La mauvaise mémoire des médias

Par Iroel Sánchez
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La pupi­la insomne / The Bad Memo­ry of the Good Media
Tra­duc­ción de Patri­cia Pérez Pérez

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La pré­oc­cu­pa­tion de la CNN semble quelque peu sélec­tive, et en géné­ral, celle de la grande presse éta­su­nienne, lors­qu’elle concerne les pri­son­niers poli­tiques et les liber­tés, et aus­si l’hostilité envers Donald Trump.

Le jour­na­liste de CNN Jim Acos­ta est sur le devant de la scène depuis l’incident avec le Pré­sident amé­ri­cain Donald Trump qui a eu lieu durant une confé­rence de presse à la Mai­son Blanche. Acos­ta a d’abord ques­tion­né le Pré­sident Donald Trump sur le qua­li­fi­ca­tif d’”inva­sion” qu’il a uti­li­sé pour par­ler de la cara­vane d’immigrants d’Amérique cen­trale cher­chant à entrer aux États-Unis, et l’a accu­sé de les dia­bo­li­ser ; dans l’échange une jeune femme a essayé de lui reti­rer le micro, mais Acos­ta a refu­sé le geste et a posé une deuxième ques­tion à pro­pos d’une “recherche russe”.

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Comme consé­quence de cet inci­dent, Jim Acos­ta a été expul­sé de la Confé­rence de presse et on lui a reti­ré ses « papiers offi­ciels » don­nant accès la Mai­son Blanche, ce qui a géné­ré des mil­liers de dépêches infor­ma­tives. Mais ce qu’aucun de ces rap­ports infor­ma­tifs n’a rap­pe­lé, c’est que quand Jim Acos­ta a été à La Havane, “incrus­té” dans la délé­ga­tion menée par le Pré­sident éta­su­nien de l’époque Barack Oba­ma lors­qu’il a visi­té l’île, il fut le pro­ta­go­niste d’un autre dia­logue ten­du, cette fois-ci avec le lea­der cubain Raúl Cas­tro, à la suite duquel per­sonne n’a essayé de lui reti­rer le micro­phone ni de l’extraire de la salle…
Rap­pel cubain :

Jim Acos­ta : “Pour­quoi avez-vous des pri­son­niers poli­tiques à Cuba et pour­quoi vous ne les libé­rez pas ?”

Raúl Cas­tro : “Donne-moi la liste des pri­son­niers poli­tiques main­te­nant pour les libé­rer. Ou donne-moi une liste avec les noms des pri­son­niers poli­tiques s’il y en a. Et s’ils existent, ces pri­son­niers poli­tiques, ils vont être libé­rés avant que la nuit ne tombe”.

Acos­ta n’a remis aucune liste au Pré­sident Raúl Cas­tro et per­sonne ne l’a expul­sé de Cuba pour cela. C’est que la pré­oc­cu­pa­tion de la CNN semble quelque peu sélec­tive, et en géné­ral, celle de la grande presse éta­su­nienne, lors­qu’elle concerne les pri­son­niers poli­tiques et les liber­tés, et aus­si l’hostilité envers Donald Trump. Durant la visite de ce der­nier en Israël, ayant géné­ré des mani­fes­ta­tions sou­te­nues et fus­ti­gées des pales­ti­niens pour en appui aux pri­son­niers qui crou­pissent dans des pri­sons israé­liennes, rien n’a été deman­dé au Pré­sident rien n’a été dit dans les médias à pro­pos des pri­son­niers poli­tiques en Israël.

En ce qui concerne l“inva­sion” d’émigrants d’Amérique cen­trale, fon­da­men­ta­le­ment des Hon­du­riens, ni Acos­ta ni CNN, ni aucun média éta­su­nien n’a par­lé de la res­pon­sa­bi­li­té des États-Unis dans l’état de pau­vre­té, de crise sociale et de vio­lence à laquelle font face les pays du Tri­angle du Nord (le Gua­te­ma­la, le Sal­va­dor et le Hon­du­ras), écra­sés sous le poids de plu­sieurs décen­nies de guerre sale et de néo­li­bé­ra­lisme encou­ra­gés par Washington.

Par­ti­cu­liè­re­ment dans le cas du Hon­du­ras, alors qu’il com­men­çait juste à emprun­ter un nou­veau che­min lui per­met­tant de s’occuper des néces­si­tés sociales, avec son inté­gra­tion aux pro­grammes d’éducation et de san­té pro­mus par l’Alliance Boli­va­rienne pour les Peuples de Notre Amé­rique (ALBA), il a été impac­té en 2009 par un coup mili­taire qui a mar­qué le début de la contre-offen­sive éta­su­nienne en Amé­rique latine dans le but de réta­blir son hégé­mo­nie dans la région, avec Barack Oba­ma à la tête de la Mai­son Blanche, qui a été d’ailleurs le Pré­sident éta­su­nien ayant dépor­té la plus grande quan­ti­té d’immigrés dans l’histoire du pays.

Quinze jour­na­listes ont été assas­si­nés au Hon­du­ras après ce coup d’État san­glant sou­te­nu par les Etats-Unis. Il existe même une vidéo dans laquelle on voit la com­mande du meurtre d’un infor­ma­teur, suite à la ques­tion incon­for­table posée à un entre­pre­neur puis­sant lié aux put­schistes (voir minute 10.25 du docu­men­taire The Dead­liest Place in the World for a Jour­na­list : qui est sur Inter­net depuis octobre 2011), mais ni les Démo­crates ni les Répu­bli­cains ne se sont mani­fes­tés à ce sujet, et encore moins la CNN, ni aucun milieu cor­po­ra­tif américain.

Mais le point de ren­contre de Trump, Jim Acos­ta, Barack Oba­ma, la CNN et toute la soi-disant “presse libre”, est que, à l’inverse de Cuba, les États-Unis est un pays avec démo­cra­tie et liber­té d’expression, mais aus­si le pays où il se passent de plus en plus de choses com­munes aux pays qua­li­fiés comme des “répu­bliques bana­nières”, terme intro­duit par l’écrivain éta­su­nien O. Hen­ry dans son volume de contes Cab­bages and Kings pour se réfé­rer au Hon­du­ras, ce qui est le résul­tat des inter­ven­tions mili­taires réité­rées et du pillage éco­no­mique, en plus de l’exportation de la vio­lence, des bandes armées et de la cor­rup­tion depuis Washington.

Ce qui est en train de se pas­ser aujourd’hui aux États-Unis de Trump, avec les scan­dales due aux rela­tions du man­da­taire avec des pros­ti­tuées, des licen­cie­ments de fonc­tion­naires pour des motifs ignobles, et où même les maîtres de bor­dels gagnent des élec­tions après leur mort, dépasse la réa­li­té de L’Automne du Patriarche le roman de Gabriel García Már­quez ou Le Recours de la méthode d’Alejo Car­pen­tier, bien que ces conclu­sions soient trop pro­fondes pour que Jim Acos­ta ou la CNN ne nous en parlent, et s’ils arri­vaient à les abor­der ce serait pour dire que ce n’est qu’un résul­tat excep­tion­nel de la ges­tion d’un fou irres­pon­sable, mais jamais d’un sys­tème où l’argent est roi et grâce auquel un magnat, qui dirige un pays comme si c’était son entre­prise, a pu arri­ver à en être le Président.

Par Iroel Sán­chez, 19 novembre, 2018
Jour­na­liste cubain
source : La pupi­la insomne / The Bad Memo­ry of the Good Media
Tra­duc­ción de Patri­cia Pérez Pérez