Le Front de Libération de la Libye s’organise dans le Sahel

La région du Sahel n’est qu’un des nombreux endroits où des membres de la tribu Wafalla et de celle de Kadhafi, commence à organiser la prochaine phase de résistance.

Source ori­gi­nale de l’ar­ticle : Coun­ter­punch

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Seif al-Islam avec des combattants Touaregs

En bor­dure du Sahel, au Niger — “Sahel” en arabe signi­fie “côte” ou “rivage”. A moins d’avoir vécu il y a 5000 ans, à l’époque où, selon les anthro­po­logues, les pre­mières cultures appa­rurent dans cette région alors luxu­riante mais désor­mais semi-aride où la tem­pé­ra­ture atteint 50 degrés C et seuls les cha­meaux et quelques autres créa­tures sont capables de repé­rer les sources d’eau à l’odorat, cela semble bizarre d’appeler ain­si cette bande large de 725 km de sable brû­lant qui sépare l’Océan Atlan­tique de la Mer Rouge.

Pour­tant quand on s’y trouve, le Sahel res­semble bien a une sorte de lit­to­ral avec de part et d’autre les sables infi­nis du Saha­ra et les herbes de la savane du sud. Des par­ties du Mali, de l’Algérie, du Niger, du Tchad, et du Sou­dan qui bordent tous la Libye se trouvent dans cette sorte de no man’s land.

Aujourd’hui le Sahel four­nit une pro­tec­tion, des ins­tal­la­tions pour amas­ser des armes et les sto­cker, des sites appro­priés pour des camps d’entraînement et des planques ain­si qu’une base tout à fait extra­or­di­naire à ceux qui s’affairent à l’organisation d’un Front de Libé­ra­tion Libyen (FLL) qui prend de l’ampleur. La région du Sahel n’est qu’un des nom­breux endroits où la contre-révo­lu­tion libyenne, menée par des membres de la tri­bu Wafal­la et de celle de Kadha­fi, com­mence à orga­ni­ser la pro­chaine phase de résistance.

Quand je suis entré dans la salle de confé­rence d’un bureau du Niger, il y a peu, pour ren­con­trer des réfu­giés qui venaient d’arriver de Libye et qui, selon mes infor­ma­tions, se pré­pa­raient à orga­ni­ser une “lutte popu­laire au moyen de la tac­tique maoïste des 1000 entailles contre le groupe qui pré­tend repré­sen­ter la Libye à l’heure actuelle”, deux choses m’ont frappées.

La pre­mière, c’est le nombre de per­sonnes pré­sentes et le fait qu’elles n’étaient ni débraillées, ni fana­tiques, ni déses­pé­rées, mais au contraire repo­sées, calmes, orga­ni­sées et méthodiques.

La per­sonne qui m’accompagnait, un membre de la tri­bu de Kadha­fi qui habi­tait à Syrte, m’a dit : “Plus de 800 orga­ni­sa­teurs sont arri­vés au Niger de Libye et on en attend davan­tage chaque jour”. Un offi­cier en uni­forme a ajou­té : “La situa­tion n’est pas du tout telle que vos médias occi­den­taux la pré­sentent, les loya­listes de Kadha­fi ne sont pas en train d’essayer fré­né­ti­que­ment d’échapper aux esca­drons de la mort de l’OTAN qui pul­lulent main­te­nant dans le nord de notre patrie en offrant des tas d’argent et d’or pour leur pro­tec­tion. Dans cette région, nos frères contrôlent des routes qui se rient des fron­tières depuis des mil­liers d’années et ils savent com­ment faire pour que même les drones et les satel­lites de l’OTAN ne puissent pas les repérer.

L’autre chose à laquelle j’ai pen­sé, pen­dant cette pre­mière réunion, c’est la dif­fé­rence que trois décen­nies peuvent faire. Assis là, je me suis sou­ve­nu de ma visite à l’ancien lea­der des jeunes du Fatah, Salah Tam­ri, qui avait fait du bon tra­vail au camp israé­lien de pri­son­niers de Ansar, au sud du Liban lors de l’agression de 1982, en tant que négo­cia­teur élu par ses co-déte­nus. C’était peu après que la direc­tion de l’OLP, ait com­mis l’erreur, selon moi, d’accepter d’évacuer le Liban en août 1982 plu­tôt que de mettre en place un défense du type de celle de Sta­lin­grad (certes sans l’espoir de voir arri­ver l’Armée Rouge) car les lea­ders de l’OLP avaient appa­rem­ment cru l’administration Rea­gan qui lui avait pro­mis “la créa­tion garan­tie par les Etats-Unis d’un état pales­ti­nien dans l’année. Vous pou­vez dépo­ser ça sur votre compte en banque” avait dit le délé­gué éta­su­nien Phi­lip Habib. Le lea­der de l’OLP, Ara­fat, gar­dait la pro­messe écrite d’Habib dans la poche de sa che­mise pour la mon­trer à ceux qui dou­taient, comme son adjoint, Kha­lil al Wazir (Abu Jihad) et les femmes de Sha­ti­la, notam­ment, qui étaient très contra­riées de voir leurs pro­tec­teurs les abandonner. 

A Tabes­sa, quelque part dans le vaste désert algé­rien, les fiers com­bat­tants de l’OLP, réduits à l’inaction et enfer­més dans leurs camps, sem­blaient pas­ser leurs temps, à l’exception des périodes d’entraînement, à boire du café, à fumer et à se faire du sou­ci pour les leurs res­tés au Liban, quand tout à coup la nou­velle du mas­sacre de Sabra et Sha­ti­la com­man­di­té par les Israé­liens est tom­bée comme une bombe sur le camp de Tabes­sa et beau­coup de com­bat­tants, refu­sant d’obéir à Tama­ri, sont par­tis pour Shatila.

Il n’en est pas de même pour les réfu­giés libyens au Niger. Ils dis­posent des der­niers modèles de télé­phone par satel­lite, d’ordinateurs por­tables et de tout ce qui se fait de mieux par­mi toutes les inno­va­tions tech­no­lo­giques qu’on a vues dans les hôtels où étaient ins­tal­lés les jour­na­listes à Tri­po­li pen­dant les neuf der­niers mois. Quand j’ai deman­dé : “Com­ment avez-vous fait pour vous pro­cu­rer si rapi­de­ment tout ce maté­riel élec­tro­nique de pointe ?” une jeune femme en hijab que j’avais vue pour la der­nière fois en août der­nier à l’hôtel Rixos de Tri­po­li alors qu’elle don­nait des com­mu­ni­qués de presse au porte-parole de la Libye, le Doc­teur Musa Ibra­him, m’a répon­du par un sou­rire énig­ma­tique et un clin d’oeil. Ce jour-là, Musa, qui se tenait à côté du ministre délé­gué aux affaires étran­gères, Kha­lid Kaim, l’ami de nom­breux Amé­ri­cains et mili­tants des droits de l’homme, disait aux médias que Tri­po­li ne tom­be­rait pas aux mains des rebelles de l’OTAN car “nous avons 6 500 sol­dats bien entraî­nés qui les attendent”. 

Mais en fait, le com­man­dant des 6 500 sol­dats en ques­tion était pas­sé à l’OTAN et il a don­né à ses hommes l’ordre de ne pas s’opposer à l’entrée des troupes rebelles. Tri­po­li est tom­bée le len­de­main ; le jour sui­vant Kha­lid a été arrê­té et il crou­pit actuel­le­ment dans une des nom­breuses pri­sons rebelles ; ses requêtes pour voir sa famille sont igno­rées par ses geô­liers et une équipe inter­na­tio­nale d’hommes de lois mise en place aux Etats-Unis négo­cie pour pou­voir le rencontrer.

Le FLL a des pro­jets poli­tiques et mili­taires. Un des pro­jets poli­tiques est de se pré­sen­ter aux élec­tions qui doivent avoir lieu l’été pro­chain. Un des membres que j’ai ren­con­tré a pour mis­sion d’étudier les élec­tions en Tuni­sie, en Egypte et ailleurs dans la région pour s’en ins­pi­rer pour la Libye.

Un autre comi­té du FLL éla­bore un mes­sage natio­na­liste de cam­pagne et un argu­men­taire détaillé pour la cam­pagne de leurs can­di­dats et met au point des listes de recom­man­da­tions de can­di­dats spé­ci­fiques. Rien n’est encore tout à fait arrê­té mais un des pro­fes­seurs libyen m’a dit que “les droits des femmes auront une place de choix dans le pro­gramme. Les femmes ont été hor­ri­fiées quand, dans le but d’obtenir le sou­tien des sup­por­ters d’Al Qae­da qui menacent de prendre le contrôle de la Libye, le pré­sident du CNT, Jalil, a dit que la poly­ga­mie serait réta­blie en Libye et que les femmes ne pour­raient plus gar­der la mai­son en cas de divorce. La Libye a été très pro­gres­siste pour les droits des femmes comme pour les droits pales­ti­niens.” Aisha Kadha­fi, la seule fille de Mouam­mar, qui vit main­te­nant en Algé­rie avec des membres de sa famille dont son bébé de deux mois, a joué un grand rôle dans la loi de 2010 par laquelle les Congrès du Peuple ont accor­dé plus de droits aux femmes. On lui a deman­dé de rédi­ger un tract sur la néces­si­té de main­te­nir les droits des femmes qui sera dis­tri­bué si les élec­tions de 2012 ont bien lieu.

Tan­dis que leur pays se retrouve lar­ge­ment en ruines après les bom­bar­de­ments de l’OTAN, le FLL pro-Kadha­fi a des atouts majeurs dans son jeu : Le pre­mier est consti­tué par les tri­bus qui com­men­çaient à se sou­le­ver contre l’OTAN l’été der­nier quand Tri­po­li est tom­bé avant que leurs efforts ( dont une nou­velle consti­tu­tion) ne se concré­tisent. Le FLL croit que les tri­bus peuvent jouer un rôle cru­cial dans l’obtention des votes

le FLL a peut-être dans son car­quois une flèche encore plus acé­rée pour lan­cer sa contre révo­lu­tion, ce sont les 35 années d’expérience poli­tique des cen­taines de Comi­tés du Peuple Libyen qui existent dans tous les vil­lages de Libye paral­lè­le­ment aux Secré­ta­riats des Confé­rences du Peuple. Bien qu’ils ne fonc­tionnent plus actuel­le­ment (ils ont été mis hors la loi par l’OTAN pour dire la véri­té) ils se reforment rapi­de­ment. Bien qu’ils aient par­fois été tour­nés en déri­sion par des “experts” auto­pro­cla­més sur la Libye, les Congrès du Peuple, basés sur le livre Vert de Kadha­fi, sont en fait très démo­cra­tiques et une obser­va­tion atten­tive de leur tra­vaux montrent qu’ils se sont de moins en moins conten­tés de reflé­ter les idées qui par­ve­naient du camp mili­taire de Bab al Azzi­za (où se trou­vait la rési­dence de Kadha­fi, ndt).

Un secré­taire géné­ral de l’un des Congrès qui tra­vaille main­te­nant au Niger a racon­té ce qui avait été dit à une délé­ga­tion occi­den­tale en juin der­nier au cours d’une expo­sé de trois heures au quar­tier géné­ral du secré­ta­riat natio­nal du CP à Tri­po­li. On avait mon­tré aux par­ti­ci­pants les rap­ports sur la par­ti­ci­pa­tion et les votes ain­si que toutes les motions de vote des dix der­nières années et les comptes-ren­dus des débats du der­nier Congrès du Peuple.

Il y a de grandes simi­li­tudes entre les Congrès du Peuple et les assem­blées géné­rales des habi­tants des villes de la Nou­velle Angle­terre ; dans les deux ins­tances, la popu­la­tion locale prend les déci­sions qui affectent la com­mu­nau­té et dis­cute ouver­te­ment des pro­blèmes sou­le­vés et des solu­tions proposées.

J’ai moi-même par­ti­cu­liè­re­ment appré­cié mon man­dat de 4 ans comme repré­sen­tant de la sec­tion 2A de l’assemblée géné­rale des habi­tants de Brook­line au Mas­sa­chu­setts, pen­dant que j’étais étu­diant à Bos­ton, assis par­fois à côté de mes voi­sins Kit­ty et Michael Duka­kis. Nous avons tous les deux été élus, j’ai eu 42 votes de plus que Mike mais il a fait une car­rière poli­tique tan­dis qu’on peut dire que moi j’ai som­bré du fait que j’ai rejoint les Etu­diants pour une Socié­té Démo­cra­tique, les ACLU (Union Amé­ri­caine pour les liber­tés civiles) et les Blacks Pan­thers au cours du même semestre de licence à l’université de Bos­ton après une ren­contre enthou­sias­mante avec le Pro­fes­seur Noam Chom­sky et le Pro­fes­seur Howard Zinn dans le bureau de Chom­sky au Mas­sa­chu­setts Ins­ti­tute of Tech­no­lo­gy (MIT).

Les débats de l’assemblée géné­rale des habi­tants étaient inté­res­sants et pro­duc­tifs et “Mous­ta­fa”, le secré­taire natio­nal du Congrès du Peuple Libyen qui a étu­dié à l’université George Washing­ton de Washing­ton et écrit une thèse de doc­to­rat sur les assem­blées géné­rales des villes de Nou­velle Angle­terre a affir­mé que son pays avait cal­qué les Congrès du Peuple sur ce modèle. Mal­heu­reu­se­ment, “Mous­ta­fa” a aus­si été empri­son­né par le CNT selon des amis communs.

On ne sait pas qui vont être les can­di­dats du FLL s’il y a une élec­tion, mais on sug­gère qu’il pour­rait s’agir du Dr Abu Zeid Dor­da, qui se remet de sa “ten­ta­tive de sui­cide” (l’ancien ambas­sa­deur libyen à l’ONU a été jeté par la fenêtre du second étage le mois der­nier pen­dant son inter­ro­ga­toire par des agents de l’OTAN mais il a sur­vé­cu en pré­sence de témoins et il est donc soi­gné actuel­le­ment dans l’hôpital de la prison).

Contrai­re­ment à ce que racontent les médias, Saif al Islam ne va pas se rendre au Tri­bu­nal Pénal Inter­na­tio­nal et comme Musa Ibra­him, il se porte bien. Tous les deux sont for­te­ment encou­ra­gés à faire pro­fil bas pour le moment, à se repo­ser et essayer de se remettre de la mort de nom­breux membres de leur famille et amis tués par l’OTAN.

De nom­breux ana­lystes poli­tiques et juri­diques pensent que le Tri­bu­nal pénal Inter­na­tio­nal ne déclen­che­ra pas de pro­cé­dure en lien avec la Libye à cause de ses règles et de sa struc­ture alam­bi­quées et du fait qu’il n’est pas cer­tain de réus­sir à incri­mi­ner les “bons” sus­pects. Quoiqu’il en soit, au cas où il y aurait un pro­cès, des cher­cheurs se pré­parent à rem­plir la salle du Tri­bu­nal de docu­ments sur les crimes de l’OTAN pen­dant les neufs mois d’attaques, les 23000 sor­ties et les 10000 bom­bar­de­ments des 5 mil­lions d’habitants du pays.

Des obser­va­teurs du Tri­bu­nal Pénal Inter­na­tio­nal jugent encou­ra­geante la pro­messe faite cette semaine par le bureau du Pro­cu­reur de ce Tri­bu­nal et rap­por­tée par la BBC : “d’enquêter sur tous les crimes com­mis par les rebelles comme par les loya­listes de Kadha­fi, y com­pris ceux com­mis par l’OTAN et de pour­suivre leurs auteurs.”

Une vic­time de l’OTAN, qui a per­du le 20 juin 2011 quatre membres de sa famille, dont trois bébés, lorsque des bombes amé­ri­caines MK-83 de l’OTAN et deux mis­siles sont tom­bés sur sa demeure dans une ten­ta­tive (qui a échoué) d’assassiner son père, un ancien conseiller du Colo­nel Kadha­fi, m’a écrit hier de sa rési­dence secrète : “C’est une bonne nou­velle si c’est vrai”.

Main­te­nant que l’OTAN déplace son atten­tion et ses drones vers le Sahel, il est pos­sible que les neufs mois de déchaî­ne­ment contre ce pays et son peuple ne pro­duisent pas les effets escomptés.

Frank­lin LAMB

source : http://www.counterpunch.org/2011/11/04/libya%e2%80%99s-liber…

Tra­duc­tion : Domi­nique Muse­let pour Le Grand Soir