Pour des Etats Généraux de la chanson et des musiques actuelles de Wallonie et de Bruxelles

Appel aux Etats Généraux de la chanson et des musiques actuelles de Wallonie et de Bruxelles

Cher(e)s ami(e)s,

La créa­tion du FACIR (Fédé­ra­tion des Auteurs Com­po­si­teurs Inter­prètes Réunis) est un pre­mier pas impor­tant pour les musi­ciens de Bruxelles et de Wal­lo­nie. Nous avons créé une struc­ture qui nous per­met­tra, à long terme, de pour­suivre notre réflexion, d’avancer des reven­di­ca­tions et d’organiser la mobi­li­sa­tion du sec­teur. Il nous faut à pré­sent « battre le fer tant qu’il est chaud » en élar­gis­sant notre repré­sen­ta­ti­vi­té et en ren­for­çant notre visi­bi­li­té. C’est pour­quoi, nous vous pro­po­sons d’organiser, à l’occasion de la « Fête de la Musique 2013 », des « Etats Géné­raux de la chan­son et des musiques actuelles de Wal­lo­nie et de Bruxelles ». Nous avons trou­vé une salle qui pour­rait nous accueillir ce jour-là. Il s’agit de « La Tri­co­te­rie / Fabrique de liens », un nou­veau lieu « socio cultu­rel » bruxel­lois qui dis­pose d’un bar « bio » de 120 places assises et d’une grande salle de 300 places. Nous pen­sons pou­voir mobi­li­ser plus de 200 per­sonnes autour de cet objec­tif. La date pres­sen­tie est actuel­le­ment le jeu­di 20 juin, juste avant les Fêtes de la Musique. Dans nos métiers, nous sommes très doués pour dire « je ». L’objectif serait, pour la pre­mière fois, d’être col­lec­ti­ve­ment capables de dire « nous ».

Claude Semal et Michel Debrulle

Qui mobi­li­ser ?

La musique est tra­di­tion­nel­le­ment divi­sée en « tri­bus » (jazz, rock, trad, rap, chan­son, etc…). Dans cha­cune de ces familles, il nous fau­drait pou­voir contac­ter une ving­taine de per­sonnes repré­sen­ta­tives, de tous les niveaux de noto­rié­té, de tous les âges et de toutes les régions.
De même, il fau­dra contac­ter, sec­teur par sec­teur, toutes les pro­fes­sions qui inter­viennent dans le domaine musi­cal ou dans l’exercice nos métiers : tech­ni­ciens son et lumière, salle de spec­tacles, jour­na­listes cultu­rels, médias audio-visuels, admi­nis­tra­tions cultu­relles, fes­ti­vals, asso­cia­tions, firmes de disques, syn­di­cats, socié­tés de droits d’auteur.

Pour­quoi des Etats Géné­raux aujourd’hui ?

La culture et la musique tra­versent une crise glo­bale qui, chez nous, est à la fois sociale, éco­no­mique, tech­no­lo­gique, bud­gé­taire, poli­tique et idéologique.
Il est urgent d’y réagir collectivement.

1. L’industrie musi­cale pour­suit son pro­ces­sus de concen­tra­tion. Trois grosses firmes de disques contrôlent aujourd’hui 80% de la pro­duc­tion mon­diale et « for­matent » la consom­ma­tion cultu­relle de masse. Quelle place, dans ce contexte, pour les pro­duc­tions indé­pen­dantes, les musiques « non com­mer­ciales » et les mar­chés nationaux ?

2. La Bel­gique fran­co­phone vit depuis long­temps à l’ombre de Paris. Notre mar­ché est ain­si dou­ble­ment colo­ni­sé par les indus­tries fran­çaises et anglo-saxonnes, et nous impor­tons déjà plus de 95% de nos chan­sons et de nos musiques. Com­ment, dans ces condi­tions, déve­lop­per un sec­teur musi­cal autoch­tone et faire vivre nos professions ?

3. La majo­ri­té des médias audio-visuels belges fran­co­phones, pri­vés comme publics, sont lar­ge­ment inféo­dés à cette situa­tion. Des pans entiers de la créa­tion musi­cale et de notre patri­moine sont ain­si com­plè­te­ment éva­cués des antennes. Com­ment, au contraire, rendre compte de la diver­si­té et de la richesse de notre vie musicale ?

4. Le mar­ché « tra­di­tion­nel » du disque s’effondre, alors que, sur le Net, la musique cir­cule de plus en plus sou­vent gra­tui­te­ment. Entre liber­té d’expression et finan­ce­ment des métiers de la musique, com­ment vivre cette révo­lu­tion technologique ?

5. Les poli­tiques d’austérité impo­sées par l’Union Euro­péenne péna­lisent dou­ble­ment la culture et la musique : direc­te­ment, par la contrac­tion des bud­gets cultu­rels et sociaux (baisses des sub­sides), et indi­rec­te­ment, par la baisse géné­rale du pou­voir d’achat (moins d’argent pour les « loisirs »).

6. Le sta­tut « d’intermittent du spec­tacle », conquis de haute lutte par nos aînés, est aujourd’hui sys­té­ma­ti­que­ment remis en cause et se trans­forme sou­vent en véri­table « chasse aux chô­meurs ». Com­ment défendre un sta­tut social adap­té à l’exercice de nos professions ?

7. Cette crise éco­no­mique et sociale se double en outre chez nous d’une pro­fonde crise poli­tique et ins­ti­tu­tion­nelle. C’est l’existence même de la Bel­gique qui, comme état fédé­ral, est aujourd’hui remise en cause par l’autonomisation crois­sante de la Flandre. Or, si Bruxelles et la Wal­lo­nie devaient demain se réin­ven­ter un ave­nir com­mun, les artistes auraient un rôle cen­tral à jouer dans la construc­tion d’un ima­gi­naire col­lec­tif. On ne rebâ­tit pas une nation sur un vide culturel.

8. Nul repli « natio­na­liste » dans ces constats. La musique est, par essence, inter­na­tio­nale et métis­sée. Nous vou­lons sim­ple­ment « vivre, créer et tra­vailler au pays ». Ce qui ne nous empêche pas, comme tous les artistes, de pré­tendre aus­si par­ler au monde entier. C’est en étant nous-mêmes que nous serons les meilleurs de nos ambassadeurs.

9. Si ces contraintes éco­no­miques et poli­tiques nous sont lar­ge­ment exté­rieures, le com­bat se passe donc aus­si dans nos propres têtes. Pour com­battre ensemble une ser­vi­tude, encore faut-il d’abord en prendre soi-même conscience. C’est pour­quoi, nous appe­lons à une révo­lu­tion dans les esprits. Si nous arri­vons à par­ta­ger ces constats, alors, nous arri­ve­rons aus­si à y appor­ter des solu­tions. Seuls, nous ne sommes rien. Ensemble, nous pou­vons tout. C’est le sens de ces Etats Généraux.

NB1 : une réunion pré­pa­ra­toire est pré­vue ce mar­di 23 à la Tricoterie.