ger artis­tique), Gene­viève Spi­nette (citoyenne belge), Jérôme Sto­quart (Mons), Oli­vier Sul­tan (gale­riste, Musée des Arts Der­niers, Paris), Joseph Ton­da (Pr. Uni­ver­si­té Omar Bon­go, Libre­ville, Gabon), Clau­dine Ton­dreau (écri­vain), Anne Thei­sen, Vio­laine de Vil­lers (auteur et réa­li­sa­trice de films docu­men­taires et d’é­mis­sions radio), Roger Pierre Turine (cri­tique d’art à La libre Bel­gique), Car­me­lo Virone (coor­di­na­teur du bureau d’é­tude de SMartBe), Joce­lyne Vou­loir (psy­cho­logue), Alexandre Wajn­berg (jour­na­liste scien­ti­fique, ULB, RTBF), Jean-Claude Willame (Pr. émé­rite UCL, équipe de coor­di­na­tion Afrique Cen­trale, Amnes­ty Inter­na­tio­nal-Bel­gique Fran­co­phone), Paul Willem, Willy Wolsz­ta­jn (artiste, des­si­na­teur), Willy wana Van Waeyen­berge, Gré­goire Zabé (ensei­gnant Ecole Supé­rieure des Arts Déco­ra­tifs de Stras­bourg, plas­ti­cien et desi­gner), Fati­ma Zibouh (cher­cheur, Cedem, ULg, Belgique)