Selon Les Inrockuptibles, pour être cool, il faut avoir des euros

La marque de fabrique du magazine et Hebdomadaire branché "Les Inrockuptibles" est la coolitude : chanteurs et gens branchés, films et habits branchés, meubles et jeux vidéos branchés, Bref, tout ce qu’il faut pour être branché... Et donc cool.

par Mathias Rey­mond, le 30 octobre 2012

Source de l’ar­ticle : acri­med

S’il est un maga­zine dont la marque de fabrique est la cooli­tude, c’est bien Les Inro­ckup­tibles. Heb­do­ma­daire bran­ché qui passe son temps à chro­ni­quer les chan­teurs bran­chés, les films bran­chés et les jeux vidéos bran­chés, « les Inrocks » comme disent les gens bran­chés, adorent aus­si les styles de vie bran­chés, les habits bran­chés et les meubles bran­chés… Bref, tout ce qu’il faut pour être bran­ché… Et donc cool. Mais être cool pour l’hebdomadaire que dirige désor­mais Audrey Pul­var, sup­pose d’en avoir les moyens.

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Dans une rubrique inti­tu­lée « Où est le cool ? », Les Inro­ckup­tibles recensent (et encensent) – à grand ren­fort (outran­cier) d’anglicismes bran­chés – ce qui leur semble cor­res­pondre à la « cool atti­tude » du moment. Pour l’essentiel, le « cool de la semaine » se carac­té­rise par la pro­mo­tion de pro­duits de consom­ma­tion peu répan­dus, dont on ne four­nit pas le prix (sauf quand c’est un livre et donc pas cher). Échan­tillon représentatif.

Dans le numé­ro du 16 octobre 2012 par exemple, l’hebdomadaire bran­ché nous explique que le « cool » se trouve « sur ce skate trans­lu­cide », dont la des­crip­tion fait rêver : « Sur­fant sur le gros revi­val des planches old-school, la marque Globe remet au goût du jour sa Ban­tam en plas­tique rigide et la décline en une série desi­gn ultra­co­lo­rée ». Si en géné­ral les ska­te­boards (planches à rou­lettes) coûtent entre 40 et 50 euros, le prix de celui-ci – après inves­ti­ga­tion de notre part – est de 110 euros.

Dans le même numé­ro le « cool » se trouve aus­si « dans ce look geek futu­riste ». Des­crip­tion : « Cap­tu­rée pen­dant la fashion week , cette sil­houette par­vient mira­cu­leu­se­ment à mixer quelques-uns des items les plus tren­dy de la sai­son : bas­kets lamées Ken­zo, leg­gings et sur­tout cet ultra-gee­ky et fan­tas­tique pull/sweat Balen­cia­ga. » Ce pull/sweat coûte juste 185 euros, hors frais d’envoi… Cool, non ? Ce qui est cool aus­si c’est de pou­voir boire un café au « MVMNT Café » à Londres. Le prix ? 1,20 livre ster­ling pour un expres­so, auquel il faut ajou­ter bien sûr le prix du billet de train ou d’avion pour se rendre dans la capi­tale bri­tan­nique (160 euros l’aller-retour en train depuis Paris, ou 300 euros l’aller-retour en train depuis Clermont-Ferrand).

Dans le numé­ro du 9 octobre 2012, l’hebdomadaire cool vante le « bom­bers W.I.A. », des « tenues over­size post­di­gi­tales que l’on ima­gine bien sur des hackeuses, des club­beurs ou Die Ant­woord. » Le prix non indi­qué par Les Inro­ckup­tibles ? 295 euros. Le cool est aus­si dans des chaus­sures à 365 euros. Il se trouve dans des motos reta­pées à des prix allant de 10 000 à 23 000 euros. Les Inro­ckup­tibles conseillent éga­le­ment de pas­ser des vacances dans des « lodges eco­friend­ly de bois et de métal » dans la val­lée de Gua­da­lupe au Mexique. Le prix d’une nuit ? Mini­mum 175 euros. Plus l’aller-retour en avion au Mexique. Et si vous êtes à la recherche d’un sac, on vous conseille­ra de prendre un sac de bivouac style années 60 pour la modique somme de 235 euros…

Dans le numé­ro du 19 sep­tembre 2012, l’hebdomadaire cool et bran­ché recom­mande des chaus­sures de ville avec des semelles en forme de dents de requin, les « Shark Sole Der­by Navy » qui, véri­fi­ca­tion faite, valent au mieux 530 dol­lars (soit un demi-SMIC). Et si vous vou­lez faire du sport – mais en res­tant cool, of course – vous pou­vez aus­si vous pro­cu­rer des Nike Flyk­nit (11 sep­tembre 2012). Des­crip­tion : « Après le revi­val New Balance, Nike impose encore un peu plus la ten­dance tech­nique qui court dans le monde des snea­kers avec la Flyk­nit, bas­ket ultra­lé­gère et tres­sée qu’on enfile comme un chaus­son ou une seconde peau. Au pla­card, donc, les vieilles Stan Smith et autres modèles rétro : l’automne sera mini­mal, aérien et futu­riste. » Le prix ? 160 euros.

Fer­mons le ban. Ain­si que nous l’écrivions déjà en 2006, « angli­cisme bran­ché, publi­ci­té desi­gn, éli­tisme cool et pro­vo­ca­tion in sont les ingré­dients de ce pério­dique pari­sien ». Et ces quelques exemples de « pro­duits » décrits ou conseillés par Les Inro­ckup­tibles nous éclairent encore plus sur ce qu’est cet heb­do­ma­daire… La venue d’Audrey Pul­var (et de ses lunettes, esti­mées à 15 000 euros selon le Canard Enchaî­né) ne semble rien y chan­ger. Sans doute parce qu’Audrey Pul­var est cool.

Après tout, pour être cool, il faut en avoir les moyens. Et être riche de préférence.

Mathias Rey­mond