« Le Monde diplomatique » disparaît…

En 2013, Le Monde diplomatique a purement et simplement disparu de la liste des deux cents titres les plus aidés, rendue publique le 5 mai par le ministère de la culture et de la communication.

mondediplo.png

ven­dre­di 9 mai 2014

A l’évidence, il s’agissait d’une ano­ma­lie. Comme nous l’avions rap­por­té l’année der­nière, Le Monde diplo­ma­tique figu­rait à la 178e place des 200 titres de presse les plus aidés par les pou­voirs publics en 2012, très loin der­rière Le Monde (1er), Le Figa­ro (2e), mais aus­si Le Nou­vel Obser­va­teur (8e), L’Express (9e), Télé 7 jours (10e), Paris Match(12e), Valeurs Actuelles (66e), Télé­câble Satel­lite Heb­do (27e), Point de Vue (86e), Clo­ser (91e), Le Jour­nal de Mickey (93e), Gala (95e), Voi­ci (113e), Prions en église (121e), Auto Moto (124e), Mieux vivre votre argent (131e), Détente Jar­din (167e), Spi­rou (172e)

Entre les deux pre­miers titres, dotés de plus de 18 mil­lions d’euros cha­cun, et Le Monde diplo­ma­tique avec 188 339 euros, l’écart allait de 1 à 100. De 1 à 36 entre Le Monde diplo­ma­tique et Télé 7 jours. Dès lors que l’argent des contri­buables doit ser­vir, selon la volon­té du légis­la­teur, à aider les publi­ca­tions qui concourent au débat public, une telle dis­cor­dance entre les sommes ron­de­lettes offertes à un titre du groupe Lagar­dère lar­dé de publi­ci­té et des­ti­né à annon­cer les pro­grammes de télé­vi­sion, et celles, fluettes, dévo­lues à un jour­nal comme le nôtre, ne pou­vaient que résul­ter d’une erreur…

Il n’en est rien. En 2013, Le Monde diplo­ma­tique a pure­ment et sim­ple­ment dis­pa­ru de la liste des deux cents titres les plus aidés, ren­due publique le 5 mai par le minis­tère de la culture et de la communication.

L’an der­nier, Le Figa­ro a bat­tu Le Monde d’une courte tête pour deve­nir médaille d’or des publi­ca­tions aidées par l’Etat (un peu plus de 16 mil­lions d’euros cha­cun). Et Télé 7 jours… a gagné une place (9e en 2013, avec 6 947 000 euros, soit 27 000 euros de plus qu’en 2012).

assistes-d67ab.jpg

Quelques « unes » de jour­naux subventionnés

Il faut féli­ci­ter l’Etat pour sa scru­pu­leuse impar­tia­li­té : les publi­ca­tions les plus scan­da­li­sées par le mon­tant des dépenses publiques, celles qui matraquent le thème du « ras-le-bol fis­cal » et se montrent les plus enthou­siastes quand les retraites sont gelées, n’ont pas pour autant été négli­gées par la « mama éta­tique » — une for­mule de l’hebdomadaire Le Point — lorsqu’elles ont ten­du leurs sébiles en direc­tion des ministères.

Le Point, jus­te­ment, a conti­nué à tou­cher plus de 4,5 mil­lions d’euros, soit 22 cen­times d’aide du contri­buable pour chaque heb­do­ma­daire dif­fu­sé, bien que le titre appar­tienne à la famille Pinault, sixième for­tune de France (11 mil­liards d’euros). M. Serge Das­sault, cin­quième for­tune de France (12,8 mil­liards d’euros), séna­teur UMP et pro­prié­taire du Figa­ro, a reçu, lui, 16 cen­times de l’Etat pour chaque exem­plaire ven­du d’un jour­nal qui exalte les ver­tus de l’austérité bud­gé­taire. Et c’est sans doute parce que le quo­ti­dien Les Echos appar­tient à M. Ber­nard Arnault, pre­mière for­tune de France (24,3 mil­liards d’euros), que ce quo­ti­dien éco­no­mique qui, lui aus­si, peste sans relâche contre les dépenses publiques, n’a reçu en 2013 que 4 mil­lions d’euros du contribuable…

Lorsqu’une publi­ca­tion quitte un tableau, un pal­ma­rès, une autre s’y sub­sti­tue. Coïn­ci­dence sai­sis­sante (c’en est une) : presque à la place qu’occupait Le Monde diplo­ma­tique en 2012, et pour un mon­tant à peu près iden­tique, L’Opinion a sur­gi en 2013 (177e avec 184 000 euros d’aides de l’Etat).

L’Opinion est ce quo­ti­dien lan­cé par M. Nico­las Bey­tout, avec des concours finan­ciers dont la trans­pa­rence n’est pas abso­lue, mais au ser­vice d’une ligne rédac­tion­nelle qui, elle, ne laisse pla­ner aucun mys­tère puisque c’est celle du Medef. La dif­fu­sion payée du jour­nal de M. Bey­tout est confi­den­tielle (de mille à trois mille exem­plaires par jour en kiosques), mais sa seule sur­vie per­met à son créa­teur de navi­guer d’une antenne à l’autre et d’être très géné­reu­se­ment cité dans la plu­part des revues de presse. Ce qui, là encore, n’est pas don­né à tout le monde.

Le minis­tère de la culture et de la com­mu­ni­ca­tion, à qui il faut savoir gré de la publi­ca­tion, très péda­go­gique, du mon­tant annuel des aides publiques à la presse, pré­tend que celles-ci « concourent à la moder­ni­sa­tion et la dif­fu­sion par­tout dans le pays d’une presse plu­ra­liste et diverse. »

En nous ver­sant un don, que vous pour­rez par­tiel­le­ment déduire de vos impôts, vous dis­po­sez d’un moyen infi­ni­ment plus effi­cace de concou­rir à l’objectif que s’est assi­gné l’Etat — avec un humour qu’on ne lui soup­çon­nait pas…

Source de l’ar­ticle : LMD