Dexia : le contribuable repasse à la caisse

Le parcours de Dexia illustre les turpitudes du néolibéralisme bancaire et les errements de l’Etat.

par Attac France

La banque fran­co-belge Dexia est en situa­tion de faillite, les gou­ver­ne­ments fran­çais et belges ont appor­té en urgence leurs garan­ties aux dépôts et orga­nisent la dis­pa­ri­tion de la banque. Dexia avait pour­tant brillam­ment réus­si l’épreuve des stress tests en juillet. Avec son ratio de 11 % de fonds propres elle sem­blait être bien capi­ta­li­sée. Dés lors quelle valeur accor­der aux pro­pos léni­fiants du Pre­mier ministre sur la san­té des banques fran­çaises si une banque de cette impor­tance peut s’effondrer du jour au len­de­main ? Quelle est la situa­tion réelle de nos banques ?

Le par­cours de Dexia illustre les tur­pi­tudes du néo­li­bé­ra­lisme ban­caire et les erre­ments de l’Etat. Jusqu’à la fin des années 80, le Cré­dit Local de France, par­tie inté­grante du sec­teur public car alors filiale de la Caisse des Dépôts et Consi­gna­tions (CDC), assu­rait en toute sécu­ri­té les cré­dits aux col­lec­ti­vi­tés locales. Sa pri­va­ti­sa­tion et son entrée en Bourse , puis la fusion avec le Cré­dit Com­mu­nal de Bel­gique belge pour for­mer Dexia en 1996, ont ouvert la voie à une recherche fré­né­tique de pro­fits dans des opé­ra­tions hasar­deuses. Dexia n’a raté ni les sub­primes amé­ri­cains, ni la spé­cu­la­tion sur les pro­duits déri­vés, ni l’arnaque des prêts « toxiques » aux col­lec­ti­vi­tés locales. En sep­tembre 2008, pris dans la tour­mente des sub­primes, le groupe a été sau­vé in extre­mis par les gou­ver­ne­ments fran­çais et belges qui ont allon­gé plus de 6 mil­liards d’euros. Sau­ve­tage sans condi­tions au seul pro­fit des action­naires, qui ont conti­nué à engran­gé les pro­fits, alors que les actifs dou­teux ont été main­te­nus au bilan et se sont accrus de 23 mil­liards euros, qui sont autant de dettes publiques pour les États euro­péens. Aujourd’hui sau­ve­tage acte 2, dont le prix pour le contri­buable risque d’être salé.

Le pro­blème cen­tral est le deve­nir des actifs de Dexia dont une grande par­tie est sus­pec­tée d’être toxique. Le gou­ver­ne­ment ne vou­lant pas faire appa­raitre un accrois­se­ment de la dette publique, demande à la Banque Pos­tale et à la CDC d’entrer dans la danse en les allé­chant avec l’activité prêt aux col­lec­ti­vi­tés locales. Mais ni la Banque pos­tale, ni sur­tout la CDC, déjà sol­li­ci­tée en 2008 par l’État pour ache­ter des actions de Dexia à 9,90 euros qui valent aujourd’hui moins d’un euro, ne veulent deve­nir une bad bank. Celles-ci réclament une garan­tie de l’État, qui sera appe­lé à épon­ger les pertes.

Cette situa­tion est direc­te­ment liée à l’irresponsabilité de l’État fran­çais, qui suite à la crise de 2008 a ren­floué de façon spec­ta­cu­laire les prin­ci­paux groupes ban­caires sans jamais exi­ger en contre­par­tie de droit de regard sur leurs affaires. Dexia – et bien d’autres – ont pu conti­nuer leurs pra­tiques à hauts risques, sachant que l’État – et les contri­buables – seront tou­jours là pour épon­ger les pertes. Nous n’avons donc ni droit de regard, ni droit de cité dans les affaires ban­caires, alors même que nous assu­mons leurs faillites. Les banques et leur ges­tion doivent être l’affaire de tous. Aus­si, Attac et Les Amis de la Terre ont lan­cé au prin­temps une inter­pel­la­tion citoyenne des banques. Par­tout en France, les agences ban­caires se sont vues remettre des ques­tion­naires leur deman­dant de rendre des comptes pré­cis sur les prin­ci­paux aspects de leurs acti­vi­tés. De ces réponses, nous avons tiré un rap­port d’analyse, que nous publie­rons à la fin du mois. Poli­tiques de cré­dit aveugles, ges­tion humaine catas­tro­phique, irres­pon­sa­bi­li­té envi­ron­ne­men­tale, absence de démo­cra­tie interne, ce que nous y décou­vrons du monde ban­caire per­met de confir­mer l’idée que seule une mise sous contrôle des banques par l’État et les citoyens peut résoudre l’ampleur de la crise actuelle.

Le 15 octobre, dans le cadre des actions du mou­ve­ment des indi­gnés, nous invi­tons tous nos comi­tés locaux et adhé­rent-e‑s à agir, à mon­trer leur indi­gna­tion, de manière uni­taire, en dénon­çant les banques et le déni de démo­cra­tie que repré­sente la sou­mis­sion des poli­tiques aux inté­rêts finan­ciers fau­teurs de crise.

Attac France,

Paris, le 7 octobre 2011