Film + débat : LES USA CONTRE JOHN LENNON

19.05 2011 /
21 heures 30 à l’Arenberg, 1000 BXL

Le ciné­ma d’At­tac présente :

Un docu­men­taire sen­sa­tion­nel de David LEAF et John SCHEINFELD avec Tariq Ali, Carl Bern­stein, Noam Chom­sky, Wal­ter Cron­kite, Mario Cuo­mo, Ange­la Davis, Yoko Ono Len­non, G. Gor­don Lid­dy, George McGo­vern et Richard Nixon…

Dès 20 heures 30 précises,

LE GRAND DÉBAT : « A QUOI SERVENT LES ÉTATS-UNIS…?»

avec Jean BRICMONT auteur de « L’Im­pé­ria­lisme humanitaire »

(Edi­tions ADEN)


AN AMERICAN DREAM

Dans l’ex­tra­or­di­naire A day in the Life, les deux ins­pi­rés rapportent :

« J’ai lu dans le jour­nal d’au­jourd’­hui, quel truc !
L’his­toire d’un type qui a réussi
C’é­tait plu­tôt une nou­velle triste
Mais je n’ai pas pu m’empêcher de rigoler
Il y avait sa photographie
Il s’est fait sau­ter le cais­son dans sa voiture
Il ne s’é­tait pas aper­çu que les feux avaient changé»…

Entre 1962 et 1968, John Len­non et Paul McCart­ney ont déjà écrit cent cin­quante chan­sons. Et leurs albums vynile se sont ven­dus à 225 mil­lions d’exemplaires. 

Mais en pleine Beat­le­ma­nia, Len­non va prendre ses dis­tances, comme pour mar­quer sa volon­té de mener une aven­ture à la pre­mière per­sonne. Mul­ti­mil­lion­naire en dol­lars, John n’a pour­tant jamais su oublier ses ori­gines pro­lé­taires. Lucide, il ana­lyse ain­si les suc­cès infâ­mants des Fab Four : « C’é­tait le même jeu bidon que la socié­té jouait avec les Noirs, qui avaient le droit d’être des boxeurs ou des amu­seurs publics. Main­te­nant l’is­sue, c’est d’être une rock star. Mais ce sont tou­jours les mêmes gens qui ont le pou­voir. Le sys­tème de classe n’a pas changé ».

POWER TO THE PEOPLE. En 1971, quelques mois après l’an­nonce de la sépa­ra­tion des Beatles, John Len­non arrive aux Etats-Unis. Il vient d’en­re­gis­trer l’al­bum Ima­gine et une série de singles mili­tants dont Give Peace a Chance, et Power to the People. A peine débar­qué, il est hap­pé dans l’or­bite des mili­tants radi­caux, au sens amé­ri­cain du terme –les yip­pies (comme Jer­ry Rubin) ou les Black Pan­thers (à l’en­seigne de Bob­by Seale).

« Le héros de la classe ouvrière », comme il venait de se décrire dans une chan­son, accepte aus­si­tôt de don­ner concert pour dénon­cer l’as­sas­si­nat de déte­nus noirs abat­tus au cours d’é­meutes dans plu­sieurs pénin­ten­ciers fédé­raux. Un mois après, il se porte au secours de John Sin­clair, mili­tant pour la léga­li­sa­tion du can­na­bis, qui vient d’être condam­né à la pri­son à vie : dans le concert de sou­tien orga­ni­sé dans le Michi­gan, Len­non appa­raît sur scène aux côtés de Yoko Ono, Phil Ochs, Ste­vie Won­der et plein d’autres acti­vistes paci­fistes. Sin­clair est libé­ré dès le len­de­main. Trop fort. Quelques jours plus tard, Len­non apprend qu’il est l’ob­jet d’une pro­cé­dure d’ex­pul­sion du ter­ri­toire amé­ri­cain, en rai­son d’une ancienne condam­na­tion pour déten­tion de stu­pé­fiants. Désor­mais, il est dans le col­li­ma­teur du FBI et y res­te­ra jus­qu’à la fin…

Qui plus est, même en Angle­terre, son propre pays, le chan­teur anti-confor­miste devien­dra per­so­na non gra­ta pour avoir condam­né les tirs de l’ar­mée anglaise sur 14 civils irlan­dais durant le Bloo­dy Sun­day de jan­vier 1972. Cho­qué par l’é­vé­ne­ment, le chan­teur a en effet expli­qué qu’il pré­fé­rait être du côté de l’I­RA plu­tôt que de celui de l’ar­mée bri­tan­nique. Len­non écri­ra deux chan­sons en réfé­rence à cet épi­sode : The Luck of the Irish et Sun­day Bloo­dy Sun­day (où il exprime son sou­tien aux catholiques)…

ACTIVISME. Les USA contre John Len­non raconte cette his­toire pas­sion­nante, replace l’activisme de John Len­non (et la prise de conscience socio­po­li­tique qu’il incarne) dans le contexte des années 70. La guerre du Viet­nam, le radi­ca­li­té de la nou­velle gauche, l’af­faire du Water­gate..: le film fait inter­ve­nir plu­sieurs des per­son­na­li­tés mar­quantes de l’époque –dont les acti­vistes poli­tiques afro-amé­ri­cains Ange­la Davis et Bob­by Seale ; les jour­na­listes Carl Bern­stein et Wal­ter Cron­kite ; les repré­sen­tants de l’administration Nixon (G. Gor­don Lid­dy et John Dean); le vété­ran du Viet­nam et mili­tant anti-guerre Ron Kovic ; le roman­cier et his­to­rien amé­ri­cain Gore Vidal ; l’ancien gou­ver­neur de New York Mario Cuo­mo ; et le séna­teur et can­di­dat démo­crate aux élec­tions pré­si­den­tielles George McGovern.
C’est cepen­dant John Len­non qui reste la voix domi­nante du docu­men­taire. Sou­te­nu par sa musique, le film dresse le por­trait d’un homme public et pri­vé que l’on connaît peu, un jeune homme cha­ris­ma­tique, plein d’humour et de prin­cipes éle­vés qui refuse de se taire devant l’injustice.

En 1972, crai­gnant que les acti­vi­tés paci­fistes et le sou­tien de Len­non au démo­crate George McGo­vern ne coûtent sa réélec­tion à Richard Nixon, le gou­ver­ne­ment amé­ri­cain tente de chas­ser le chan­teur du pays. En effet, en février, John Len­non est cité dans un rap­port confi­den­tiel de la Com­mis­sion à la sécu­ri­té inté­rieure, au sujet de mili­tants de gauche en pleine cam­pagne anti-Nixon : « Ces gau­chistes, notam­ment Ren­nie Davis, déjà arrê­té pour des par­ti­ci­pa­tions à des actions de ce type lors du ras­sem­ble­ment du par­ti démo­crate à Chi­ca­go en 1968, pré­voient d’u­ti­li­ser John Len­non afin de recru­ter le plus de gens pos­sible ». En consé­quence, Nixon lui-même va per­son­nel­le­ment exi­gé que la pops­tar soit désor­mais sur­veillée, loca­li­sée et écou­tée. Plus : cer­taines chan­sons du musi­cien sont inter­dites et il est constam­ment sui­vi, selon ses dires, par des agents du FBI, qui ne cherchent même pas à se cacher : « J’ou­vrais ma porte, et hop ! Il y avait un gars en fac­tion de l’autre côté de la rue. Ils me sui­vaient par­tout, tout le temps ! Et sur­tout, ils tenaient à ce que je m’en rende compte !».

SUR ECOUTE. Les pro­cé­dures pour l’ex­pul­ser débutent le mois sui­vant, se fon­dant (comme déjà men­tion­né) sur un délit de pos­ses­sion de can­na­bis datant de 1968, alors que Len­non rési­dait encore à Londres. S’en­suivent quatre ans de pro­cès. Le 16 mars 1972, Len­non reçoit son ordre d’ex­pul­sion du ter­ri­toire amé­ri­cain. Tou­te­fois, il par­vient à le récu­ser, grâce au sou­tien de nom­breuses per­son­na­li­tés, via une péti­tion signée entre autres par Bob Dylan, Fred Astair et même John Lind­say, alors maire de New York. Les pro­blèmes de Len­non avec l’ad­mi­nis­tra­tion amé­ri­caine ne l’empêchent pas de conti­nuer son action. Et de publier un nou­vel album, Some Time in New York City, de loin son disque le plus enga­gé politiquement.

Scru­pu­leu­se­ment docu­men­té et remar­qua­ble­ment vivant, Les USA contre Len­non fait ain­si la lumière sur un cha­pitre mécon­nu de l’histoire du monde moderne : com­ment la pré­si­dence Nixon et son admi­nis­tra­tion ont uti­li­sé la machi­ne­rie gou­ver­ne­men­tale pour mener une guerre secrète contre le musi­cien le plus popu­laire du monde. Consi­dé­ré comme le lea­der idéo­lo­gique de la contre-culture, donc l’en­ne­mi d’E­tat, Len­non sera la cible d’une guerre secrète, clan­des­tine et conjointe du M15 bri­tan­nique et du FBI –diri­gé alors par une véri­table ordure : J. Edgar Hoover.