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18 février 2019
Les mouvements sociaux face à la montée fasciste au 21e siècle19h MOC Bruxelles. Rue Pletinckx 19, 1000 Bruxelles
19 février 2019
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21 février 2019
CINE-DEBAT : "Bread and Roses" avec la Ligue des travailleuses domestiques18h30 // CSC Bruxelles - 19, rue Pletinckx - 1000 Bruxelles
21 février 2019
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PROJECTION - Reel Injun19h // à la Vieille Chéchette, Rue du Monténégro 2, 1060 (...)
26 février 2019
CONFERENCE - Saïd Bouamama – Les luttes décoloniales africaines aujourd’hui.19h / au Steki, 4&6 rue Defnet - 1060 Bruxelles
27 février 2019
ATELIER POUR ENFANT /autour d’une bibliographie décoloniale14h-16h / au STEKI, 4&6 rue Defnet- 1060 Bruxelles
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Accueil > FR > Articles > InfosLe procès du système esclavagiste de Léopold II aura bien lieu
Les remous suscités par la volonté de la ville de Bruxelles d’organiser une commémoration en hommage au roi Léopold IIle 17 décembre dernier, illustrent non seulement le malaise, mais aussi et surtout un déni persistant sur une page importante de l’histoire de la Belgique que les dirigeants n’osent pas regarder en face. Suite aux résistances des associations africaines et anticolonialistes à la tenue de cet hommage, les réactions ont été violentes, pour certaines d’entre elles, condescendantes, paternalistes, voire assumant clairement la suprématie de la prétendue « race » blanche sur la prétendue « race noire ». À celles-là notre silence décent est plus qu’une réponse. D’autres réactions avec lesquelles nous ne sommes pas en accord ont quant à elles été rationnelles. Nous prenons la peine de répondre à celles-là, plus honorables.
Un évident problème de sources marqué par une longue propagande d’État Notre volonté est celle de nous situer sur le terrain du débat rationnel si enfin, on accepte d’ouvrir le débat, à commencer par l’État à qui le Centre interfédéral pour l’Égalité des chances recommandait en 2011 déjà de mettre son histoire coloniale au clair [1]. Le premier problème qui se pose dans ce débat est celui des sources. Nos détracteurs depuis des années ne citent que les mêmes historiens – Jean Stengers, Vincent Dujardin, Pierre-Luc Plasman, etc. – dont ils ont érigé les travaux en parole révélée. Que pensent-ils des travaux des historiens africains ? Des travaux de ressentiment et de vengeance. Les sources anglaises et américaines ? Des instruments de la propagande anglo-saxonne. De qui se moque-t-on ? La propagande historique sur la période coloniale a été une spécialité belge de près d’un siècle conçue par Léopold II dont les effets se ressentent encore aujourd’hui. L’exposition scientifique « Notre Congo/Onze Kongo, la propagande coloniale belge dévoilée » [2] organisée l’année dernière par l’ONG CEC l’a assez démontré. Pourquoi les sources anglo-saxonnes seraient-elles moins crédibles que certaines sources belges marquées par cette puissante propagande ? Y aurait-il en la matière des historiens belges compétents et des historiens dans le reste du monde incompétents et propagandistes ? Notre position est qu’on ne peut balayer aucune source d’un revers de la main. Il faut les étudier avec un œil critique, car la critique des sources permet au lecteur d’avoir également un œil averti sur ce qu’il lit avant de se forger des convictions.
Le mythe de Léopold II anti-esclavagiste Attribuer à Léopold II le brevet de « libérateur des peuples congolais de l’esclavage » [3] est un non-sens historique. Le but premier de Léopold II, était l’exploitation économique sans scrupules comme tous les dirigeants impérialistes réunis à la conférence de Berlin de 1885 pour partager l’Afrique comme un gâteau. L’historien congolais Élikia M’bokolo rappelle que tous ces dirigeants « avaient à l’esprit non pas la prétendue mission civilisatrice à laquelle concourait une Europe devenue brusquement unanime, mais les intérêts bien entendus du commerce et de l’économie de chacun de ces États » [4]. Léopold II était entièrement dans cet état d’esprit mercantiliste. Jean Stengers lui-même n’écrira-t-il pas citant Stanley que « le roi est d’une voracité incroyable » ? En effet, Léopold II, n’a véritablement fait la guerre que pour remplacer un système esclavagiste par un autre, le sien. Un anti-esclavagiste ne peut soumettre ceux qu’il aurait libérés à des travaux forcés jusqu’au sang. Pour étayer cette thèse faisons appel grâce à un autre historien congolais, Jean-Marie Mutamba Makombo, à la ligue suisse de défense des indigènes engagée sur le terrain. Voici ce que note un des animateurs de la ligue pour décrire au mieux son observation cite Sydney Olivier dans son livre Capital blanc et travail noir (1907) : « ce système est tout ce qu’il y a de plus simple. C’est pour ainsi dire l’ancien esclavage à rebours » [5].
"Le travail en Afrique, l’or à Bruxelles. Voilà la devise de l’Etat indépendant du Congo" (Albert 1er)
Le « système » qui a fait des millions de morts a une responsabilité au sommet Certains de nos responsables politiques et de nos intellectuels nourris à l’idéologie et à la propagande léopoldiennes font systématiquement barrage à la mise en cause personnelle de Léopold II en invoquant un « système » qui l’aurait dépassé. Il y avait certes un système d’exploitation féroce basé sur une organisation cohérente et une administration gestionnaire du territoire. Mais ce système et cette administration ont été pensés, créés et incarnés par une personne : Léopold II qui en fut aussi le principal bénéficiaire. Il est tout à fait naturel qu’il soit décrié en tant que chef de ce système criminel. Par ailleurs, concernant les chiffres, il est encore une fois étonnant que ce soit uniquement en Belgique qu’on ne parle que de centaines ou de milliers de personnes massacrées. Il est à rappeler que l’une des estimations qui fait le plus autorité dans le monde est celui d’un Belge, Jan Vansina, professeur émérite à l’université du Wisconsin qui valide le chiffre de 10 millions avancé par Adam Hochschild dans son livre Les fantômes du roi Léopold – Un holocauste oublié [8]. Jules Marchal, ancien administrateur territorial au Congo belge, et qui a publié sept ouvrages relatifs à l’histoire de l’État Indépendant du Congo confirme qu’il n’y a aucune exagération dans les chiffres avancés par Adam Hochschild et Edmund Morel qui fut l’un de ceux qui ont le plus enquêté sur les crimes de l’État indépendant du Congo [9].
La falsification et l’ignorance historique au service du refus du devoir de mémoire Certains arguments avancés par nos détracteurs suffisent à montrer leur ignorance historique ou leur volonté de falsifier l’histoire. En effet, il suffirait de recevoir des cours d’histoire objectifs pour ne pas comparer les contextes belge et congolais de l’époque. Les conditions de vie et de travail des ouvriers belges étaient certes ignobles et indignes, mais ils étaient rémunérés et n’étaient plus soumis à l’esclavage. Les Congolais étaient quant à eux soumis à un servage criminel dans lequel ils n’avaient droit à aucune rémunération, mais plutôt à des châtiments inouïs. Reconnaître ses torts et s’excuser à travers des gestes politiques et un devoir de mémoire n’affaiblit pas un État, une civilisation. Il contribue plutôt à renforcer la force des principes et des valeurs transmis aux générations futures pour un monde meilleur. Nombre de dirigeants des pays européens coupables de crimes contre l’humanité ou de génocides l’ont montré et le montrent encore : Justin Trudeau avec les peuples autochtones du Canada, Kevin Rudd avec les Aborigènes en Australie, le gouvernement et le parlement allemands avec les Herreros en Namibie, le gouvernement britanniques avec les Mau Mau au Kenya, etc. Si l’État belge se refuse à faire ce travail, il se fera naturellement, et ce sont les jeunes générations qui organiseront le procès au sens propre comme au sens figuré de Léopold II et de son système criminel. Dans ce cadre, l’État belge se construit déjà l’image de soutien des crimes perpétrés et de protecteur de leurs auteurs. Des initiatives existent déjà pour organiser dans ce sens un procès symbolique. Et ce n’est qu’un début… « Une civilisation qui ruse avec ses principes, est une civilisation moribonde » [10], Aimé Césaire. Kalvin SOIRESSE NJALL, Coordinateur du Collectif Mémoire Coloniale et Lutte contre les Discriminations (CMCLD) – www.memoirecoloniale.be Notes : [1] Centre interfédéral pour l’Égalité des Chances et la Lutte contre le Racisme, « Discrimination des personnes d’origine subsaharienne : Le recyclage des stéréotypes », Dossier de presse du 21 mars 2011. [2] Exposition scientifique de l’ONG CEC (Coopération par l’Éducation et la Culture), « Notre Congo/Onze Kongo ». La propagande coloniale belge dévoilée, Musée Belvue, 04 octobre 2014 – 30 novembre 2014. – Voir aussi les interviews de Julien Truddaïu (CEC) et Elikia Mbokolo par Hugues Dorzée « Les dessous de la propagande coloniale » [3] Aymeric de Lamotte, « Non, Léopold II n’est pas un génocidaire ! » [4] Elikia M’Bokolo, « Afrique centrale : le temps des massacres » in Le livre noir du colonialisme, XVIe-XXe siècle : de l’extermination à la repentance, sous la direction de Marc Ferro, Robert Laffont, Paris, 2003 [5] Jean-Marie Mutamba Makombo, L’Histoire du Congo par les textes, Tome I, Éditions Universitaires Africaines, Kinshasa, 2006 [6] Elikia M’Bokolo, « le travail forcé, c’est de l’esclavage », Entretien de Séverine Nikel avec Elikia M’bokolo [7] Anicet Mobe, « Le roi des Belges, roi souverain du Congo ? » [8] Adam Hoschchild, Les fantômes du roi Léopold – Un holocauste oublié, Belfond, Paris, 1998 [9] Interview de Jules Marchal, « La poursuite du travail forcé après Léopold II », http://www.larevuetoudi.org/ [10] Aimé Césaire, Discours sur le Colonialisme (1950), 2e édition Présence africaine, Paris, 1955 Mis en ligne le 8 janvier 2016 |