De la mule de José Marti à celle de Sandino : lettre très urgente

Tomas Borge

Image_3-49.png Tomás Borge Martí­nez (né le 13 août 1930) fut ministre de l’in­té­rieur pen­dant le gou­ver­ne­ment san­di­niste au Nica­ra­gua (1979 – 1990). Il fut co-fon­da­teur du Frente San­di­nis­ta de Libe­ra­ción Nacio­nal (FSLN) avec Car­los Fon­se­ca. Borge est éga­le­ment un écri­vain et un poète. Il a publié divers livres.

mar­di 24 mai 2011

Com­pa­gnons du Forum de Sao Pau­lo et de la Confé­rence des Par­tis Poli­tiques d’Amérique Latine et des Caraïbes (COPPAL) :

Je suis au cou­rant. Presque per­sonne ne l’est. Le forum de Sao Pau­lo s’est mis d’accord pour se soli­da­ri­ser avec les 5 pri­son­niers cubains dans des pri­sons nord-amé­ri­caines. Ce fut une déci­sion de plus du forum. Bonne déci­sion, fille d’un enga­ge­ment sacré même si, à mon avis, elle reste dépour­vue de trans­cen­dance et de carac­tère for­mel. La même réso­lu­tion a été prise — mais qui le sait — par l’important orga­nisme inter­par­le­men­taire lati­no-amé­ri­cain, le COPPAL.

De mon point de vue il est néces­saire de réa­li­ser une dénon­cia­tion colos­sale de cette tra­gé­die, assu­mer une conduite soli­daire, pra­tique, à la recherche de résul­tats exacts.

La pri­son est ter­rible. Nous le savons par expé­rience. Quelques uns de nos frères sont pas­sés par l’expérience éva­nouis­sante des pri­sons somo­zistes. Les mar­tyrs José Beni­to Esco­bar, Julián Roque, Oscar Bena­vi­dez et les com­pa­gnons Daniel Orte­ga, Jacin­to Sua­rez, Lenin Cer­na, Leo­pol­do Rivas, Manuel Val­le­cil­lo, entre autres, furent cru­ci­fiés dans la pri­son de Tipi­ta­pa pen­dant plus de six ans. Une telle expé­rience a mar­qué leurs vies pour tou­jours. Un pareil sacri­fice confère des mérites his­to­riques qu’aucune cir­cons­tance, cra­chat ou autres cir­con­fé­rences de la vie, ne peuvent effa­cer. A ces com­pa­gnons il faut attri­buer de plus le mérite de leur mili­tance ulté­rieure : digne, ferme, sans hési­ta­tions dans les heures dif­fi­ciles, sans défaillir sous la panique cau­sée par les calom­nies, men­songes, et autres haines et com­por­te­ments indé­cents de l’adversaire. Mal­gré tout cela ces frères qui sont les nôtres sont res­tés grou­pés et ont été conso­lés par la visite des familles. Ils ont été libé­rés grâce à l’excellence d’une action du Front San­di­niste de Libé­ra­tion Natio­nale (FSLN) qui les a emme­nés jusqu’à Cuba, où les atten­dait Car­los Fon­se­ca —pro­gé­ni­teur intel­lec­tuel de leur libé­ra­tion— et la concorde effu­sive de l’île fraternelle.

Les pri­son­niers cubains, appe­lés héros en toute jus­tice, sont iso­lés entre eux, dans des cel­lules soli­taires, obs­cures, dépri­mantes, à l’apparence de sépulcres. Seul Satan est capable d’une cruau­té sem­blable. Ils sont condam­nés à de très longues peines. L’un d’eux à deux pri­sons à per­pé­tui­té, plus 15 ans. Ils ont subi treize ans de pri­son iso­lante et tor­tu­rante. La cruau­té a été inso­lite et bes­tiale. Les condam­na­tions sont évi­dem­ment injustes, dis­pro­por­tion­nées, une pro­fa­na­tion des Droits de l’Homme. Leur inno­cence – et même leurs enne­mis les plus enra­gés le savent – est prou­vée. Treize longues années n’ont rien d’un jeu. Une telle digni­té et une telle fer­me­té, presque incon­ce­vable, ne peuvent s’expliquer que par l’héritage de l’héroïsme de Mar­ti et par l’exemple de Fidel. La liber­té de ces êtres humains est pour les cubains et pour Fidel une prio­ri­té insis­tante et obligée.

Image_4-30.pngLes décla­ra­tions for­melles ne suf­fisent pas. Il est néces­saire de conver­tir notre volon­té soli­daire en un immense jury de nos peuples pour cre­ver le tym­pan de l’empire et de Barak Oba­ma, le sus­pect prix Nobel de la Paix, pour les obli­ger à mettre fin à une telle violation.

Si nous obte­nons la liber­té de ces hommes, le peuple de Cuba et Fidel seront heu­reux, et c’est notre obli­ga­tion de leur offrir ce bon­heur, par réci­pro­ci­té élé­men­taire envers la soli­da­ri­té illi­mi­tée de Cuba et de Fidel avec tous les peuples du monde. Il faut ras­sem­bler des mil­lions de signa­tures — des mil­lions de signa­tures ! — réa­li­ser des mil­liers d’actes publics — des mil­liers d’actes publics ! — faire réson­ner des tam­bours et des clai­rons pour que les entende le sourd et insen­sible pré­sident nord-amé­ri­cain. Plus encore, en plus de nos luttes pour les inté­rêts de nos peuples, une telle demande devrait entrer en pre­mière ligne de combat.

J’en suis sûr : l’entêtement de Fidel et du peuple cubain —entê­te­ment sem­blable à la mule de San­di­no ou à celle de José Martí quand il che­vau­cha vers le mar­tyre —, obtien­dront la liber­té de ces jeunes hommes. Un jour ils se pro­mè­ne­ront sur le quai de la Havane en tenant par la main leurs mères, épouses et enfants, ils écou­te­ront le bruit des vagues et des mul­ti­tudes, jouis­sant d’une vic­toire aus­si atten­due qu’inévitable. Nous sommes obli­gés à par­ti­ci­per au des­sin d’un tel pay­sage. Quand se pro­dui­ra ce miracle – je crois dans les miracles — nous serons tous plus libres.

Tomas Borge, Mana­gua, 24 mai 2011

Source : http://www.larevolucionvive.org.ve/spip.php?article1564&lang=fr