Halte au démantèlement du droit à l’aide juridique !

L’aide juridique est ce qui permet en Belgique aux citoyens les plus faibles économiquement et socialement de bénéficier de l’assistance gratuite d’un avocat. Le Gouvernement fédéral est actuellement en train de revenir sur ce droit...

De quoi s’agit-il ?

L’aide juri­dique est ce qui per­met en Bel­gique aux citoyens les plus faibles éco­no­mi­que­ment et socia­le­ment de béné­fi­cier de l’assistance gra­tuite d’un avo­cat. L’indemnisation de ce der­nier est prise en charge par l’Etat.

D’une logique ancien­ne­ment cari­ta­tive (le « pro deo » ou le « pro bono »), le légis­la­teur belge était pas­sé à une véri­table poli­tique de ser­vice public. L’article 23 de la Consti­tu­tion consacre les droits éco­no­miques et sociaux comme une obli­ga­tion à charge des pou­voirs publics. Par­mi eux : « le droit à la sécu­ri­té sociale, à la pro­tec­tion de la san­té et à l’aide sociale, médi­cale et juri­dique ».

Le Gou­ver­ne­ment fédé­ral est actuel­le­ment en train de reve­nir sur ce droit de manière très inquiétante.

En effet, la réforme de l’aide juri­dique pré­vue par la Ministre de la Jus­tice Anne­mie Tur­tel­boom prend de plus en plus la voie de mesures d’austérité aveugles, en vue d’économies déri­soires par rap­port aux atteintes qui en résul­te­ront pour les jus­ti­ciables concer­nés, alors que le bud­get de l’aide juri­dique en Bel­gique est déjà infé­rieur à celui de nom­breux autres pays euro­péens et notoi­re­ment insuffisant. 

L’information ne filtre qu’au compte-gouttes mais la Ministre a confir­mé, dans un entre­tien don­né au jour­nal De Stan­daard ce week-end (27 – 28.4.2013), qu’elle pré­sen­te­ra un texte au Conseil des Ministres ce 3 mai.

Cette réforme impli­que­ra que les per­sonnes dis­po­sant de peu de moyens finan­ciers auront dans le futur encore plus dif­fi­ci­le­ment accès à l’aide juridique.

En réac­tion, une coa­li­tion inédite et très large de syn­di­cats, d’ONG, d’avocats et d’associations de lutte contre la pau­vre­té et de défense des droits s’est ras­sem­blée autour de la pla­te­forme Jus­tice pour tous. C’est la pre­mière fois que des acteurs du monde social et du monde juri­dique unissent leurs forces afin de lut­ter pour un meilleur accès à la justice.

Concrè­te­ment, la réforme envi­sa­gée par le Gou­ver­ne­ment fédé­ral belge (pré­sen­tée par la Ministre de la Jus­tice) com­pren­drait les mesures suivantes :

  • L’assistance d’un avo­cat “pro deo” sera ren­due par­tiel­le­ment payante pour tous (il s’agit de l’idée d’un « ticket modé­ra­teur » par pro­cé­dure, peu importe que la per­sonne intro­duise elle-même une action – est deman­deur en jus­tice — ou est assi­gnée et doive se défendre);
  • L’accès au sys­tème sera res­treint en limi­tant for­te­ment ou en sup­pri­mant les pré­somp­tions d’indigence. Cela signi­fie que là où notre socié­té consi­dé­rait, jusqu’à pré­sent, qu’il était pri­mor­dial que diverses caté­go­ries de per­sonnes béné­fi­cient de l’aide juri­dique gra­tuite, sans condi­tion, soit en rai­son de leur situa­tion sociale (per­sonnes dépen­dant du C.P.A.S., d’une pen­sion garan­tie, allo­ca­tion de rem­pla­ce­ment, han­di­ca­pés, mineur d’âge,…) soit d’une situa­tion de fai­blesse momen­ta­née (per­sonnes en déten­tion, mises en obser­va­tion en ins­ti­tu­tion psy­chia­trique etc.), l’intervention d’un avo­cat serait désor­mais condi­tion­née par la démons­tra­tion préa­lable de la preuve d’une insuf­fi­sance de res­sources du ménage. L’aléa de se pro­cu­rer des attes­ta­tions admi­nis­tra­tives (ou de prendre en compte les res­sources de toutes les autres per­sonnes ins­crites dans le ménage !) fera que, néces­sai­re­ment, de nom­breuses per­sonnes ne seront en pra­tique plus assis­tées, ou le seront plus difficilement.
  • Le bud­get de l’aide juri­dique en droit des étran­gers sera dimi­nué et le libre choix de l’avocat res­treint via l’instauration d’un sys­tème « d’abonnement » qui fera que seul un nombre d’avocats limi­té, dési­gnés par l’Etat (alors même que les recours sont à diri­ger contre l’Etat …) pour­ront inter­ve­nir, avec une rému­né­ra­tion for­fai­taire par jus­ti­ciable (et non plus par pro­cé­dure), en vue de limi­ter le nombre de recours. Ces avo­cats devront s’engager à prendre un grand nombre de dos­siers, ce qui fera qu’ils seront sous contrôle de l’Etat et devront faire du « volume », au détri­ment de la qua­li­té ou du moins de l’excès de zèle. Or les asso­cia­tions spé­cia­li­sées se plaignent déjà du fait que des avo­cats négligent le soin à appor­ter à la défense de leurs clients en séjour illé­gal ou précaire.
  • Les béné­fi­ciaires de l’aide juri­dique devraient en outre s’acquitter d’une somme par pro­cé­dure. Il s’agit d’une mesure par­ti­cu­liè­re­ment inéqui­table socia­le­ment, contraire au prin­cipe de géné­ra­li­té de l’impôt, puisque seules les per­sonnes sol­li­ci­tant l’aide juri­dique (donc les plus pauvres) devraient s’acquitter d’un mon­tant par ins­tance, et ce même dans l’hypothèse où elles ne sont même pas à l’origine de la pro­cé­dure mais se défendent d’une pro­cé­dure enga­gée contre elles, pour avoir l’assistance d’un avocat.
  • Le droit pour l’avocat de récla­mer des hono­raires en fin de pro­cé­dure, si le béné­fi­ciaire de l’aide juri­dique obtient gain de cause et une indem­ni­sa­tion (par exemple une indem­ni­té du bailleur, des arrié­rés d’allocations de chô­mage, etc.). Dans ce cas l’avocat pour­rait fac­tu­rer rétro­ac­ti­ve­ment et libre­ment ses hono­raires et les impu­ter des fonds (pour une fois !) per­çus par son client, ce qui pour­rait réduire à rien ou à pas grand’chose le résul­tat posi­tif du procès.
  • Le retour en force du cari­ta­tif dans le but de limi­ter les dos­siers où l’Etat aurait à payer l’intervention de l’avocat : d’une part les jeunes avo­cats sta­giaires devront prendre en charge 5 dos­siers sans aucune indem­ni­sa­tion (aupa­ra­vant, une telle obli­ga­tion de pra­ti­quer l’aide juri­dique exis­tait, mais avec indem­ni­sa­tion), d’autre part les cabi­nets d’affaires seront encou­ra­gés à aider les pauvres, avec la créa­tion d’un label « pro bono » (qui pour­ra sans doute per­mettre à terme une déduc­ti­bi­li­té fis­cale, et en tous cas four­ni­ra un apport de posi­tion­ne­ment d’image pour les grands cabi­nets internationaux).

Une large coa­li­tion d’associations s’oppose donc à ces mesures. Près de 35 orga­ni­sa­tions (encore rejointes par d’autres) ont lan­cé, avec la pla­te­forme Jus­tice pour tous, la péti­tion dont le lien figure au début du pré­sent mail, adres­sée au gou­ver­ne­ment belge et repre­nant les exi­gences suivantes :

  • L’accès à une aide juri­dique gra­tuite de qua­li­té pour toute per­sonne sou­hai­tant faire valoir/défendre ses droits en jus­tice et dont les reve­nus sont insuffisants.
  • Un refi­nan­ce­ment du sys­tème d’aide juri­dique actuel, dont les moyens doivent pou­voir être trou­vés ailleurs que dans les poches des béné­fi­ciaires de l’aide juri­dique, qui repré­sentent les plus dému­nis de notre société.
  • Une offre de ser­vice per­met­tant de répondre à la demande, et des condi­tions d’accès qui, sous aucun pré­texte, ne mettent l’effectivité de l’aide juri­dique en péril.
  • Une rétri­bu­tion des pres­ta­taires de l’aide juri­dique cor­recte et sti­mu­lante, basée sur une éva­lua­tion pré­cise du tra­vail requis, pour chaque pro­cé­dure concernée.
  • Le main­tien, pour le béné­fi­ciaire d’aide juri­dique, du libre choix de son avo­cat ; et la garan­tie, pour ce der­nier, de pou­voir défendre ses clients dans une totale indé­pen­dance vis-à-vis de l’État.
  • Une for­ma­tion conti­nue de tous les avo­cats s’impliquant dans l’aide juri­dique et un contrôle effi­cace de leur tra­vail, qui garan­tissent la qua­li­té des prestations.

Pour plus d’information sur la pla­te­forme Jus­tice pour tous ou pour prendre contact avec une des asso­cia­tions signa­taires, vous pou­vez contac­ter Damienne Mar­tin (Fr) (0483/089.528) ou Ivo Fla­chet (Nl) (0476/947.258).

En fran­çais : http://www.petitions24.net/halte_au_demantelement_du_droit_a_laide_juridique

En Néer­lan­dais : http://www.petities24.com/stop_afbraak_juridische_bijstand

Cette péti­tion est actuel­le­ment por­tée par les orga­ni­sa­tions suivantes :

Aide aux Per­sonnes Dépla­cées, Asso­cia­tion de défense des allo­ca­taires sociaux, Asso­cia­tion pour le Droit des Etran­gers, Asso­cia­tion Syn­di­cale des Magis­trats, Attac Vlaan­de­ren, Ate­lier des Droits sociaux, Cap Migrants, Cari­tas Inter­na­tio­nal, Centre social pro­tes­tant, Col­lec­tif Soli­da­ri­té contre l’Exclusion, Comi­té Belge d’Aide aux Réfu­giés / Comi­té voor Hulp aan Vluch­te­lin­gen, Centre d’Action laïque, Confé­dé­ra­tion des Syn­di­cats Chré­tiens / Alge­meen Chris­te­lijk Vak­ver­bond, Coor­di­na­tion et Ini­tia­tives pour Réfu­giés et Etran­gers, Equipes popu­laires, Fédé­ra­tion des Mai­sons Médi­cales et des Col­lec­tifs de san­té fran­co­phones, Fédé­ra­tion géné­rale du Tra­vail de Bel­gique / Alge­meen Bel­gisch Vak­ver­bond, Gezins­bond, Jesuit Refu­gee Ser­vice Bel­gium, Jus­tice et Paix, Ligue des Droits de l’Homme, Méde­cine pour le Peuple / Genees­kunde voor het Volk, Mou­ve­ment Ouvrier Chré­tien, Net­werk tegen Armoede, Pax Chris­ti Vlaan­de­ren, Pax Chris­ti Wal­lo­nie-Bruxelles, Point d’Appui, Pro­gress Net­work Lawyers, Réseau Wal­lon de Lutte contre la Pau­vre­té, Samen­le­ving­sop­bouw Brus­sel, Ser­vice Droit des Jeunes, Ser­vice Social de Soli­da­ri­té Socia­liste, Ser­vices Sociaux des Quar­tiers 1030, Syn­di­cat des Avo­cats pour la Démo­cra­tie, Syn­di­cat des Loca­taires, Vluch­te­lin­gen­werk Vlaanderen,…