Les vraies raisons pour lesquelles Trump quitte l’UNESCO

Les États-Unis ont un arrié­ré de 550 mil­lions de dol­lars et sont sans droit de vote à l’UNESCO. Leur départ n’était guère plus qu’une formalité.

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À pre­mière vue, la déci­sion prise la semaine der­nière par l’administration Trump, immé­dia­te­ment sui­vie par Israël, de démis­sion­ner de l’agence cultu­relle des Nations Unies semble étrange. Pour­quoi péna­li­ser un orga­nisme qui pro­meut l’eau potable, l’alphabétisation, la pré­ser­va­tion du patri­moine et les droits des femmes ?

L’affirmation de Washing­ton selon laquelle l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) aurait une atti­tude biai­sée contre Israël occulte les véri­tables crimes que l’agence a com­mis aux yeux des États-Unis.

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L’autodétermination des Palestiniens

La pre­mière est qu’en 2011, l’UNESCO était deve­nue la pre­mière agence des Nations Unies à accep­ter la Pales­tine en tant que membre. Cela a pla­cé les Pales­ti­niens sur la voie de l’amélioration de leur sta­tut à l’Assemblée géné­rale un an plus tard.

Il convient de rap­pe­ler qu’en 1993, alors qu’Israël et les Pales­ti­niens avaient signé les accords d’Oslo sur la pelouse de la Mai­son Blanche, les obser­va­teurs du monde entier sup­po­saient que l’objectif était de créer un Etat palestinien.

Mais il semble que la plu­part des poli­ti­ciens amé­ri­cains n’aient jamais reçu ce docu­ment. Sous la pres­sion des puis­sants lob­bies israé­liens, le Congrès des États-Unis a rapi­de­ment adop­té des lois pour pré­ve­nir un pro­ces­sus de paix. Ces lois obligent les États-Unis à annu­ler le finan­ce­ment de tout orga­nisme de l’ONU qui accepte les Palestiniens.

Six ans plus tard, les États-Unis ont un arrié­ré de 550 mil­lions de dol­lars et sont sans droit de vote à l’UNESCO. Leur départ n’était guère plus qu’une formalité.

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La pré­ser­va­tion du patri­moine palestinien

Le deuxième crime de l’agence concerne son rôle de sélec­tion des sites du patri­moine mon­dial. Ce pou­voir s’est avé­ré plus qu’irritant pour Israël et pour les États-Unis.

Les ter­ri­toires occu­pés, sup­po­sés être le lieu d’un futur Etat pales­ti­nien, regorgent de tels sites. Les reliques hel­lé­nis­tiques, romaines, juives, chré­tiennes et musul­manes pro­mettent non seule­ment des reve­nus éco­no­miques grâce au tou­risme, mais aus­si la pos­si­bi­li­té de contrô­ler le récit historique.

Les archéo­logues israé­liens, en fait la branche scien­ti­fique de l’occupation, sont prin­ci­pa­le­ment inté­res­sés par la mise au jour, la pré­ser­va­tion et la mise en valeur des couches juives du pas­sé de la Terre Sainte. La mise en évi­dence de ces liens a ensuite été uti­li­sée pour jus­ti­fier l’expulsion des Pales­ti­niens et la construc­tion de colo­nies juives.

L’UNESCO, par contre, valo­rise tout le patri­moine de la région et vise à pro­té­ger les droits des Pales­ti­niens vivants, et pas seule­ment les ruines de civi­li­sa­tions mortes depuis longtemps.

Nulle part, la dif­fé­rence d’agendas n’a été plus fla­grante qu’à Hébron occu­pé, où des dizaines de mil­liers de Pales­ti­niens vivent sous la botte de quelques cen­taines de colons juifs et des sol­dats qui veillent sur eux. En juillet, l’UNESCO a exas­pé­ré Israël et les États-Unis en ins­cri­vant Hébron comme l’un des rares sites du patri­moine mon­dial « en dan­ger ». Israël a qua­li­fié la réso­lu­tion « d’histoire fausse ».

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Com­battre le « mémoricide »

Le troi­sième crime est la prio­ri­té que l’UNESCO accorde aux Pales­ti­niens les noms des sites du patri­moine sous occupation.

Beau­coup de choses dépendent de la façon dont les sites sont iden­ti­fiés, et Israël en est conscient. Les noms influencent la mémoire col­lec­tive, don­nant sens et signi­fi­ca­tion aux lieux.

L’historien israé­lien Ilan Pappe a inven­té le terme de « mémo­ri­cide » pour dési­gner l’éradication par Israël de la plu­part des traces du pas­sé des Pales­ti­niens après les avoir dépos­sé­dés des quatre cin­quièmes de leur patrie en 1948 – ce que les Pales­ti­niens appellent leur Nak­ba ou Catastrophe.

Israël a fait plus que raser 500 villes et vil­lages pales­ti­niens. À leur place, il a plan­té de nou­velles com­mu­nau­tés juives avec des noms hébraï­sés des­ti­nés à usur­per les anciens noms arabes. Saf­fu­riya est deve­nu Tzi­po­ri ; Hit­tin a été sup­plan­té par Hit­tim ; Muy­ja­dil a été trans­for­mé en Migdal.

Un pro­ces­sus simi­laire de ce qu’Israël appelle la « judaï­sa­tion » est en cours dans les ter­ri­toires occu­pés. Les colons de Bei­tar Ilit menacent les Pales­ti­niens de Bat­tir. Non loin de là, les Pales­ti­niens de Sus­siya ont été délo­gés par une colo­nie juive du même nom.

Les enjeux sont encore plus éle­vés à Jéru­sa­lem. La vaste place du Mur occi­den­tal située sous la mos­quée Al Aqsa a été créée en 1967 après l’expulsion de plus de 1000 Pales­ti­niens et la démo­li­tion de leur quar­tier. Des mil­lions de visi­teurs passent chaque année sur la place, et n’ont pas conscience de cet acte de puri­fi­ca­tion ethnique.

Les colons, aidés par l’Etat israé­lien, conti­nuent à encer­cler les sites chré­tiens et musul­mans dans l’espoir de s’en emparer.

C’est dans ce contexte que les récents rap­ports de l’UNESCO sou­lignent les menaces qui pèsent sur la Vieille Ville de Jéru­sa­lem, notam­ment le déni d’Israël du droit de culte à Al-Aqsa pour la plu­part des Palestiniens.

Israël a fait pres­sion pour que Jéru­sa­lem soit reti­rée de la liste des sites du patri­moine en voie de dis­pa­ri­tion. Avec les États-Unis, il a réagi avec indi­gna­tion, repro­chant à l’UNESCO de ne pas don­ner la prio­ri­té aux noms hébreux uti­li­sés par les auto­ri­tés d’occupation.

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Défendre le droit international

La res­pon­sa­bi­li­té de l’UNESCO, cepen­dant, n’est pas de sau­ve­gar­der l’occupation ni de sou­te­nir les efforts d’Israël en matière de judaï­sa­tion. Il est là pour faire res­pec­ter le droit inter­na­tio­nal et empê­cher Israël de faire dis­pa­raitre les Palestiniens.

La déci­sion de Trump de quit­ter l’UNESCO est loin d’être la sienne. Ses pré­dé­ces­seurs se dis­putent avec l’agence depuis les années 1970, sou­vent à cause de son refus de céder à la pres­sion israélienne.

Aujourd’hui, Washing­ton a une rai­son sup­plé­men­taire pres­sante de punir l’UNESCO pour avoir per­mis à la Pales­tine de deve­nir membre. Il doit faire un exemple avec l’organisme cultu­rel pour dis­sua­der d’autres orga­nismes de suivre.

L’indignation affec­tée de Trump contre l’UNESCO et le fait d’ignorer ses pro­grammes mon­diaux vitaux rap­pellent que les États-Unis ne sont pas un « inter­mé­diaire hon­nête » pour la paix au Moyen-Orient. C’est plu­tôt le plus grand obs­tacle à sa réalisation.

Jona­than Cook

Article ori­gi­nal en anglais : The Real Rea­sons Trump Is Quit­ting Unes­co, 16 octobre 2016

Tra­duc­tion : Avic – Réseau International

Source : Mon­dia­li­sa­tion

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