Tatuy TV (Venezuela) : le besoin d’être libres

Tatuy TV, s’adresse surtout au milieu étudiant, son travail s’appuie uniquement sur sa base militante, en termes politiques et révolutionnaires.

Si elles ne pèsent encore que quelques pour cent d’audience locale face à la grosse machine des médias pri­vés, les 46 télé­vi­sions popu­laires du Vene­zue­la, cha­cune avec son iden­ti­té et sa liber­té de parole, cherchent à construire un nou­veau type de télé­vi­sion. C’est à ces jeunes rebelles igno­rés par les jour­na­listes occi­den­taux que Vene­zue­la Infos va don­ner la parole dans les mois à venir. Com­men­çons par ceux de Tatuy TV, une télé­vi­sion per­chée dans les Andes de Mérida.

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Q. Pou­vez-vous nous par­ler des ori­gines de ce col­lec­tif et de la lutte qu’il mène jusqu’à présent ?

R. Tatuy n’est pas un média dépen­dant d’une com­mune rurale ou d’autres sec­teurs. Elle est implan­tée en milieu urbain. A Méri­da. C’est une ville de droite sur le plan média­tique et autres. On s’adresse sur­tout au milieu étu­diant. Ce qui carac­té­rise ce milieu à Méri­da, c’est qu’il est com­po­sé de jeunes ori­gi­naires de toutes les par­ties du pays, qui fré­quentent les nom­breuses uni­ver­si­tés locales. C’est le lieu de ren­contre de per­sonnes ori­gi­naires des mon­tagnes, de Tachi­ra, de Méri­da pro­pre­ment dit, de Bari­nas, de Valencia.

On a eu à subir toutes les dif­fi­cul­tés aux­quelles se heurtent ceux qui sou­haitent fon­der une chaîne de télé­vi­sion com­mu­nau­taire. On se confronte d’abord à la réa­li­té, ce qui n’est pas facile. Et puis, il y a les ques­tions de l’organisation pro­pre­ment dite, c’est complexe.

Pour ras­sem­bler les gens dans une ville comme Méri­da, il faut prendre en compte le fait qu’ils sont d’une manière géné­rale, conser­va­teurs, sur ce qui est à soi. On a éga­le­ment eu affaire à la bureau­cra­tie dès que l’on a intro­duit notre demande de recon­nais­sance. C’était en 2007. Au 31 août de la même année, date de la fon­da­tion for­melle de Tatuy TV, et dans la fou­lée, on a remis la lettre de demande à Cona­tel (CSA local), etc. Nous avons atten­du 5 ans avant que l’on nous réponde. C’est une chose qui aurait pu nous décou­ra­ger, nous ébran­ler. Faire capo­ter le pro­jet. En réa­li­té, on a fait avec, et on s’est lan­cé dans le tra­vail avec la com­mu­nau­té. Sur­tout avec les mou­ve­ments sociaux, car c’est ce qui carac­té­rise le milieu urbain. On a affaire avec des divers mou­ve­ments et orga­ni­sa­tions plu­tôt qu’avec sa com­mu­nau­té stric­to sen­su. Puisqu’on n’est pas en zone rurale. Il y a aus­si tout un réseau de com­merces. C’est donc inté­res­sant de regrou­per tout cela. Voi­là plus ou moins, l’histoire de notre naissance.

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Q. Pour­quoi t’es-tu impli­quée dans le domaine de l’audio-visuel ?

Cris­ti­na Blon­do membre du col­lec­tif Tatuy TV : « dans mon cas, je n’étais pas par­ti­cu­liè­re­ment liée au modèle d’organisation des col­lec­tifs. Je me suis lan­cée dans l’action, après la mort de Cha­vez. C’est ain­si que je suis née dans la poli­tique. Ma moti­va­tion prin­ci­pale, c’est l’université. C’est à ce moment que je me suis rap­pro­chée du col­lec­tif. Je connais­sais à titre indi­vi­duel, cer­tains des membres, mais ce n’était pas lié à leur enga­ge­ment au sein de Tatuy télé­vi­sion. En fait, je me suis rap­pro­chée du col­lec­tif parce que mon com­pa­gnon d’alors, était l’un des fon­da­teurs. Par la suite, je me suis lan­cée direc­te­ment dans le tra­vail du collectif.

Q. Vous vous êtes liés à d’autres télé­vi­sions com­mu­nau­taires, sem­blables à la vôtre. Peux-tu me pré­ci­ser ce qui vous différencie ?

« Oui, effec­ti­ve­ment, on s’est rap­pro­ché de diverses chaînes de télé­vi­sions com­mu­nau­taires, actives dans d’autres États, dans d’autres par­ties du pays. Et ce, à tra­vers le réseau d’Alba TV, que nous avons sui­vi avec atten­tion. C’est un effort d’intégration, tant sur le plan ins­ti­tu­tion­nel que créa­tif, qui a été pour nous, fruc­tueux. Cela nous a aidé à sur­mon­ter la ten­dance à la dis­per­sion géné­ra­li­sée et à la frag­men­ta­tion, typique de ce sec­teur. Il y avait beau­coup de médias actifs. Nombre de ceux-ci avaient obte­nu leur habi­li­ta­tion. Mais on était très dis­per­sés. De ce fait, à tra­vers le réseau d’Alba TV, un effort vrai­ment impor­tant a été four­ni, pour que l’on puisse dépas­ser cet état de fait.

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Nous avons tra­vaillé avec les jeunes. On a connu ceux de Tele Cimar­ron, de TV Calip­so. Les jeunes gens de Lara TV. Sans oublier les membres de l’équipe d’Alba qui se situe à Cara­cas, mais aus­si les jeunes de Mon­ta­na TV, de Sel­va TV, de Canal Z. Ils se sont tous mon­trés soli­daires. Il y a aus­si les cama­rades de Petare TV. Nous avons tis­sé des rela­tions entre nous. On se connaît tous. On par­tage nos sources d’information. Nous nous lan­çons éga­le­ment dans un tra­vail poli­tique com­mun. Le fac­teur « tra­vail en com­mun », c’est celui que nous pri­vi­lé­gions. Il y a des choses qui doivent être conso­li­dées. Mais dans l’ensemble, c’est la voie à suivre. Il est regret­table que cer­tains médias aient fusion­né, répon­dant ain­si à des inci­ta­tions pure­ment maté­rielles. Mais il ne faut pas géné­ra­li­ser. Ce sont des cas par­ti­cu­liers. Quant à Tatuy TV, son tra­vail s’appuie uni­que­ment sur sa base mili­tante, en termes poli­tiques et révo­lu­tion­naires. Mais pas du tout sur une rela­tion de tra­vail au sens cou­rant du terme. Pour nous, c’est impor­tant, parce que cela nous a coû­té, de mener à terme cette expé­rience. Mais en fin de compte, les résul­tats sont là. C’est bien. Ce sont en pre­mier lieu des résul­tats politiques ».

Q. Quelle était ta situa­tion au moment de rejoindre le collectif ?

« Je m’appelle May­ra Soto. Je tra­vaille dans le sec­teur de l’administration. Je ne suis pas l’un des fon­da­teurs de Tatuy TV, et je n’appartiens pas à l’équipe de départ de Tatuy. Je n’avais pas vrai­ment de conscience poli­tique. J’étais étu­diante, et je me suis rap­pro­chée de Tatuy, grâce aux rela­tions qui me liaient à des com­pa­gnons qui avaient pris l’é­lan avec le col­lec­tif. Petit à petit, je me suis for­mée, j’ai pris mes marques. La per­sonne qui m’a ame­né au col­lec­tif, a com­men­cé par me le pré­sen­ter ce qu’ils fai­saient. Ce qui rele­vait du tra­vail quo­ti­dien. Cela m’a plu. Fil­mer, mais aus­si pré­pa­rer les édi­to­riaux. Il y a aus­si une convi­via­li­té au sein du col­lec­tif qu’on ne trouve nulle part ailleurs. La cama­ra­de­rie. L’un de nos outils essen­tiels pour bien com­prendre le domaine de la communication.

Je vis dans un quar­tier popu­laire, et je vois les injus­tices autour de moi, les limites qu’on nous impose. Tout cela fait que je change peu à peu, depuis que je fré­quente le col­lec­tif. Je m’interroge, non seule­ment parce que cela me plaît, mais parce que j’arrive à trou­ver ma place au sein du pro­ces­sus révo­lu­tion­naire. Je suis cer­taine que tout a été pos­sible grâce à Cha­vez. Grâce au pro­ces­sus en cours, on a eu l’opportunité d’être par­tie pre­nante du pro­ta­go­nisme poli­tique. Cette constel­la­tion d’organisations — Tatuy en est un exemple – on la doit au pro­ces­sus révolutionnaire ».

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Q. Penses-tu que la télé­vi­sion com­mu­nau­taire a pu influer sur l’organisation de ta com­mu­nau­té, à tra­vers les pro­grammes pro­po­sés, mais aus­si à tra­vers les expé­riences de for­ma­tion que ce genre de média offre ?

Fred­dy Toro : « il faut tout d’abord pré­ci­ser quelle est notre concep­tion de la com­mu­nau­té. Celle que nous avons contri­bué à créer. Un média comme Tatuy doit s’appuyer sur une rela­tion d’échelle, qui part du local, pour abou­tir à l’universel. Je m’explique. Pre­nons un exemple. On peut pré­sen­ter un ins­tan­ta­né, ou tra­vailler acti­ve­ment sur une com­mune, tout en res­tant en phase avec les sujets connexes que traite le réseau Alba TV. Notam­ment sur le plan inter­na­tio­nal. On évite ain­si de tom­ber dans le piège du loca­lisme. On consi­dère aus­si que le concept de com­mu­nau­té n’existe pas vrai­ment. Il faut lui don­ner corps. D’ailleurs, beau­coup de gens nous disent : vous n’êtes pas liés à une com­mu­nau­té spé­ci­fique ? En fait, notre tra­vail se déroule au sein de la Muni­ci­pa­li­té Liber­ta­dor. Mais on essaye de l’articuler avec des espaces de déci­sion tels que le conseil des com­mu­nards. Je pense aus­si aux mou­ve­ments sociaux, tels ceux de l’Université Bolivarienne.

Ceci dit, nous nous employons à ins­tau­rer une forme de rela­tion plus étroite avec la com­mu­nau­té. Nous allons bien­tôt lan­cer un pro­jet : l’Agence Popu­laire d’Information. Cela per­met­tra de mettre en place une chaîne d’informations qui pour­voi­ra en dépêches/nouvelles, notre canal de télé­vi­sion. Bien sûr, cela nous aide­ra à mettre en valeur les diverses réa­li­tés locales, à les rendre com­mu­ni­cables d’une manière adé­quate. Nous ferons en sorte que tout cela se place sous le signe de la réus­site, en fai­sant tous les efforts nécessaires.

Inter­view : Johan­na Mar­quez et Marit­fa Perez

Tra­duc­tion : Jean-Marc del Percio

Pho­tos : Tatuy TV

Source de l’ar­ticle : Vene­zue­lain­fos

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