Royaume-uni. Comment ils ont tué la poste

Alors que la poste bri­tan­nique se pré­pare à la pri­va­ti­sa­tion, l’écrivain James Meek s’est ren­du aux Pays-Bas, pion­niers en la matière. Ce qu’il y a décou­vert est terrifiant

-409.jpg“Oh, je crois que je repas­se­rai.” Des­sin de Robert Thomp­son, Royaume-Uni.

Royaume-uni. Com­ment ils ont tué la poste

Alors que la poste bri­tan­nique se pré­pare à la pri­va­ti­sa­tion, l’écrivain James Meek s’est ren­du aux Pays-Bas, pion­niers en la matière. Ce qu’il y a décou­vert est ter­ri­fiant : un ser­vice déplo­rable et des tra­vailleurs exploités.

Nos ser­vices

Quelque part aux Pays-Bas, une fac­trice file un mau­vais coton. Du fait de sa san­té fra­gile, de la neige et d’une cer­taine confu­sion dans sa vie per­son­nelle, elle a des mois de retard dans ses tour­nées. Tant de caisses de cour­rier se sont accu­mu­lées dans le cou­loir de son appar­te­ment, un ancien loge­ment social pri­va­ti­sé dont elle est loca­taire, qu’il devient dif­fi­cile de s’y dépla­cer. Deux fois par semaine, l’une des socié­tés pos­tales pour les­quelles elle tra­vaille, Selekt­mail, dépose chez elle trois ou quatre caisses de lettres, de maga­zines et de cata­logues. Elle trie et dis­tri­bue leur conte­nu, mais le retard accu­mu­lé l’hiver der­nier est dif­fi­cile à rat­tra­per. Elle pense que ses employeurs com­mencent à se dou­ter de quelque chose.

Quand je lui ai ren­du visite récem­ment, j’ai comp­té 62 caisses pleines de cour­rier. Un étroit pas­sage per­met de se glis­ser entre le mur de caisses et les piles d’affaires per­son­nelles : des car­tons de bananes, un rideau de perles inuti­li­sé, un seau esso­reur. L’une des caisses est venue s’échouer dans le bureau, où l’ordinateur émerge d’un tas de docu­ments, de vieux jour­naux et maga­zines. Si ces deux flots de papiers venaient à se mélan­ger, ils ne seraient pas faciles à démêler.

La fac­trice n’a pas décla­ré for­fait. Elle a eu le même pro­blème il y a quelques années avec Sandd, l’autre socié­té pos­tale pour laquelle elle tra­vaille. “Quand j’ai débu­té chez Sandd, en 2006, je dis­tri­buais envi­ron 14 caisses de cour­rier chaque fois, raconte-t-elle. Je n’arrivais pas à suivre, et le jour de l’an sui­vant, il y en avait 97 dans la mai­son.” Cette fac­trice est payée une misère pour dis­tri­buer du cour­rier d’entreprise. Elle ne fait pas son tra­vail cor­rec­te­ment, mais si peu de gens se sont plaints qu’elle n’a pas été inquiétée.

Par­tout dans le monde, les ser­vices pos­taux évo­luent dans ce sens : on les ­opti­mise pour qu’ils dis­tri­buent le maxi­mum de cour­rier indé­si­rable à un coût mini­mal pour les entre­prises. A l’ère d’Internet, les par­ti­cu­liers envoient moins de lettres qu’autrefois, mais cela ne suf­fit pas à expli­quer le déclin de la poste. La baisse du coût des envois en nombre des­ti­nés à une poi­gnée de grosses socié­tés entraîne le rem­pla­ce­ment de pré­po­sés décem­ment payés par des tra­vailleurs pré­caires et la dégra­da­tion des tour­nées quotidiennes.

J’ai accep­té de ne pas iden­ti­fier la fac­trice néer­lan­daise. Même si elle n’était pas assise sur des mois de cour­rier en retard, Sandd et Selekt pour­raient la virer du jour au len­de­main. Elle éva­lue son temps de tra­vail à une tren­taine d’heures par semaine pour les deux socié­tés, et gagne envi­ron 5 euros de l’heure, alors que le salaire mini­mum aux Pays-Bas varie entre 8 et 9 euros de l’heure. Elle n’a pas de contrat. Elle n’a pas droit au congé mala­die, ne cotise ni à la retraite ni à l’assurance-maladie. L’une des deux socié­tés lui accorde des congés payés au compte-gouttes. Selekt lui a four­ni une veste et un sweat-shirt mais pas de chaus­sures, et elle doit payer de sa poche l’entretien de son vélo. L’entreprise pro­fite des vides juri­diques exis­tant dans le droit du tra­vail pour lui impo­ser ces condi­tions exé­crables. Notre fac­trice est payée quelques cen­times pour chaque cour­rier dis­tri­bué. Les socié­tés pos­tales pri­vées font en sorte que le conte­nu du sac pos­tal des fac­teurs ne leur per­mette jamais de gagner plus de 580 euros par mois, seuil au-delà duquel elles seraient obli­gées de les employer en CDI.

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Une guerre fratricide

Les caisses de Selekt sont jaunes et frap­pées du logo à cor de chasse noir de [sa mai­son-mère] la Deutsche Post, ancien ­ser­vice pos­tal public alle­mand, pri­va­ti­sé depuis de longues années [en 1996], à l’instar de son concur­rent néer­lan­dais [1989]. Depuis des années, ces deux socié­tés se dis­putent âpre­ment le mar­ché néer­lan­dais, dans le cadre de la guerre pos­tale fra­tri­cide qui affecte toute l’Europe du Nord, une guerre à laquelle n’échappera pas Royal Mail [la poste bri­tan­nique] lorsqu’elle sera à son tour privatisée.

Une fois pri­va­ti­sées, les anciennes socié­tés pos­tales d’Etat ne deviennent pas néces­sai­re­ment des concur­rents faciles. Pri­va­ti­sa­tion et libé­ra­li­sa­tion ne sont pas syno­nymes. Mais, aux Pays-Bas, elles sont allées de pair et ont pro­fon­dé­ment trans­for­mé l’activité postale.

Chaque semaine, par­ti­cu­liers et entre­prises reçoivent la visite de fac­teurs de quatre socié­tés dif­fé­rentes. Il y a les fac­teurs “orange” de la poste néer­lan­daise pri­va­ti­sée, désor­mais bap­ti­sée Post NL [fin mai 2011, le hol­ding TNT NV a sépa­ré ses acti­vi­tés pos­tales de ses opé­ra­tions de trans­port express : TNT Post est deve­nue Post NL, et TNT Express a conser­vé son nom] ; les fac­teurs “bleus” de Sandd, socié­té néer­lan­daise pri­vée ; les fac­teurs “jaunes” de Selekt, filiale de Deutsche Post/DHL ; et enfin les fac­teurs “semi-orange” de Net­werk VSP, socié­té néer­lan­daise créée [en 2007] par TNT Post pour can­ni­ba­li­ser ses propres acti­vi­tés en employant une main‑d’œuvre pré­caire qui lui coûte moins cher que son propre per­son­nel (syn­di­qué). Post NL dis­tri­bue le cour­rier six jours par semaine, Sandd et Selekt deux jours par semaine, et VSP un jour par semaine.

Du point de vue d’un libé­ral ardent, cela peut pas­ser pour une saine concur­rence. Mais bizar­re­ment, aucun des rivaux ne pros­père. Les fonds spé­cu­la­tifs et autres action­naires trans­na­tio­naux qui pré­si­daient aux des­ti­nées de TNT l’ont obli­gé à se scin­der. Deutsche Post s’est reti­rée des Pays-Bas et a ven­du Selekt à Sandd [début 2011], une socié­té qui n’a jamais été bénéficiaire.
Fon­dée [en 2001] par d’anciens diri­geants de TNT Post, Sandd s’est fait une spé­cia­li­té de la dis­tri­bu­tion du cour­rier pri­vé. Sandd est l’abréviation de Sort and deli­ver [Tri et dis­tri­bu­tion]. En Grande-Bre­tagne (comme dans de nom­breux autres pays), les socié­tés pri­vées peuvent pro­cé­der à la col­lecte et au tri du cour­rier mais, dans les faits, le “der­nier kilo­mètre” d’une lettre reste le mono­pole de Royal Mail. Le sys­tème Sandd consiste à livrer les caisses de cour­rier direc­te­ment chez des tra­vailleurs occa­sion­nels qui effec­tuent le tri sur la pre­mière sur­face plane qu’ils trouvent, puis dis­tri­buent les plis aux jours pré­vus, à l’heure de leur choix. Ce sys­tème a l’avantage de réduire les frais de l’entreprise, tout en limi­tant le risque que les fac­teurs se ren­contrent pour dis­cu­ter de leurs pro­blèmes ou de l’adhésion à un syndicat.

J’ai obser­vé le tri du cour­rier par notre fac­trice dans sa cui­sine. Elle le répar­tis­sait en tas sur cha­cun des deux égout­toirs en acier de son évier, qu’elle avait soi­gneuse- ment séchés après la vais­selle du soir. Il y avait sur­tout des cata­logues Ikea, dont la cou­ver­ture mon­trait un ensemble de meubles en bois clair, gais, sous un éclai­rage raf­fi­né. L’idéal d’Ikea ne pré­voit aucun espace adap­té au tri du cour­rier. Tan­dis que le bruit mou des cata­logues empi­lés sur la paillasse se fai­sait mono­tone, mon œil a été atti­ré par une ran­gée de Schtroumpfs en équi­libre sur le tuyau de cuivre au-des­sus de l’évier. Ils étaient recou­verts d’une épaisse couche de pous­sière noire. La fac­trice sait bien que tout va de tra­vers. Dans un cour­riel angois­sé qu’elle m’a envoyé après ma visite, elle écrit : “Beau­coup de larmes coulent”.

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Petit bou­lot

Joris Lei­j­ten, un fac­teur qui a quit­té Sandd en jan­vier 2011, m’a expli­qué qu’il triait le cour­rier sur son lit. Dans un café de Bus­sum [en Hol­lande-Sep­ten­trio­nale], il me tend le flyer que Sandd a glis­sé sous sa porte après sa démis­sion, flyer où la socié­té vante son ancien bou­lot : une pho­to de quatre per­sonnes en uni­forme bleu Sandd, mar­chant à grands pas dans la rue, tout sou­rire, avec sous le bras de légères liasses de cour­rier. “Tra­vaillez à l’extérieur en gérant votre temps, pro­clame le pros­pec­tus. Idéal pour les étu­diants, les femmes au foyer et les retraités.”

Lei­j­ten m’a racon­té une jour­née de tra­vail : tri puis dis­tri­bu­tion de 323 plis d’un poids total de 81,4 kilos, en trois tour­nées, à 279 adresses. Sandd assure que cela prend six heures ; Lei­j­ten y consa­crait huit heures. Cela lui rap­por­tait 27 euros, soit un peu plus de 3 euros de l’heure. Sandd pré­sente ce tra­vail comme un bij­baan, un petit bou­lot pour quelqu’un qui veut prendre l’air et faire de l’exercice, un retrai­té, un étu­diant, une femme ayant un mari sala­rié. Mais à 32 ans, Lei­j­ten n’arrive pas à décro­cher un emploi dans un musée, emploi pour lequel il a été for­mé, et il n’est pas le seul à jon­gler entre plu­sieurs bij­ba­nen mal payés. Sandd lui don­nait-il quelque chose en plus de ses 8 cen­times par lettre ? Nor­ma­le­ment, explique-t-il, les fac­teurs doivent payer leur uni­forme. Mais la socié­té leur attri­bue de temps à autre des points qui peuvent être échan­gés contre une veste bleue Sandd.

Le mar­ché pos­tal a été libé­ra­li­sé au nom du consom­ma­teur, nom que l’on donne aux anciens citoyens d’Europe. La concur­rence, nous dit-on, béné­fi­cie­ra à tout le monde. Mais la concur­rence, comme l’observe Lei­j­ten, n’existe que pour les grands groupes. Les simples citoyens ne peuvent pas pos­ter leur cour­rier dans des boîtes aux lettres Sandd ou Selekt : il n’y en a pas. Ils doivent payer 46 cen­times pour envoyer une lettre via Post NL. En revanche, le gou­ver­ne­ment a négo­cié un accord avec Sandd, qui dis­tri­bue une par­tie de son cour­rier à 11 cen­times pièce. “Le sys­tème pos­tal est malade”, conclut Leijten.

A la veille de mon séjour aux Pays-Bas, David Simp­son, porte-parole de Royal Mail, m’a accom­pa­gné au centre de tri de Gat­wick, dans le Sus­sex. C’est l’une des plates-formes indus­trielles dont l’entreprise est le plus fière. Construite en 1999, elle aspire et recrache chaque lettre, paquet ou petit colis pos­té sur un ter­ri­toire de 1 500 kilo­mètres car­rés. On y trie deux mil­lions et demi de plis par jour.

Michael Fehil­ly, le direc­teur de Gat­wick, arpente les lieux en cos­tume gris rayé, che­mise rose à col ouvert et mocas­sins mar­ron. Il a gran­di dans une cité à Peck­ham [quar­tier du sud de Londres] et il est entré à la poste en tant qu’apprenti fac­teur en 1987, à l’âge de 17 ans. Il détes­tait par­tir très tôt au tra­vail et comp­tait démis­sion­ner au bout de quelques mois. Mais on l’a for­mé pour deve­nir cadre. Vingt ans plus tard, il est une star de la socié­té. Sous sa hou­lette, Gat­wick a adop­té la phi­lo­so­phie du consul­tant en mana­ge­ment japo­nais Hajime Yama­shi­na, phi­lo­so­phie que Royal Mail tente de dif­fu­ser dans l’ensemble de l’entreprise.

Lorsque Fehil­ly prêche la méthode Yama­shi­na, il a les yeux qui brillent. Tout com­mence par la sécu­ri­té. Par­tout, dans le centre de tri, on voit de mignons des­sins repré­sen­tant un ani­mal en man­teau blanc por­tant des lunettes : la Sécu­ri-Taupe. “Quand j’ai enta­mé ce pro­gramme, je pou­vais garan­tir un maxi­mum de 28 acci­dents par an – un coup, une bosse ou un bleu –, explique Fehil­ly. L’année der­nière, nous n’avons eu aucun accident.”

Fehil­ly a tra­vaillé avec le per­son­nel afin de trou­ver des solu­tions à des pro­blèmes qui n’étaient même pas per­çus comme tels. L’entreprise a éco­no­mi­sé 1 mil­lion de livres par an en louant un camion élec­trique, ce qui a per­mis de ne plus pous­ser les cha­riots de cour­rier d’un bout à l’autre du centre. Les sala­riés ont décou­vert que cer­tains tapis rou­lants élec­triques ralen­tis­saient ceux qui y tra­vaillaient, d’où l’idée de mettre au point un dis­po­si­tif plus simple fonc­tion­nant grâce à la gra­vi­té. Ils se sont éga­le­ment ren­du compte que, pen­dant plus d’un siècle, per­sonne n’avait remis en cause le nombre de cases des casiers uti­li­sés pour trier les lettres par régions. Pour­quoi y en avait-il 56 ? Il est appa­ru qu’on pou­vait évi­ter à chaque opé­ra­teur des années de fatigue et de dou­leur mus­cu­laire en rédui­sant le nombre de cases à 15 et en amé­na­geant aus­si des ouver­tures à l’arrière.

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Des gau­chistes hippies

Pour­tant, mal­gré tant d’ingéniosité et de coopé­ra­tion, mal­gré la fer­me­ture de bureaux de poste et de centres de tri, mal­gré la réduc­tion des effec­tifs de l’entreprise, pas­sés de 230 000 à 165 000 per­sonnes en neuf ans, mal­gré enfin une paix rela­tive avec les syn­di­cats, Royal Mail peine à rede­ve­nir ren­table. Il ne peut pas gagner davan­tage d’argent sans se moder­ni­ser plus rapi­de­ment et il ne peut pas se moder­ni­ser plus rapi­de­ment sans davan­tage d’argent. Il dis­pute à des concur­rents agres­sifs, au pre­mier rang des­quels le néer­lan­dais Post NL, un volume de cour­rier en baisse et, contrai­re­ment à ses rivaux, Royal Mail est obli­gé de dis­tri­buer le cour­rier dans chaque foyer et entre­prise du pays, 6 jours par semaine.

Je me deman­dais ce que Fehil­ly pen­sait du sys­tème Sandd. Je lui ai expli­qué que j’allais me rendre aux Pays-Bas pour voir à l’œuvre les fac­teurs pri­vés. Fehil­ly ne voyait pas pour­quoi cela ne fonc­tion­ne­rait pas en Grande-Bre­tagne. “Nous pou­vons pré­pa­rer le cour­rier, puis livrer un sac à une mère de famille qui vient de dépo­ser ses enfants à l’école. Elle peut alors pas­ser deux ou trois heures à assu­rer la dis­tri­bu­tion dans son quar­tier. Nous avons un per­son­nel plé­tho­rique. Nous connais­sons bien [le modèle néer­lan­dais] et nous aime­rions l’appliquer dans l’avenir.” J’ai sen­ti que Simp­son, le porte-parole de la com­pa­gnie, était très ner­veux. “Il fau­dra obte­nir l’accord des syn­di­cats”, a‑t-il obser­vé. “Oui, bien sûr, mais pour­quoi ne pas réflé­chir à ces modèles s’ils sont plus effi­caces ?” a insis­té Fehilly.

Com­ment les Pays-Bas sont-ils deve­nus un banc d’essai pour les ser­vices pos­taux pri­vés ? En Grande-Bre­tagne et aux Etats-Unis, les Néer­lan­dais ont une image de gau­chistes vague­ment hip­pies. Mais lorsqu’ils ont pri­va­ti­sé leurs propres postes royales, ils sont allés bien plus loin que Mar­ga­ret That­cher [Pre­mier ministre du Royaume-Uni de 1979 à 1990]. Aux Pays-Bas, Ruud Lub­bers, qui en tant que Pre­mier ministre entre 1982 et 1994 a mené l’offensive libé­rale, a refu­sé de m’accorder une inter­view. Nee­lie Kroes [du Par­ti popu­laire libé­ral et démo­crate, d’orientation libé­rale], che­ville ouvrière de la pri­va­ti­sa­tion de la Poste en 1989, a fait de même, s’abritant der­rière sa fonc­tion actuelle de Com­mis­saire euro­péenne [char­gée de la stra­té­gie numérique].

Je me suis donc mis en quête du der­nier homme de gauche à avoir diri­gé la poste des Pays-Bas : Michel van Hul­ten, res­pon­sable des ser­vices pos­taux jusqu’en 1977 dans le gou­ver­ne­ment Joop den Uyl. “A l’origine, l’Etat s’occupait de tout”, m’explique van Hul­ten dans la cui­sine de sa mai­son de Lelys­tad [à 50 kilo­mètres au nord d’Amsterdam]. “La poste était une entre­prise publique, entiè­re­ment finan­cée par le bud­get de l’Etat. Quand vous aviez besoin d’argent, per­sonne à La Haye ne vous deman­dait pour­quoi : on vous le don­nait.” Van Hul­ten avait en tête un mélange d’idées mar­xistes et chré­tiennes quand, en 1973, il est deve­nu ministre des Trans­ports, en charge des PTT, dans un gou­ver­ne­ment de coa­li­tion de gauche modérée.

Au sein d’un gou­ver­ne­ment divi­sé, il a obser­vé la pola­ri­sa­tion idéo­lo­gique gran­dis­sante de la vie poli­tique, sans pour autant réa­li­ser que les idées qui ins­pi­raient les intel­lec­tuels that­ché­riens et rea­ga­niens fai­saient aus­si leur che­min aux Pays-Bas. Quand il a pris les rênes de la poste, celle-ci per­dait de l’argent. Sa solu­tion : dou­bler le prix des timbres. Il s’étonne encore des attaques de Nee­lie Kroes, alors dans l’opposition, qui lui repro­chait de nuire aux entre­prises. Son idéa­lisme lui a aus­si valu l’hostilité du ministre des Finances de droite, Wim Dui­sen­berg, à pro­pos cette fois de la banque postale.

“C’était l’une des banques les plus riches des Pays-Bas, elle était à 100 % la pro­prié­té du peuple néer­lan­dais, se sou­vient van Hul­ten. J’estimais que nous devions uti­li­ser cet argent pour des pro­jets sociaux… C’est un com­bat que j’ai per­du. Dui­sen­berg était déjà favo­rable à la sépa­ra­tion de la banque pos­tale et des ser­vices pos­taux. A l’époque, je n’ai pas com­pris qu’il s’agissait d’un pre­mier pas vers la pri­va­ti­sa­tion.” Van Hul­ten a quit­té le gou­ver­ne­ment et le Par­le­ment après l’élection de 1977. Nel­lie Kroes, qui lui a suc­cé­dé, a pré­pa­ré la pri­va­ti­sa­tion de la poste en 1989. Sept ans plus tard, l’entreprise rache­tait la socié­té aus­tra­lienne de trans­port express de colis TNT, dont elle adop­tait le nom.

En 1989, quand la poste a été pri­va­ti­sée, on avait tout lieu de pen­ser que ­Lub­bers et Kroes avaient ren­du ser­vice à l’entreprise. Les Néer­lan­dais avaient beau croire aux ver­tus de la libre entre­prise, ils gar­daient le sens de l’intérêt natio­nal dès qu’il s’agissait de leur Poste royale. Tan­dis qu’en 1984 la Grande-Bre­tagne avait reven­du le plus beau fleu­ron de l’ancien Post Office, à savoir la branche télé­com­mu­ni­ca­tions, sous le nom de Bri­tish Tele­com, lais­sant les ser­vices pos­taux se débrouiller seuls, les Néer­lan­dais main­tinrent la poste et les télé­phones ensemble jusqu’en 1998, ce qui ren­dit la socié­té plus forte. Entre 1986 et 1996, période pen­dant laquelle les ser­vices pos­taux des deux pays gagnaient de l’argent, le gou­ver­ne­ment conser­va­teur bri­tan­nique emprun­ta la qua­si-tota­li­té des béné­fices de Royal Mail – 1,25 mil­liard de livres – pour com­bler le défi­cit bud­gé­taire, tan­dis que la poste néer­lan­daise uti­li­sait ses béné­fices pour se moder­ni­ser et rache­ter TNT. A la fin des années 1990, quand le cour­rier élec­tro­nique et Inter­net ont com­men­cé à tailler des crou­pières au cour­rier papier, et que les ser­vices pos­taux à l’ancienne ont vu pla­ner la menace d’une nou­velle direc­tive euro­péenne des­ti­née à les sou­mettre à la concur­rence, les Néer­lan­dais étaient en posi­tion de force. En 2000, TNT Post était deve­nu tel­le­ment puis­sant que le gou­ver­ne­ment Blair a mené des pour­par­lers secrets en vue de fusion­ner la poste bri­tan­nique avec son concur­rent néer­lan­dais, ou de la lui vendre.

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Désar­me­ment unilatéral

La négo­cia­tion n’a pas abou­ti. Mais le dis­po­si­tif mis en place par le New Labour en 2000 pour expo­ser Royal Mail à la concur­rence a eu un effet curieux. Alors que d’autres pays d’Europe, comme les Pays-Bas et l’Allemagne, pro­té­geaient leurs vieux ser­vices pos­taux en leur don­nant toute liber­té com­mer­ciale, bien avant qu’ils aient à affron­ter des concur­rents – pri­va­ti­sa­tion d’abord, pré­pa­ra­tion à la libé­ra­li­sa­tion ensuite –, la Grande-Bre­tagne a fait tout le contraire : libé­ra­li­sa­tion d’abord, pri­va­ti­sa­tion ensuite, peut-être. Autre­ment dit, les règles bri­tan­niques répar­tis­sant la dis­tri­bu­tion du cour­rier entre les dif­fé­rents acteurs – règles cen­sées pro­té­ger les petites entre­prises vives et auda­cieuses contre le dino­saure choyé et mono­po­liste qu’était Royal Mail – ont pro­fi­té avant tout aux mono­poles pri­vés, à peine moins choyés, d’Europe continentale.

J’ai deman­dé à Mar­tin Stan­ley, l’ancien fonc­tion­naire à qui les tra­vaillistes avaient don­né pour mis­sion d’exposer Royal Mail à la concur­rence entre 2000 et 2004, pour­quoi la Grande-Bre­tagne avait pris les devants en Europe. “C’était du désar­me­ment uni­la­té­ral, m’a‑t-il expli­qué. Si nous n’avions pas désar­mé les pre­miers, l’Europe occi­den­tale aurait mis bien plus de temps à le faire.” Il est dif­fi­cile de par­ler de concur­rence quand on per­met aux mono­poles d’autres pays de ravir des parts de mar­ché à un mono­pole bri­tan­nique, alors même que celui-ci ne peut pas faire la même chose aux Pays-Bas ou en Alle­magne, lui ai-je répon­du. “Ce qui compte vrai­ment, a rétor­qué Stan­ley, c’est que le cour­rier soit pos­té, col­lec­té, trié, trans­por­té et dis­tri­bué par des Bri­tan­niques : il en sera tou­jours ain­si. Peu importe à qui appar­tient la socié­té. Si nous n’étions pas inter­ve­nus pour réveiller Royal Mail, aujourd’hui ce serait un grand invalide.”

Mais jus­te­ment, Royal Mail est deve­nu un grand inva­lide, si l’on en croit Richard Hoo­per, dont les rap­ports suc­ces­sifs sur l’entreprise – le pre­mier ayant été publié en 2008 – ont four­ni au gou­ver­ne­ment tous les argu­ments néces­saires pour vendre la socié­té. En juin 2011, le Par­le­ment a approu­vé un pro­jet de loi ouvrant la voie à la pri­va­ti­sa­tion [qui sera mise en œuvre au plus tôt en 2013]. “Sans des mesures sérieuses, fai­sait valoir Hoo­per, Royal Mail ne sur­vi­vra pas sous sa forme actuelle et une réduc­tion du péri­mètre et de la qua­li­té du ser­vice uni­ver­sel pos­tal si appré­cié devien­dra inévitable.”

Alors même que, en 1981, le vieil empire des bureau­crates pos­taux com­men­çait à s’effondrer avec la pri­va­ti­sa­tion de Bri­tish Tele­com, une plus grande menace pla­nait sur le cour­rier tra­di­tion­nel. En 1982, aux Etats-Unis, une cen­taine de mil­liers de cadres étaient inter­con­nec­tés sur un nou­veau sys­tème à la mode, bap­ti­sé “cour­rier élec­tro­nique”. Le cabi­net de consul­tants en sys­tèmes bureau­tiques Urwick Nexos n’avait alors que mépris pour cette inno­va­tion futile. “Qui vou­drait rem­pla­cer un agen­da par un ter­mi­nal coû­tant plu­sieurs mil­liers de livres, et être obli­gé de sur­croît d’apprendre à se ser­vir d’un cla­vier ? rica­nait-il. Envi­ron 90 % des lettres sont dis­tri­buées dès le len­de­main, ce qui est lar­ge­ment suf­fi­sant dans la plu­part des cas. Si l’on veut envoyer un mes­sage urgent, on peut tou­jours aller en salle de télex avec une note manuscrite.”

En 1985, le mot “e‑mail”, a com­men­cé à rem­pla­cer l’expression “elec­tro­nic mail” [cour­rier élec­tro­nique], et l’opérateur de télé­com­mu­ni­ca­tions amé­ri­cain MCI a pro­po­sé un ser­vice trans­at­lan­tique à ses clients amé­ri­cains. Il ne fal­lait qu’une minute au cour­riel de l’envoyeur pour par­ve­nir au centre de récep­tion der­nier cri de MCI à Bruxelles, où il était alors amou­reu­se­ment impri­mé et remis en main propre à son des­ti­na­taire par un fac­teur belge.

Puis tout le monde a appris à uti­li­ser un cla­vier. Avant de com­men­cer à tra­vailler sur cet article, je me suis deman­dé si je n’allais pas pos­ter les demandes d’interview. Je n’ai pas long­temps hési­té. J’ai uti­li­sé le télé­phone, le cour­riel, les SMS, Skype, Viber [logi­ciel per­met­tant de télé­pho­ner gra­tui­te­ment depuis un smart­phone], le chat sur Gmail, et j’ai fait des recherches sur Google.

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Une for­te­resse décatie

Au tour­nant du mil­lé­naire, l’évolution du volume du cour­rier pos­tal s’est dis­so­ciée de celle de l’économie. L’économie était au beau fixe, mais le taux de crois­sance du cour­rier s’est inflé­chi : les cour­riels, les SMS, le chat et Inter­net en géné­ral menaient la vie dure au papier. L’augmentation du nombre d’articles com­man­dés sur Inter­net puis expé­diés par la poste n’a pas suf­fi à com­bler la dif­fé­rence. Depuis 2005, le mar­ché des lettres n’a pas ces­sé de décli­ner et, d’ici à 2015, selon les rap­ports Hoo­per, le volume de cour­rier devrait encore dimi­nuer de 25 à 40 %.

Les grandes usines ont déser­té le cœur de Londres. Mount Plea­sant, un bâti­ment gris cui­ras­sé, recro­que­villé dans un coin de rue à Cler­ken­well [quar­tier de Londres], est peut-être la der­nière. Plus de 1 700 per­sonnes tra­vaillent dans cette for­te­resse pos­tale décré­pite. Elles y res­pirent la vieille odeur ins­ti­tu­tion­nelle de ses cages d’escalier, y font cra­quer les par­quets usés sous leurs pas et glissent des papiers dans des casiers sombres, sur fond de radio hurlante.

En 1889, quand la poste avait repris les anciens locaux de la pri­son pour dettes, elle ne les avait pas démo­lis mais s’y était ins­tal­lée peu à peu, comme un pen­sion­naire désar­gen­té louant la moi­tié d’un lit. Le bâti­ment fut inon­dé après une attaque aérienne pen­dant la guerre, rava­gé par le feu après un autre raid, puis incen­dié de nou­veau en 1954. Dans les pro­fon­deurs de ses sous-sols, elle abrite la gare cen­trale désaf­fec­tée des anciens che­mins de fer ­sou­ter­rains de Royal Mail.

Cer­taines des machines de ce centre de tri ont 25 ans. Pour Royal Mail, Mount Plea­sant est le sym­bole de l’“avant la moder­ni­sa­tion” incar­née par Gat­wick. “Cela fait huit ans que je suis ici”, note Richard Attoe, le direc­teur qui me fait visi­ter les lieux avec David Simp­son, “et il n’y a jamais eu un coup de peinture.”

Tout cela devrait chan­ger. Mount Plea­sant est l’heureux élu : ce sera le der­nier centre de tri du centre de Londres après l’abandon en 2012 des sites de Nine Elms (sud de Londres) et de Brom­ley-by-Bow (est de la capi­tale). Royal Mail va inves­tir 32 mil­lions de livres [près de 38 mil­lions d’euros] pour trans­for­mer Mount Plea­sant. Déjà tout un étage a été amé­na­gé pour rece­voir de nou­velles machines. Hajime Yama­shi­na et la Sécu­ri-Taupe y seront aus­si à l’honneur. Pour­quoi Royal Mail n’investit-il pas dans Nine Elms et Brom­ley-by-Bow ? Parce que ces sites n’ont plus assez de tra­vail. En 2006, Londres a pos­té 861 mil­lions de plis. D’après les pré­vi­sions de Royal Mail, d’ici à 2014 ce chiffre sera rame­né à 335 mil­lions. Dans tout le pays, une ving­taine de centres de tri sont fer­més ou pro­mis à la fermeture.

Le soir de ma visite à Mount Plea­sant, le per­son­nel triait une masse de for­mu­laires de recen­se­ment et trai­tait 2 mil­lions de docu­ments de vote des­ti­nés à des élec­tions syn­di­cales. De nou­velles machines viennent d’arriver. Un énorme engin, dont on pour­rait croire qu’il est le fruit d’une col­la­bo­ra­tion entre Mar­cel Duchamp et Phi­lippe Starck, a pour seule fonc­tion de trier des enve­loppes A4. “Cette machine a rem­pla­cé envi­ron 120 fac­teurs, m’explique Attoe. C’est un super­ou­til. Quand on y intro­duit les for­mu­laires de recen­se­ment, il les res­sort aus­si sec.” L’œil rivé à une fenêtre de contrôle, Simp­son exa­mine les entrailles d’une machine où des mis­sives sont entraî­nées dans une danse hyp­no­tique. “Quand on voit ça, on a comme un aper­çu de la Grande-Bre­tagne en tant que nation, ajoute t‑il. Cela a quelque chose d’unificateur.”

Outre son gigan­tesque centre de tri, Mount Plea­sant abrite un bureau de dis­tri­bu­tion, celui de la City. Un matin, j’accompagne une pré­po­sée, Denise Gold­finch, dans sa tour­née. Cette femme menue, vêtue d’une blouse bleu ciel Royal Mail, s’est levée à 5 heures moins 10 pour ­com­men­cer son tra­vail à 6 h. Son fils est ­ste­ward à Bri­tish Air­ways et son mari chauf­feur. Quand je la retrouve, 9 heures viennent à peine de son­ner et elle trie le cour­rier, répar­tis­sant les plis en liasses, qu’elle attache avec des élas­tiques rouges, prêtes à être four­rées dans sa sacoche. Elle a trois sacs de cour­rier ; pen­dant qu’elle livre­ra le pre­mier, une camion­nette dépo­se­ra les autres dans des coffres-relais où elle les récu­pé­re­ra au fur à mesure.

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Une bonne tournée

L’une des choses qu’on com­prend quand on voit une fac­trice pré­pa­rer le cour­rier, c’est le temps que lui font perdre les gens par pure incom­pé­tence. Denise Gold­finch a plus d’une cen­taine de lettres à réex­pé­dier. Un cabi­net d’avocats du New Jer­sey en a envoyé une dizaine à une socié­té incon­nue à l’adresse indi­quée. Mme Gold­finch doit appo­ser un auto­col­lant sur ­cha­cune d’entre elles et cocher une case expli­quant pour­quoi elle ne peut pas être dis­tri­buée. Puis elle va peser sa sacoche : 9,7 kg. Le maxi­mum est cen­sé être 16 kg. “Ici, tout dépend de l’ancienneté, explique-t-elle. Comme j’ai vingt-cinq ans de mai­son [ce qui cor­res­pond à 16 kilos maxi­mum], c’est ce qu’on pour­rait appe­ler une bonne tour­née”, autre­ment dit légère. Elle estime qu’il lui fau­dra deux heures. Elle saute sa pause du matin et nous quit­tons Mount Plea­sant à 10 heures ; elle aura ter­mi­né à midi.

Je prends la sacoche de Mme Gold­finch et nous nous retrou­vons dans Far­ring­ton Road sous un soleil prin­ta­nier. On se croi­rait dans un film publi­ci­taire van­tant les joies du métier de pré­po­sée. Les bour­geons éclosent, l’air est doux et de vieilles dames saluent Mme Gold­finch en l’appelant par son nom, comme si elles avaient hâte de la voir, comme si elles se sen­taient seules et qu’elles ris­quaient de ne ren­con­trer per­sonne d’autre de la jour­née. Nous son­nons à la porte d’un appar­te­ment pour faire signer un papier, l’occupant tarde à ouvrir. Il est tout pâlot, mais semble content de voir la postière.

— Déso­lé de vous avoir fait attendre, je me remets de pro­blèmes intes­ti­naux. Et vous, ça va ?

— Ça va, mer­ci. — Allez, au plaisir.”

Peut-être cet homme vit-il seul ; un tiers des foyers bri­tan­niques ne comptent qu’une seule per­sonne. Tant que la poste existe, au moins un être humain vient frap­per à votre porte pour vous don­ner quelque chose. Le soleil ne brille pas tou­jours sur les pré­po­sées. Il arrive qu’il pleuve ou qu’il neige, que les chiens mordent (c’est arri­vé un jour à Mme Gold­finch). Il y a des étages à grim­per – des cen­taines, si vous habi­tez à Edim­bourg ou Glas­gow –, des col­lines, des che­mins boueux. La plu­part des tour­nées durent plus de deux heures. Des syn­di­ca­listes et de simples pré­po­sés assurent que Royal Mail fal­si­fie les chiffres et que le volume de cour­rier, loin de dimi­nuer, aug­mente ; que les logi­ciels ser­vant à opti­mi­ser les iti­né­raires ne tiennent pas compte de la réa­li­té ; que les fac­teurs, enfin, doivent por­ter des sacs de plus en plus lourds, et qu’ils subissent des pres­sions pour effec­tuer des tour­nées de plus en plus longues.

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Dégra­da­tion du travail

“Quand un pré­po­sé me dit : ‘Ne me par­lez pas de volumes de cour­rier en baisse, je n’en ai jamais dis­tri­bué’ autant, le plus sou­vent il est dans le vrai, m’explique Simp­son, le porte-parole de l’entreprise. Mais la tour­née est conçue pour durer trois heures et demie, la der­nière lettre étant remise à la fin de la tour­née, et non au bout d’une heure comme cela pou­vait être le cas il y a cinq ou dix ans. Je pense que la plu­part des fac­teurs tra­vaillent plus pour le même salaire… Autre­fois, ils tra­vaillaient 80 % de leur temps, main­te­nant ils sont pas­sés à 100 %.” Tra­vailler à 100 %, comme le savent ceux qui ont essayé, revient à tabler sur 90 % pour fina­le­ment se retrou­ver à 110 %. Plus la direc­tion de Royal Mail s’efforce d’adapter le conte­nu de la sacoche au temps et à la dis­tance impar­tis, plus cer­tains pré­po­sés vont se sen­tir obli­gés de pos­ter trop de cour­rier trop loin. Les temps sont par­ti­cu­liè­re­ment durs pour les fac­teurs bri­tan­niques. Mais de l’avis des concur­rents de Royal Mail, ils ne le sont pas encore assez.

Un fac­teur lamb­da de la ban­lieue de Londres gagne envi­ron 1 500 livres par mois [1 784 euros] avant impôt – pour qua­rante heures par semaine. “C’est beau­coup d’argent par les temps qui courent”, assure Guy Bus­well, PDG d’UK Mail, le seul gros concur­rent de Royal Mail en dehors de Deutsche Post et de Post NL. “Mes chauf­feurs qui livrent des paquets doivent se déme­ner pour gagner 1 200 livres [1 427 euros] avant impôt, et ils font des jour­nées plus longues que celles des pré­po­sés.” Denise Gold­finch non seule­ment est mieux payée que les fac­teurs pri­vés de Sandd et Selekt aux Pays-Bas, mais en outre elle béné­fi­cie de cinq semaines de congés payés. Son uni­forme et ses chaus­sures lui sont four­nis gra­tui­te­ment. L’hiver der­nier, pour ne pas s’étaler sur la glace, elle a reçu des cram­pons pour ses chaus­sures. Quand elle pren­dra sa retraite, elle tou­che­ra une ­pen­sion correcte.

Mais, sous l’effet de la concur­rence, c’est vers le modèle du fac­teur pri­vé que tend Royal Mail. Pour les pré­po­sés, le vrai com­bat n’est pas tant de pré­ser­ver les emplois condam­nés à dis­pa­raître que d’éviter la dégra­da­tion de ceux qui res­tent. “Il faut être réa­liste, fait valoir Bus­well. Fac­teur devrait être un tra­vail à temps par­tiel. Le coût du tri manuel est d’environ 2 pence par lettre ; à la machine, cela revient à 0,1 pen­ny. Le tri manuel n’en a plus pour long­temps. Bien­tôt, le pré­po­sé ne s’occupera plus que de la dis­tri­bu­tion. Il fera une tour­née de quatre ou cinq heures, et ce sera tout.”

J’ai pas­sé des coups de fil à Muck, une petite île au large de l’Ecosse. Muck ne reçoit de cour­rier que 4 fois par semaine, et je me deman­dais si ses habi­tants y trou­vaient à redire. “C’est tout à fait rai­son­nable”, m’assure Law­rence MacE­wen, dont la famille pos­sède l’île. “Je me conten­te­rais même de trois fois par semaine.”

La loi oblige Royal Mail à vider cha­cune des 115 000 boîtes à lettres de Grande-Bre­tagne et à ache­mi­ner n’importe quelle lettre à n’importe laquelle des 28 mil­lions d’adresses du pays, six jours par semaine, au même prix abor­dable. Cela vaut éga­le­ment pour les paquets, à ceci près que ces der­niers ne sont dis­tri­bués que 5 jours par semaine. C’est l’obligation de ser­vice uni­ver­sel (OSU) – “l’un des garants de la cohé­sion éco­no­mique et sociale”, comme l’a écrit Richard Hoo­per dans ses rapports.

Il y a tou­jours eu quelques excep­tions. Muck en est une. L’île compte 12 foyers et ils ne reçoivent de cour­rier que lorsque le fer­ry arrive de Mal­laig. “Evi­dem­ment, nous reve­nons très cher à Royal Mail”, recon­naît Law­rence MacE­wen. En hiver, le mau­vais temps peut immo­bi­li­ser les fer­ries pen­dant une semaine. Mais Muck est désor­mais équi­pée d’une para­bole pour l’Internet à haut débit. On peut même cap­ter le signal de télé­phone por­table dans cer­taines zones de l’île. “Aujourd’hui, on com­mu­nique tel­le­ment par cour­riel que la poste devient de moins en moins impor­tante, note MacE­wen. Je crains que ce ne soit un com­bat per­du d’avance pour Royal Mail.”

Si ce com­bat vise à conser­ver l’OSU – c’est ce qu’affirme Hoo­per –, il est déjà bien enga­gé. A l’autre bout des îles Bri­tan­niques, à Jer­sey, où Antho­ny Trol­lope fit ins­tal­ler les pre­mières pillar boxes [boîtes à lettres rouges] en 1852, les ser­vices pos­taux viennent d’annoncer qu’ils aban­don­naient les levées du same­di afin d’éponger leurs pertes. A l’échelle euro­péenne, l’OSU doit être assu­rée au mini­mum 5 jours par semaine, en ver­tu de la plus récente direc­tive de Bruxelles. Mais Post NL fait pres­sion sur Bruxelles pour obte­nir la réduc­tion de ce mini­mum. L’année der­nière, Pie­ter Kunz, res­pon­sable des ser­vices pos­taux euro­péens de Post NL, a décrit l’OSU comme “une sorte de Juras­sic Park dont il faut se débar­ras­ser”. Il est facile d’imaginer les reproches qu’adresseront dans cinq ans les médias bri­tan­niques de droite aux euro­crates pour avoir réduit le nombre de tour­nées heb­do­ma­daires. On voit d’ici les gros titres : Bruxelles sonne le glas du cour­rier quotidien.

Une fois pri­va­ti­sé, Royal Mail sui­vra avec un sou­la­ge­ment dis­si­mu­lé l’exemple néer­lan­dais. “Si Post NL obtient gain de cause, ces 5 jours seront rame­nés à 3, assure John Bald­win, chef des affaires inter­na­tio­nales du syn­di­cat CWU [Com­mu­ni­ca­tion Wor­kers Union]. Post NL est le cro­que­mi­taine du sec­teur pos­tal mais, fran­che­ment, Royal Mail ne va pas se plaindre si on le délivre de l’obligation des 5 jours.”

Dans son pre­mier rap­port, pré­sen­té en 2008 au Par­ti tra­vailliste, Richard Hoo­per recom­man­dait une pri­va­ti­sa­tion par­tielle de Royal Mail. En 2010, il a en a remis un second à la coa­li­tion lib-dem, où il prô­nait une vente ou une intro­duc­tion en Bourse. Selon ces deux docu­ments, la moder­ni­sa­tion et la pri­va­ti­sa­tion étaient indis­pen­sables si l’on vou­lait sau­ver l’OSU et empê­cher Royal Mail de faire faillite. Le pre­mier rap­port affir­mait sans ambages : “Le moment n’est pas venu de réduire le ser­vice uni­ver­sel. Il ne serait dans l’intérêt de per­sonne de limi­ter le nombre de livrai­sons heb­do­ma­daires.” Le deuxième rap­port n’était pas aus­si catégorique.

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Dépen­ser le moins possible

Hoo­per a rai­son d’affirmer que Royal Mail lutte pour sa sur­vie face aux lettres élec­tro­niques dont les mots ne pèsent rien. Il en va du cour­rier papier comme de la musique et des jour­naux. Royal Mail est aus­si aux prises avec des concur­rents qui ont un accès garan­ti à ses fac­teurs, un peu comme on se rac­corde au réseau de gaz ou d’eau potable. Enfin, il fait les frais de la concur­rence entre deux caté­go­ries de clients aux besoins contra­dic­toires : quelques cen­taines de grands groupes qui veulent envoyer des mil­lions de lettres et de cata­logues à quelques jours d’intervalle se dis­putent les mêmes pré­po­sés que des mil­lions de gens qui veulent envoyer des cartes de vœux à Noël et, de temps en temps, un docu­ment qui néces­site une signa­ture. Dans cette riva­li­té, le pou­voir appar­tient à la mino­ri­té, sou­cieuse avant tout de dépen­ser le moins pos­sible, et non au plus grand nombre, dont les prio­ri­tés sont la régu­la­ri­té et l’universalité. Et ce sont les pos­tiers qui trinquent.

Il y a un curieux déca­lage entre les deux rap­ports de Hoo­per. Le pre­mier ne tarit pas d’éloges sur les anciens mono­poles pos­taux néer­lan­dais et alle­mand, TNT et Deutsche Post DHL, qui ont été pri­va­ti­sés, puis se sont moder­ni­sés, jusqu’à deve­nir des cham­pions de la libre entre­prise. On y voit un gra­phique où, pour l’année 2007, Royal Mail est à la traîne en Europe en termes de béné­fices, tan­dis que TNT et Deustche Post cara­colent en tête. Deux ans plus tard, Hoo­per 2 garde un silence pru­dent sur les stars néer­lan­daise et alle­mande. Rien d’étonnant à cela : le même gra­phique pour 2009 fait appa­raître que TNT et Deutsche Post n’ont fait que 3,25 % de marge béné­fi­ciaire, moins que Royal Mail. La bas­ton achar­née qui a oppo­sé les Pays-Bas et l’Allemagne à la fin des années 2000 n’a peut-être eu aucune inci­dence sur ces chiffres, mais ceux-ci n’en sont pas moins le symp­tôme de quelque chose de pour­ri. Quand je dis “achar­née”, je pèse mes mots.

Quand j’ai inter­ro­gé Almast Die­drich, [res­pon­sable des affaires inter­na­tio­nales] de Post NL, quant à la ten­ta­tive de Deutsche Post de blo­quer l’expansion de son entre­prise vers l’Est, il m’a répon­du dans un ric­tus : “Ce qu’a fait Deutsche Post était très intel­li­gent, et typi­que­ment alle­mand.” Les Alle­mands n’ont pour­tant rien fait de si dif­fé­rent de ce qu’ont fait les Néer­lan­dais : ils ont essayé de pro­té­ger leurs propres pré­po­sés de la concur­rence des bas salaires, tout en met­tant en place dans le pays d’à côté des réseaux de fac­teurs pri­vés mal payés afin de saper l’ancienne poste d’Etat.

“Il est très inté­res­sant de voir qu’aux ­Pays-Bas les Alle­mands tentent de concur­ren­cer les Néer­lan­dais non pas sur les pro­duits ni sur les jours de dis­tri­bu­tion, mais uni­que­ment sur les salaires, note le syn­di­ca­liste John Bald­win. Et en Alle­magne, les Néer­lan­dais ne sont en concur­rence avec les Alle­mands que sur les salaires.” Pour­quoi les mul­ti­na­tio­nales passent-elles si faci­le­ment les fron­tières, alors que les syn­di­cats n’agissent qu’à l’échelon natio­nal ? Pour­quoi les syn­di­cats de toute l’Europe n’ont-ils pas orga­ni­sé des mobi­li­sa­tions inter­na­tio­nales contre la pré­ca­ri­sa­tion de la poste ?

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Com­pres­sions de personnel

“On en est arri­vé là pro­gres­si­ve­ment, explique Bald­win. Par­tout, les effec­tifs des pré­po­sés dimi­nuent, du fait de la crise finan­cière, du déve­lop­pe­ment des cour­riels et de l’automatisation crois­sante. Presque tous ces pays gèrent ces com­pres­sions de per­son­nel avec des retraites anti­ci­pées, des départs volon­taires et des recon­ver­sions dont les effets se font sen­tir au fil du temps. Convaincre les pré­po­sés de par­ti­ci­per à une grève euro­péenne pour défendre le ser­vice pos­tal serait extra­or­di­nai­re­ment dif­fi­cile. Aujourd’hui, tant qu’il n’est pas tou­ché au por­te­feuille, le fac­teur lamb­da ne s’inquiète pas de l’avenir des ser­vices pos­taux d’ici vingt à trente ans.”

Tan­dis que j’étais aux Pays-Bas, la pres­sion du Par­le­ment néer­lan­dais sur les socié­tés pos­tales à bas salaires, pres­sion qui mon­tait depuis des années, a fini par les contraindre à signer un accord. Au petit matin, elles sont conve­nues avec les syn­di­cats que d’ici à la fin sep­tembre 2013 80 % des fac­teurs de socié­tés comme Sandd devaient avoir de vrais contrats, leur assu­rant une cer­taine pro­tec­tion sociale. Net­werk VSP, la filiale à bas salaires de Post NL, est l’un des signa­taires. Lorsque j’ai deman­dé à Almast Die­drich ce qu’il pen­sait de l’accord avec les syn­di­cats, il a cra­ché le mor­ceau. “Oui, nous avons sous-payé le per­son­nel […]. Les autres fai­saient pareil. Très tôt, nous avons dit que quand nos concur­rents accep­te­raient de négo­cier, nous sui­vrions. Mais nous ne vou­lions pas prendre l’initiative.”

De l’autre côté de la rue, j’ai ren­con­tré Egon Groen, l’un des diri­geants syn­di­caux qui ont signé cet accord. “TNT avait pour ambi­tion de se his­ser au niveau de FedEx ou d’UPS, et il a échoué, bien sûr, explique-t-il. Aujourd’hui, il doit revendre des filiales, c’est la preuve que ça n’a pas mar­ché. Les action­naires n’y trou­vaient pas leur compte, pas plus que les sala­riés.” D’après lui, ce sont les grandes socié­tés d’envois en nombre qui ont béné­fi­cié de la libé­ra­li­sa­tion du mar­ché pos­tal aux Pays-Bas. “Les per­dants ? Presque tous les autres. Post NL, les nou­velles socié­tés ­pos­tales, les tra­vailleurs, les pou­voirs publics. Ils ont libé­ra­li­sé le mar­ché, cela a été un casse-tête pen­dant cinq ans et ce n’est pas fini.”

Groen est sans illu­sions quant à l’évolution du cour­rier papier, mais il est opti­miste en ce qui concerne l’avenir de tous les trim­bal­leurs, sou­pe­seurs, sou­le­veurs et mar­cheurs fati­gués des Pays-Bas. “Près du tiers de la main‑d’œuvre pren­dra sa retraite dans dix ans, pour­suit-il. Cela va créer une situa­tion très dif­fi­cile, si bien que les fac­teurs pri­vés que vous avez ren­con­trés auront une plus grande marge de négo­cia­tion. Les employeurs ne pour­ront plus faire la fine bouche. On ne peut pas impor­ter deux mil­lions de per­sonnes d’Irlande ou d’ailleurs. Le prix de la main‑d’œuvre augmentera.”

En Grande-Bre­tagne, l’un des far­deaux qui pèsent sur Royal Mail est son régime de retraite, dont le défi­cit s’élève à 8 mil­liards de livres [9,5 mil­liards d’euros]. La loi visant à bazar­der la socié­té pré­voit de trans­fé­rer à l’Etat le pas­sif du Royal Mail Pen­sion Plan (RMPP). [La Com­mis­sion euro­péenne a ouvert en juillet une enquête sur ce pro­jet.] Mais pour l’instant, le RMPP inves­tit dans des obli­ga­tions, des actions et autres actifs, comme n’importe quel fonds de pension.

En feuille­tant les der­niers rap­ports de RMPP et de Post NL, j’ai vu appa­raître plu­sieurs fois le même nom : Bla­ckRock. Cette gigan­tesque socié­té d’investissement éta­blie à New York gère une par­tie de l’argent qui finance les retraites de Royal Mail. C’est aus­si l’un des membres les plus puis­sants du conseil d’administration de Post NL, concur­rent de Royal Mail. Voi­là qui témoigne de la confu­sion qui règne dans le capitalisme.

“Néer­lan­dais” ou “Bri­tan­nique” ne veut plus rien dire. Seuls 8 % des action­naires de Post NL sont néer­lan­dais ; 70 % sont amé­ri­cains ou bri­tan­niques. A tra­vers leur régime de retraite rela­ti­ve­ment géné­reux, les fac­teurs bri­tan­niques sont aus­si des capi­ta­listes. Der­rière le capi­ta­lisme mon­dial, ce grand corps informe qui mal­mène les entre­prises, pres­sure leurs actifs pour obte­nir de meilleurs ren­de­ments et fait bais­ser les salaires des fac­teurs, il y a une foule de retrai­tés, y com­pris d’anciens pré­po­sés, qui ont besoin de divi­dendes pour vivre – et se payer des timbres-poste.

Par James Meek

Source : lecour­rie­rin­ter­na­tio­nal

(jamesmeek.net), grand repor­ter et écri­vain bri­tan­nique, est né à Londres en 1962. Il gran­dit à Dun­dee, en Ecosse, et débute dans le jour­na­lisme pour finan­cer ses ambi­tions roma­nesques. Dans les années 1990, Meek vit à Kiev et à Mos­cou, où il est cor­res­pon­dant, puis chef du bureau du Guar­dian. On lui doit éga­le­ment des repor­tages sur l’Irak, la Tchét­ché­nie et Guan­ta­na­mo. En 2004, il est élu cor­res­pon­dant de l’année en Grande-Bre­tagne. S’il col­la­bore encore à son ancien jour­nal, ain­si qu’à la Lon­don Review of Books et à Gran­ta, Meek se concentre aujourd’hui sur l’écriture. Depuis 1989, date de la publi­ca­tion en Ecosse de son pre­mier roman, Thé à l’eau de mer (éd. Autre­ment, 1997), il a publié deux recueils de nou­velles et trois romans, dont le best-sel­ler Un acte d’amour (éd. Métai­lié, 2007), tra­duit en plus de vingt-cinq langues.


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Aux Etats-Unis

L’US Pos­tal Ser­vice (USPS) est mena­cé de faillite. Son der­nier exer­cice s’est sol­dé par une perte de 5,1 mil­liards de dol­lars (près de 4 mil­liards d’euros). En cause : la forte baisse du volume de cour­rier de pre­mière classe, le plus ren­table, et l’obligation qui lui est faite de mettre de côté 5,5 mil­liards de dol­lars par an pour finan­cer les retraites de ses employés. L’USPS envi­sage de fer­mer 3 700 bureaux sur les 32 000 en acti­vi­té, de ne plus assu­rer de dis­tri­bu­tion le same­di et de fer­mer plus de la moi­tié de ses 487 centres de tri, ce qui entraî­ne­rait la sup­pres­sion de 35 000 emplois et l’allongement des délais de dis­tri­bu­tion. Mais pour cela il lui faut l’aval du légis­la­teur. Depuis 1970, l’USPS est cen­sé fonc­tion­ner comme une entre­prise pri­vée, “mais les diri­geants poli­tiques l’en empêchent”, explique The Atlan­tic. Il ne reçoit pas d’argent public, mais ne peut prendre aucune déci­sion sans le feu vert de son auto­ri­té de tutelle, voire du Congrès.


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En France

Depuis mars 2010, La Poste est une socié­té ano­nyme à capi­taux publics. Son der­nier sec­teur pro­té­gé (les envois infé­rieurs à 50 g) est ouvert à la concur­rence depuis le 1er jan­vier 2011, mais ce cré­neau peu ren­table ne sus­cite guère de convoi­tise. Pour amor­tir les effets de la baisse du volume de cour­rier, le groupe s’efforce d’améliorer sa pro­duc­ti­vi­té, ce qui entraîne, selon les syn­di­cats, une dégra­da­tion des condi­tions de tra­vail, avec, notam­ment, un allon­ge­ment de la tour­née des fac­teurs. Sur les 17 000 points de contacts de La Poste en France, envi­ron 7 000 sont gérés avec des com­merces (Relais Poste) ou des com­munes (agences pos­tales). Le groupe (y com­pris La Banque pos­tale, Chro­no­post, etc.) a réa­li­sé en 2010 un béné­fice de 550 mil­lions d’euros, pour un chiffre d’affaires de 20,9 milliards.