Une chanson pour Gaza : le Crif pour la censure ?

Dans un article publié le 15 octobre sur le site CRIF, l'auteur prend à partie la chanson « Une vie de moins » du groupe Zebda. Par Alain Gresh.

La liber­té d’expression a des limites, tout le monde vous le dira. Il est bien sûr légi­time de publier des cari­ca­tures du Pro­phète de l’islam, de conspuer l’islam à lon­gueur de colonnes, de consi­dé­rer les musul­mans comme des « enne­mis de l’intérieur » qu’il nous faut dénon­cer, en revanche, cri­ti­quer Israël devient de plus en plus risqué.

Dans un article publié le 15 octobre sur le site du Conseil repré­sen­ta­tif des ins­ti­tu­tions juives de France (CRIF) inti­tu­lé « Une chan­son qui risque de pro­mou­voir la haine d’Israël chez les jeunes », l’auteur prend à par­tie la chan­son « Une vie de moins », du groupe Zeb­da, dont les paroles ont été écrites par Jean-Pierre Filiu. Il écrit :

« Le pre­mier sym­bole auquel s’attaque la chan­son est la valeur supé­rieure de la vie dans le judaïsme avec le titre, “Une vie de moins”, qui sug­gère le peu de cas que les Israé­liens feraient de la vie des Pales­ti­niens (comme si une vie de plus ou de moins ne chan­geait pas véri­ta­ble­ment la donne). Ce titre désa­cra­lise ain­si l’un des prin­cipes fon­da­men­taux du judaïsme en ver­tu duquel “Celui qui tue un homme tue toute l’humanité”. »

Ain­si donc, les auteurs de la chan­son ne sont pas seule­ment des anti-israé­liens, mais des anti­juifs, soit des anti­sé­mites. Accu­sa­tion qui devient habi­tuelle contre tous ceux qui cri­tiquent la poli­tique de l’entité sio­niste. L’auteur de ce texte ne réa­lise pas (ou peut-être, au contraire, le fait-il déli­bé­ré­ment) le dan­ger qu’il y a à assi­mi­ler Israël aux prin­cipes du judaïsme. L’armée israé­lienne, qui enva­hit le Liban en juin 1982, qui réprime par la force les Inti­fa­das, qui attaque encore le Liban en 2006, défend-elle les valeurs du judaïsme ? L’Etat qui a uti­li­sé la tor­ture à grande échelle défend-il la valeur supé­rieure de la vie humaine ? En le pré­ten­dant, l’auteur favo­rise tous les amal­games entre Israël, le judaïsme et les juifs du monde, pris en otage par une poli­tique dont ils ne portent pas la responsabilité.

Dans l’introduction de l’article, il est pré­ci­sé que « Richard Pras­quier a adres­sé une lettre à Rémy Pfim­lin, pré­sident de France Télé­vi­sions, à pro­pos de la nou­velle chan­son du groupe Zel­da “Une vie de moins”. Nous publie­rons cette lettre dans une pro­chaine news­let­ter. » Et le site du CRIF a publié « Inci­ta­tions à la haine » de son iné­nar­rable pré­sident. Ce n’est pas une lettre à France Télé­vi­sions ; en revanche dans cet édi­to­rial, l’auteur reproche à la chaîne d’avoir dif­fu­sé la chan­son. « On pour­rait pen­ser, dans le contexte actuel, que cha­cun dans son domaine pren­drait garde à ne pas ajou­ter de l’huile sur le feu qui flambe de l’antisémitisme. Que non ! Au contraire peut-être. Il convient avant tout de mon­trer que cet anti­sé­mi­tisme –- par­don cet anti­sio­nisme, vous deman­de­rez la dif­fé­rence à ceux qui hurlent contre les “yahoud” –- est au fond jus­ti­fié. Et France Télé­vi­sions se prête au jeu. Vous avez dit “irres­pon­sable ?”… » Donc, il faut inter­dire la chanson…

Cette cam­pagne contre Zeb­da et Jean-Pïerre Filiu s’est inten­si­fiée sur toute une série de sites pro-israé­liens. Le comble de l’ignominie allant à Syl­vie Ben­said de Tri­bune juive (24 octobre) qui résume la chan­son : « Tra­dui­sons : Israël, l’occupant qui prend plai­sir à pié­ti­ner le peuple arabe de Gaza, est un tueur d’enfants. L’accusation des Juifs d’assassiner les enfants trouve ses racines plu­ri­sé­cu­laires dans le vieux dis­cours anti­sé­mite chré­tien, avant de faire les beaux jours du nazisme et d’imprégner aujourd’hui l’islamisme radi­cal. Le mar­tyr Merah, sai­sis­sant par les che­veux la petite Myriam Mon­so­né­go, 8 ans, et lui col­lant le canon de son arme sur le front, réta­blit enfin l’injustice faite aux enfants palestiniens. »

Elle ne désho­nore que ses auteurs.

Une seule réponse, écou­ter cette chan­son et la diffuser.

Alain Gresh

Source : le blog du diplo