Conférence de Charles Onana : Europe, Crimes et Censure au Congo

29.11 2012 /
18h30 Auditorium Alfred Cahen, 1 rue de Defacqz – 1000 Bruxelles

CONFERENCE-DEBAT

Dans le cadre de la pré­sen­ta­tion du livre « Europe, Crimes et Cen­sure au Congo » de Charles ONANA, la dia­spo­ra congo­laise vous convie à la confé­rence-débat ani­mée par celui-ci sur le rôle de l’U­nion Euro­péenne dans la crise des Grands Lacs.

Ora­teur prin­ci­pal : Charles ONANA

Jeu­di 29 novembre 2012 à 18h30

Audi­to­rium Alfred Cahen, 1 rue de Defac­qz – 1000 Bruxelles

Les docu­ments secrets de l’U­nion Euro­péenne révèlent com­ment Joseph Kabi­la a été impo­sé en 2006 aux Congolais

Dans son livre, le jour­na­liste d’in­ves­ti­ga­tion Charles Ona­na publie des docu­ments internes de l’U­nion Euro­péenne très acca­blants. Un ouvrage qui met à nu la diplo­ma­tie de la res­pec­table ins­ti­tu­tion dans les Grands Lacs depuis une décen­nie. On y apprend sur­tout que la condi­tion pour que Joseph Kabi­la reste au pou­voir était qu’il se taise sur l’ac­tion de Paul Kagame et des troupes rwan­daises à l’Est du pays. Pour l’au­teur, on ne peut pas com­prendre la tolé­rance et la com­plai­sance à l’é­gard de la fraude mas­sive aux élec­tions pré­si­den­tielles de 2011 en RDC si on ne connaît pas le pacte conclu entre Joseph Kabi­la et « la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale » lors du scru­tin de 2006.

Extraits du livre de Charles Onana :

1- Com­ment le com­mis­saire Louis Michel va s’im­po­ser dans le pro­ces­sus élec­to­ral en RDC et pré­pa­rer son sou­tien à Joseph Kabi­la et à l’ac­tion de Paul Kagame en RDC

A Bruxelles, un homme veut abso­lu­ment jouer les pre­miers rôles dans ce dos­sier. Il s’agit de Louis Michel, le com­mis­saire euro­péen. Au cours d’une réunion qui se tient dans son bureau le 4 octobre 2004 et qui va durer envi­ron une heure et trente minutes, mon­sieur Michel est très ner­veux et s’en prend au res­pon­sable de la direc­tion des rela­tions exté­rieures de la Com­mis­sion, mon­sieur Thier­ry de Saint Mau­rice. Il lui reproche de conduire une poli­tique hasar­deuse, inef­fi­cace et coû­teuse en RDC. Le dis­cours de Louis Michel est approu­vé par les membres de son cabi­net, le direc­teur géné­ral pour de déve­lop­pe­ment de la Com­mis­sion, Ste­fa­no Man­ser­vi­si, et les divers assis­tants qui par­ti­cipent à la réunion. Le vrai pro­blème de Louis Michel est plu­tôt qu’il a le sen­ti­ment de ne pas être au cœur des ini­tia­tives de l’Union Euro­péenne rela­tives au pro­ces­sus élec­to­ral congo­lais. Il veut être le chef d’orchestre des élec­tions congo­laises et cette réunion est l’expression de ses frus­tra­tions ou plus exac­te­ment de ses aspi­ra­tions. Il réclame entre autre de pou­voir super­vi­ser le tra­vail des obser­va­teurs élec­to­raux, celui des chefs de mis­sion, etc. Au milieu des débats, il prend la parole et annonce qu’en tant que com­mis­saire euro­péen, il refu­se­ra de don­ner des cré­dits à la direc­tion des rela­tions exté­rieures de l’Union Euro­péenne s’il n’obtient pas « la res­pon­sa­bi­li­té totale de l’opération » des élec­tions au Congo. La menace est directe et bru­tale. En réa­li­té, Louis Michel est à la fois proche de Joseph Kabi­la et de Paul Kagame. Il ne semble pas tra­vailler uni­que­ment pour le compte de l’Union Euro­péenne. Paral­lè­le­ment à ses inté­rêts per­son­nels au Congo, il a un net pen­chant en faveur de Joseph Kabi­la et veut aus­si défendre ou pro­té­ger l’influence rwan­daise au Congo. On peut, dans ces condi­tions, com­prendre l’énergie qu’il met à cri­ti­quer et à mena­cer ses col­lègues à Bruxelles. Louis Michel décide donc de se rendre régu­liè­re­ment en RDC pour suivre lui-même l’évolution du dos­sier élec­to­ral. Entre le 27 et le 29 août 2005, il va s’enquérir de l’enregistrement des élec­teurs sur les listes élec­to­rales. Il se rend au nord du Katan­ga, une région riche en dia­mants, et au Kasaï Orien­tal, accom­pa­gné de l’abbé Apol­li­naire Malu Malu, pré­sident de la com­mis­sion élec­to­rale indé­pen­dante (CEI). Il constate certes l’ampleur des dif­fi­cul­tés sur le ter­rain mais retient seule­ment que la dis­tri­bu­tion des cartes d’électeurs est gra­tuite, que les Congo­lais veulent abso­lu­ment voter et que les lea­ders poli­tiques sont dis­po­sés à aller aux élec­tions. A cette occa­sion, il ren­contre presque tous les res­pon­sables des par­tis poli­tiques congo­lais (Joseph Kabi­la, Jean-Pierre Bem­ba, Aza­rias Ruber­wa, Ano­tine Gui­zen­ga et Etienne Tshi­se­ke­di). Il leur annonce que l’Union Euro­péenne étu­die la pos­si­bi­li­té d’envoyer des obser­va­teurs au moment des élec­tions. Il co-pré­side sur­tout avec l’abbé Malu Malu une réunion du Comi­té de pilo­tage du pro­jet d’appui au pro­ces­sus élec­to­ral. Il achève son séjour à Kin­sha­sa par un déjeu­ner de tra­vail avec les pré­si­dents du sénat et de l’assemblée natio­nale. Pour lui, « le pro­ces­sus de tran­si­tion est la seule voie pos­sible pour le Congo ». Il n’y a pas, d’après lui, de « plan alter­na­tif ». Mais tout le monde au sein de l’Union Euro­péenne ne par­tage pas la posi­tion pour le moins tran­chée, sinon par­ti­sane et très per­son­nelle, de mon­sieur Louis Michel sur le dos­sier élec­to­ral congolais.

2- Contrai­re­ment à l’a­na­lyse de Louis Michel , une note du chef de la délé­ga­tion euro­péenne en RDC adres­sée à l’at­ten­tion de madame Eli­sa­beth Tison, chef d’u­ni­té à la délé­ga­tion de la Com­mis­sion Euro­péenne en date du 12 octobre 2005 met en avant les pro­blèmes rela­tifs au « blo­cage de la tran­si­tion » : « Il est de plus en plus évident que les auto­ri­tés congo­laises usent de beau­coup de manœuvres dila­toires pour blo­quer, de fac­to, le pro­ces­sus de Tran­si­tion. a) S’agissant du pro­ces­sus élec­to­ral, si les opé­ra­tions d’enregistrement en cours illus­trent la volon­té de la popu­la­tion d’aller vers les élec­tions, il n’en va pas de même pour les diri­geants de la Tran­si­tion qui ne sont pas pres­sés d’examiner la loi élec­to­rale. Au 10 octobre 2005, le nombre d’électeurs enre­gis­trés dépas­sait 16 mil­lions. Ce résul­tat est très satis­fai­sant compte tenu de la situa­tion du pays et des nom­breuses vicis­si­tudes que le pro­ces­sus d’enregistrement a vécues. Il ne doit cepen­dant pas faire illu­sion (…). Il sem­ble­rait sur­tout que les trois prin­ci­paux diri­geants de la Tran­si­tion congo­laise ne soient pas du tout pres­sés d’aller affron­ter un scru­tin dont l’issue est de plus en plus incer­taine. Leurs bases poli­tiques ne sont pas aus­si sûres qu’ils le pen­saient ini­tia­le­ment lorsqu’ils se sont enga­gés dans le pro­ces­sus élec­to­ral, qu’il s’agisse du Katan­ga pour le pré­sident Kabi­la, de l’Equateur pour M. Bem­ba et du Sud-Kivu pour M. Ruber­wa. b) Concer­nant le pro­ces­sus de bras­sage et d’intégration de l’armée, il convient en outre de déplo­rer les retards, main­te­nant très impor­tants, avec les­quels la deuxième phase est lan­cée (…). Si le manque de moyens logis­tiques est l’alibi trou­vé par les mili­taires pour ne pas ache­mi­ner les troupes vers les centres de regrou­pe­ment, cette situa­tion tra­duit sur­tout un manque de volon­té poli­tique qui, si la ten­dance n’était pas inver­sée rapi­de­ment, ris­que­rait de mena­cer le pro­ces­sus élec­to­ral en cours ain­si que ses résul­tats. 2. Face à ces manœuvres dila­toires, la Com­mu­nau­té inter­na­tio­nale, dans sa grande majo­ri­té, conti­nue de se mon­trer extrê­me­ment com­pré­hen­sive. a) Ain­si la MONUC et le PNUD ont, trop rapi­de­ment épou­sé le point de vue du Pré­sident de la CEI de repor­ter la date du réfé­ren­dum, fixée ini­tia­le­ment le 27 novembre, au 18 décembre 2005 (…). b) La plu­part des membres de la Com­mu­nau­té inter­na­tio­nale mettent trop sou­vent en avant, devant les diri­geants congo­lais, le retard inter­ve­nu dans l’adoption de la réso­lu­tion 1621 du Conseil de sécu­ri­té des Nations Unies por­tant notam­ment sur la logis­tique du pro­ces­sus élec­to­ral en Répu­blique Démo­cra­tique du Congo. Si ce retard très impor­tant (3 mois) est en effet regret­table, il convien­drait sur­tout de dénon­cer toutes les manœuvres dila­toires que les diri­geants congo­lais uti­lisent. Ceux-ci, outre le sou­hait de res­ter plus long­temps au pou­voir avec tous les pri­vi­lèges qu’il confère, semblent aujourd’hui sous-esti­mer l’impact des échéances du 31 décembre 2005, voire même du 30 juin 2006. Ils ont, en effet, tel­le­ment redou­té l’échéance du 30 juin 2005 qui, s’étant bien dérou­lée, les amène à être très opti­mistes sur la manière dont se négo­cie­ront et le 31 décembre 2005 et le 30 juin 2006. Ils font le cal­cul, non sans rai­son, que la Com­mu­nau­té inter­na­tio­nale conti­nue­ra de les sou­te­nir quoiqu’il arrive, tout en conti­nuant à cri­ti­quer celle-ci en lui impu­tant l’essentiel des retards dans le pro­ces­sus de tran­si­tion (…). 3. (…) la Tran­si­tion congo­laise demeure essen­tiel­le­ment une phase de main­tien de la paix. Or, les étapes de ce pro­ces­sus, lorsqu’il n’est pas pos­sible d’obtenir le sou­tien et l’appropriation des diri­geants en place pour les mener à bien, doivent leur être impo­sées par la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale dans l’intérêt même de la popu­la­tion congo­laise. Il me paraît à cet égard plus impor­tant aujourd’hui de nous rap­pro­cher des vœux de l’immense majo­ri­té de la popu­la­tion, qui attend avec impa­tience d’aller aux élec­tions, que de cher­cher à convaincre une classe diri­geante qui, quoi qu’elle dise, ne semble pas avoir d’autre pers­pec­tive que de per­pé­tuer le plus long­temps ses avan­tages d’autant plus qu’elle pense pou­voir comp­ter sur l’apathie de la rue kinoise ain­si que sur la pour­suite du sou­tien mas­sif de la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale même au-delà de la Transition… »

3- A la veille de l’é­lec­tion pré­si­den­tielle, l’U­nion Euro­péenne ne tient pas compte de l’a­ver­tis­se­ment de ses propres diplomates

Dans un rap­port res­treint du 5 mai 2006, le chef de la délé­ga­tion euro­péenne en RDC, mon­sieur Car­lo de Filip­pi sou­lève d’im­por­tantes questions : « 

Depuis le début de la tran­si­tion, la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale n’a pas su ou pas vou­lu s’opposer aux manœuvres dila­toires des diri­geants congo­lais. De ce point de vue l’installation au pou­voir, suite à Sun City, des anciens bel­li­gé­rants s’est révé­lée être une erreur tant elle a favo­ri­sé, sur fond de méfiance réci­proque : et les pra­tiques de cor­rup­tion et de mau­vaise gou­ver­nance, et les manœuvres dila­toires et leur volon­té de res­ter au pou­voir coûte que coûte. Si la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale, à tra­vers le CIAT a paru, fin novembre 2005, vou­loir enfin chan­ger de ton vis-à-vis des diri­geants congo­lais, les choses ont mal­heu­reu­se­ment rapi­de­ment évo­lué suite au réfé­ren­dum consti­tu­tion­nel du 18 décembre 2005. Alors que le risque de non res­pect de l’échéance du 30 juin 2006 se posait déjà, la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale, sou­dée en façade mais lar­ge­ment divi­sée en pro­fon­deur, a pré­fé­ré agir en ordre dis­per­sé dans la dénon­cia­tion des manœuvres dila­toires des diri­geants congo­lais qu’il s’agisse de la pro­mul­ga­tion de la Consti­tu­tion et de la loi élec­to­rale ou de l’intégration de l’armée et des dis­cus­sions sur la gou­ver­nance. Les diri­geants congo­lais depuis jan­vier 2006 ne prennent d’ailleurs plus de gants pour refu­ser tout dia­logue avec la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale : de fait les réunions avec l’espace pré­si­den­tiel et celles des com­mis­sions mixtes sont deve­nues raris­simes et le CIAT pré­fère dif­fu­ser des com­mu­ni­qués rela­ti­ve­ment com­plai­sants sur les pro­blèmes de la tran­si­tion congo­laise. Or depuis la pro­mul­ga­tion de la Consti­tu­tion de la IIIème Répu­blique, le non res­pect de l’échéance du 30 juin 2006 consti­tue sur­tout un pro­blème poli­tique. Sur un plan juri­dique l’article 222 de la nou­velle Consti­tu­tion per­met en effet d’assurer la conti­nui­té des ins­ti­tu­tions de la tran­si­tion au-delà du 30 juin 2006. Tou­te­fois la mar­gi­na­li­sa­tion volon­taire de l’UDPS, semble-t-il appuyée aujourd’hui par une par­tie de la hié­rar­chie catho­lique (Mon­sei­gneur Mon­seng­wo), pour­rait contri­buer à com­pli­quer cette nou­velle pro­lon­ga­tion de la tran­si­tion. Dans un contexte d’extrême fra­gi­li­té du pro­ces­sus de tran­si­tion mar­qué entre autre par l’insécurité crois­sante à l’Est de la RDC, notam­ment en Itu­ri où le regain des milices cache mal les ingé­rences crois­santes de l’Ouganda, par les atteintes répé­tées aux droits de l’Homme per­pé­trées sur­tout par l’armée congo­laise, qu’elle soit inté­grée ou pas, par la méfiance crois­sante des membres de l’espace pré­si­den­tiel qui se pré­sentent, presque tous, à l’élection pré­si­den­tielle, la moindre désta­bi­li­sa­tion pour­rait entraî­ner une cas­cade d’événements non sou­hai­tables et dif­fi­ci­le­ment contrô­lables. Par exemple, Jean-Pierre Bem­ba se plaint ouver­te­ment que les troupes de

Joseph Kabi­la, essen­tiel­le­ment la GSSP, n’ont pas été bras­sées, contrai­re­ment à la plu­part de ses sol­dats. De plus, Inter­na­tio­nal Cri­sis Group sou­ligne que le RCD, un des déçus pro­bables du pro­ces­sus élec­to­ral en cours, pour­rait être ten­té de désta­bi­li­ser l’Est du pays »

4- Le diplo­mate fait savoir qu’il est dan­ge­reux pour une par­tie de « la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale » de sou­te­nir osten­si­ble­ment Joseph Kabila

« Le nombre, sans doute trop impor­tant, des can­di­dats qui se pré­sentent soit aux pré­si­den­tielles, soit aux légis­la­tives, devrait para­doxa­le­ment avan­ta­ger Joseph Kabi­la. a) C’est le seul qui se dégage vrai­ment de la liste des 33 can­di­dats aux pré­si­den­tielles. Avec beau­coup d’habileté, il est en train de réus­sir plu­sieurs choses : appa­raître comme un can­di­dat ‘‘indé­pen­dant’’ seul contre tous, trans­cen­dant les cli­vages eth­niques et poli­tiques ; sa sépa­ra­tion, de façade, avec le PPRD, consti­tue une bonne opé­ra­tion poli­tique de même que les rumeurs sur son futur mariage, en juin pro­chain, qui sera béni par le Car­di­nal Etsou ; accé­lé­rer la décom­po­si­tion du MLC ; don­ner l’impression de venir en aide au RCD sur la ques­tion de Minembwe sans pour autant s’exposer publi­que­ment à l’impopularité qu’une telle déci­sion entraî­ne­rait ; favo­ri­ser un grand nombre de can­di­da­tures de com­plai­sance qui se ral­lie­ront à lui juste avant le pre­mier tour des pré­si­den­tielles afin de pro­vo­quer un grand ras­sem­ble­ment, soit avant le deuxième tour, si un deuxième tour est néces­saire. De fait il existe une forte chance que Joseph Kabi­la soit élu au pre­mier tour : non seule­ment ses par­ti­sans en sont convain­cus, cer­tains fai­sant même cou­rir le bruit qu’il y aurait un risque à orga­ni­ser un deuxième tour des pré­si­den­tielles ; mais sur­tout lui-même, par son côté ‘‘force tran­quille’’, donne l’impression que son élec­tion consti­tue­ra une simple for­ma­li­té. En outre, l’attitude d’une par­tie de la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale accen­tue cette ten­dance en don­nant l’impression qu’elle sou­tient Joseph Kabi­la. Ce com­por­te­ment est extrê­me­ment dan­ge­reux car l’opinion publique en RDC finit par en être convain­cue ce qui risque de déna­tu­rer un pro­ces­sus démo­cra­tique en offrant une fausse liber­té de choix. De fait, cer­tains acteurs bila­té­raux membres du CIAT qui étaient jusqu’ici plu­tôt neutres par rap­port au pro­ces­sus élec­to­ral, semblent main­te­nant vou­loir chan­ger d’attitude pour appar­te­nir au ‘‘camp des vain­queurs’’… A l’opposé, l’actuel pré­sident de l’Union Afri­caine, Denis Sas­sou Ngues­so, ferait tout pour com­pli­quer la tâche de Joseph Kabi­la en inci­tant l’UDPS à par­ti­ci­per au pro­ces­sus et en sou­te­nant Jean-Pierre Bem­ba. b) S’agissant des légis­la­tives, la mul­ti­tude des can­di­da­tures rete­nues par la CEI (9632) risque, sans grands par­tis vrai­ment struc­tu­rés, d’accoucher d’un Par­le­ment ato­mi­sé, donc faible et sans doute, à la botte de Joseph Kabila » 

5- Le diplo­mate rap­pelle l’U­nion Euro­péenne à son devoir de neutralité

La pro­messe des postes de haut niveau peut éga­le­ment favo­ri­ser des ral­lie­ments, Oli­vier Kami­ta­tu étant de plus en plus convain­cu d’être choi­si par Joseph Kabi­la pour diri­ger le futur gou­ver­ne­ment issu des élec­tions… Cette recom­po­si­tion du pay­sage poli­tique congo­lais ‘‘à la gabo­naise’’ pour­rait per­mettre d’aboutir à un cer­tain consen­sus poli­tique après les joutes élec­to­rales. Elle risque tou­te­fois de don­ner l’impression à l’électeur congo­lais que son vote a été détour­né d’où l’appel récent de Mgr Mon­seng­wo à une cer­taine trans­pa­rence dans le pro­ces­sus élec­to­ral, ‘‘le peuple et l’opinion natio­nale autant qu’internationale’’ ayant ‘‘le droit de savoir s’il a des can­di­dats ali­men­taires qui sont de simples figu­rants ou prête-noms et dont la can­di­da­ture ne sert qu’à induire l’électeur dans l’erreur’’. Cette approche risque éga­le­ment de rompre l’équilibre qui avait été vou­lu par les auteurs de la Consti­tu­tion de la IIIème Répu­blique en fai­sant du Par­le­ment une simple chambre d’enregistrement, les déci­sions essen­tielles se pre­nant à la pré­si­dence. Devant le risque d’avoir un sys­tème démo­cra­tique dévié de ses objec­tifs, la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale, et sur­tout l’Union Euro­péenne, doit res­ter très vigi­lante. Tout d’abord en s’assurant que le pro­ces­sus élec­to­ral en cours soit au mini­mum cré­dible, c’est-à-dire en fai­sant tout pour que ce pro­ces­sus évite essen­tiel­le­ment de ‘‘légi­ti­mer par avance’’ Joseph Kabi­la. Dans ce contexte, il convien­drait pour la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale : — de veiller au strict res­pect du calen­drier fixé ; — d’afficher une stricte neu­tra­li­té vis-à-vis des can­di­dats aux légis­la­tives ain­si qu’aux pré­si­den­tielles. Cette atti­tude sera dif­fi­cile à obser­ver vis-à-vis de cer­tains can­di­dats appar­te­nant à l’espace pré­si­den­tiel et qui sont incon­tour­nables si on veut main­te­nir un mini­mum de dia­logue avec les diri­geants de la RDC. Elle sera encore plus dif­fi­cile à obser­ver de la part des Etats qui ont déjà publi­que­ment mani­fes­té leur pré­fé­rence au point d’induire l’opinion publique congo­laise en erreur ; — d’empêcher toute ten­ta­tive de décou­plage entre légis­la­tive et pré­si­den­tielle, risque tou­jours pos­sible si on finit par se rendre compte qu’il sera peut-être dif­fi­cile d’organiser les élec­tions légis­la­tives pour le 30 juillet 2006 ; l’entourage de Joseph Kabi­la est natu­rel­le­ment très favo­rable à ce décou­plage fai­sant même cou­rir le bruit que si les élec­tions n’ont pas lieu avant le 30 juin 2006, il risque d’y avoir des troubles à Kin­sha­sa… ; — de veiller au res­pect d’une cer­taine déon­to­lo­gie en exi­geant en par­ti­cu­lier l’adhésion de tous les can­di­dats à un code de bonne conduite lorsque les dif­fé­rentes cam­pagnes élec­to­rales démar­re­ront ; — de per­mettre à la Haute Auto­ri­té des Médias de jouer son rôle en matière d’égalité d’accès aux médias, de trans­pa­rence et de res­pect abso­lu de la liber­té d’expression ; — de pour­suivre, sans com­pro­mis­sion, l’objectif d’inclusivité du pro­ces­sus par exemple en essayant de convaincre l’UDPS à par­ti­ci­per aux élec­tions pro­vin­ciales qui ser­vi­ront à la dési­gna­tion des séna­teurs et gou­ver­neurs ; — d’assumer une obser­va­tion des élec­tions qui soit per­for­mante ; — d’accélérer l’arrivée de la force euro­péenne qui devrait consti­tuer une assu­rance contre toute ten­ta­tion de déra­page, d’où qu’elle vienne »

6- Un rap­port secret envoyé au cabi­net de Louis Michel le 16 février 2006 à 15h16 confirme le choix de Joseph Kabi­la par Paris et Washington.

Il y a en réa­li­té deux posi­tions au sein de ce qui est qua­li­fié de « com­mu­nau­té inter­na­tio­nale ». D’une part celle repré­sen­tée par la France et les Etats-Unis qui sou­tiennent déjà la dési­gna­tion, ou plus exac­te­ment le main­tien, de Joseph Kabi­la au pou­voir et d’autre part celle de cer­tains membres de la Com­mis­sion Euro­péenne qui sou­haitent plu­tôt la tenue d’un scru­tin libre et incon­tes­té. Des négo­cia­tions et des actions de lob­bying se mul­ti­plient néan­moins à Bruxelles pour convaincre cer­tains diri­geants congo­lais de se ran­ger der­rière Joseph Kabi­la. Ses sou­tiens occi­den­taux se mobi­lisent beau­coup pour le ras­su­rer de l’appui de la « com­mu­nau­té inter­na­tio­nale » c’est-à-dire essen­tiel­le­ment celui de la France et des Etats-Unis. Le Comi­té inter­na­tio­nal d’accompagnement de la tran­si­tion (CIAT), qui avait été mis en place pour ser­vir de moyen de pres­sion auprès des diri­geants congo­lais dans le but d’équilibrer le rap­port de force poli­tique, perd très vite de son auto­ri­té. Les grandes puis­sances, qui ont déjà pris par­ti pour Joseph Kabi­la, ne sou­haitent plus l’intervention du CIAT, tout au moins, dans le pro­ces­sus por­tant sur l’élection du pré­sident de la Répu­blique du Congo. Dans un rap­port secret envoyé le 16 février 2006 à 15h16 au cabi­net de Louis Michel par la délé­ga­tion euro­péenne à Kin­sha­sa, il est écrit : « La France et les Etats-Unis conti­nuent d’ailleurs d’estimer que le CIAT n’a pas pour fonc­tion d’intervenir dans les affaires congo­laises, sur­tout lorsqu’il s’agit de celles du chef de l’Etat ». On lit plus loin : « Dans ce contexte, la France qui visi­ble­ment pour­rait avoir convain­cu l’Allemagne, estime que les experts/techniciens tra­vaillant sur le pro­ces­sus élec­to­ral devraient avoir un rôle limi­té et lais­ser l’aspect poli­tique aux diplo­mates et aux ambas­sa­deurs ». Si la volon­té de pla­cer Joseph Kabi­la en posi­tion de « vain­queur » des pro­chaines élec­tions devient incon­tes­table et irré­ver­sible, une ques­tion néan­moins demeure. On com­prend par­fai­te­ment que les Etats-Unis conti­nuent de sou­te­nir Joseph Kabi­la et Paul Kagame au vu de leur poli­tique dans les Grands-lacs. Mais le sui­visme de la France est moins évident. Est-ce pour la France un ali­gne­ment aveugle sur la posi­tion des Etats-Unis ou est-ce une erreur d’appréciation de la per­son­na­li­té de Joseph Kabi­la et de la nature de ses liens plus ou moins ser­rés avec Kiga­li ? Une chose est cer­taine, le sou­tien de la France à Joseph Kabi­la n’a jamais pla­cé cette der­nière en posi­tion de force, ni au Congo ni au Rwan­da. Chaque fois qu’il en a l’occasion, le pré­sident rwan­dais, Paul Kagame, s’évertue à invec­ti­ver les diri­geants fran­çais ou à les tour­ner en ridi­cule. Cet ancien maqui­sard à la culture som­maire et à la cour­toi­sie limi­tée s’en prend pêle-mêle aux ministres et aux diplo­mates fran­çais sans que per­sonne ne lui porte une réplique digne de ses ama­bi­li­tés. Jusqu’à pré­sent, la « contre-offen­sive » fran­çaise dans les Grands Lacs est res­tée faible, peu ambi­tieuse et tota­le­ment insi­gni­fiante face à l’agressivité et à la stra­té­gie anglo-amé­ri­caine. Le dic­ta­teur rwan­dais a même pous­sé le zèle jusqu’à ban­nir le fran­çais au Rwan­da pour faire de l’anglais la nou­velle langue offi­cielle du pays et à inté­grer le Com­mon­wealth, au détri­ment de la France qui semble plus que jamais rési­gnée à subir les tacles de ses alliés en Afrique. En véri­té, Jacques Chi­rac ne vou­lait pas d’un affron­te­ment avec George Bush, ni sur le Congo ni sur le Rwan­da. Eprou­vé par la ten­sion avec les Etats-Unis durant la guerre ira­kienne, dépas­sé par le déploie­ment mili­taire amé­ri­cain – notam­ment la force Afri­com – dans son pré car­ré, usé par son der­nier man­dat et accu­lé par le bouillant Nico­las Sar­ko­zy qui cher­chait à tout prix à entrer à l’Elysée, le chef de l’Etat fran­çais aspi­rait sur­tout à prendre une retraite tran­quille. Il a fina­le­ment choi­si d’être conci­liant avec Washing­ton, évi­tant un bras de fer inutile. Cette posi­tion trans­pa­raît clai­re­ment lorsque l’auteur du rap­port secret sou­ligne l’attitude de la France et des Etats-Unis : « Si le délai du 30 juin 2006 n’est pas res­pec­té, ces pays n’hésiteront pas à faire ‘‘por­ter le cha­peau’’ aux ‘‘experts’’ ain­si qu’au PNUD plu­tôt que d’avoir à recon­naître leur com­plai­sance vis-à-vis des auto­ri­tés congo­laises et leur iner­tie au sein du CIAT. Fidèle à sa stra­té­gie, la France veut faire pri­mer le dis­cours poli­tique du ‘‘tout va bien Madame la mar­quise’’ sur la néces­si­té d’une pres­sion sur les prin­ci­paux diri­geants de la tran­si­tion s’agissant de la réa­li­sa­tion dans un délai rai­son­nable, entre autres, des aspects tech­niques d’organisation des scru­tins, de dif­fu­sion du maté­riel, de for­ma­tion de per­son­nel, du dépôt de can­di­da­tures, de leur dépouille­ment et des recours éven­tuels et occulte ain­si le temps néces­saire et incom­pres­sible de ces dif­fé­rentes étapes. Aider à la bonne réa­li­sa­tion de ces étapes dans les délais rai­son­nables, c’est per­mettre à la tran­si­tion de se ter­mi­ner dans les temps et sans heurts ! Il appa­raît assez clai­re­ment que Kabi­la dicte sa ligne de conduite et pos­sède ain­si un pied dans l’Union Euro­péenne et que l’ambassade des Etats-Unis influence le CIAT à tra­vers Bill Swing. Par ailleurs, au sein du CIAT, les Etats afri­cains sont pro­ba­ble­ment influen­cés par la France et les Etats-Unis, tan­dis que la Chine et la Rus­sie ne s’intéressent que de loin à la poli­tique congo­laise et/ou ne sou­haitent pas faire de vagues ». Le pro­ces­sus élec­to­ral ira fina­le­ment à son terme, confor­mé­ment aux volon­tés affi­chées au sein de l’Union Euro­péenne. Pour s’en rendre compte, il suf­fit sim­ple­ment de suivre ici les com­men­taires dithy­ram­biques expri­més par ses repré­sen­tants offi­ciels dès le pre­mier tour du scru­tin, qui voit Joseph Kabi­la arri­ver très lar­ge­ment en tête avec offi­ciel­le­ment plus de 44% des suf­frages. Javier Sola­na, Haut Repré­sen­tant pour la Poli­tique Étran­gère et de Sécu­ri­té Com­mune de l’Union Euro­péenne (PESC), exprime le pre­mier sa satis­fac­tion : « Je salue la tenue dans de bonnes condi­tions des élec­tions pré­si­den­tielles et légis­la­tives en Répu­blique Démo­cra­tique du Congo ce dimanche 30 juillet. Je féli­cite le peuple congo­lais qui s’est ren­du nom­breux aux urnes et qui a pu s’exprimer, d’une manière géné­rale, dans le calme et dans la digni­té, expri­mant sa déter­mi­na­tion à construire un meilleur ave­nir pour son pays (…). L’Union Euro­péenne reste fer­me­ment aux côtés de la popu­la­tion congo­laise dans ces moments his­to­riques et témoigne, entre autres par la pré­sence de sa mis­sion EUFOR, de son enga­ge­ment en vue de voir abou­tir les élec­tions dans un esprit de récon­ci­lia­tion et de consen­sus natio­nal ». Louis Michel, Com­mis­saire euro­péen au Déve­lop­pe­ment et à l’aide huma­ni­taire, par­mi les plus fer­vents par­ti­sans de Joseph Kabi­la, ne boude pas son plai­sir : « Le 30 juillet 2006 les pre­mières élec­tions démo­cra­tiques et plu­ra­listes depuis 40 ans se sont tenues en Répu­blique Démo­cra­tique du Congo. Il s’agit de l’aboutissement concret d’un rêve qui pour les Congo­lais vient de très loin, une vraie oppor­tu­ni­té de renou­veau qui est main­te­nant à por­tée de main. Je vou­drais sin­cè­re­ment féli­ci­ter le peuple congo­lais qui a mon­tré une matu­ri­té et une appé­tence pour la démo­cra­tie. Je suis heu­reux d’avoir misé, depuis 1999, sur le peuple congo­lais qui était fati­gué de la guerre et des conflits et qui a eu la volon­té d’aller vers la démo­cra­tie, un pro­ces­sus irré­ver­sible. (…) A pré­sent nous exhor­tons la popu­la­tion congo­laise et toutes les par­ties concer­nées à pour­suivre leur par­ti­ci­pa­tion paci­fique à ce pro­ces­sus dans un esprit de récon­ci­lia­tion natio­nale et de res­pect de la démo­cra­tie et de l’Etat de Droit dans l’intérêt géné­ral du pays. La Com­mis­sion euro­péenne, pre­mier bailleur de fonds du pro­ces­sus élec­to­ral, conti­nue­ra d’apporter son sou­tien au peuple et à l’Etat congo­lais dans cette nou­velle phase »