Camila Vallejo : le Chili a changé à chaque coin, à chaque rue

Il y a une crise de légitimité du néolibéralisme, c'est clair, maintenant il dépend de nous et les forces démocratiques d’avancer avec conviction et force pour vaincre l’ignoble machinerie qui ne peut plus continuer à se soutenir.

Le mer­cre­di 7 décembre 2011, Cami­la Val­le­jo (étu­diante en géo­gra­phie et mili­tante du par­ti com­mu­niste) a per­du l’é­lec­tion à la pré­sident de la fédé­ra­tion étu­diante chi­lienne mal­gré sa popularité.

Étu­diant en droit, moins média­tique, Gabriel Boric rem­porte les suf­frages. Il est éga­le­ment mili­tant de gauche et affiche une pos­ture plus radi­cale. Cami­la Val­le­jo est nom­mée vice-pré­si­dente. Sa liste, Izquier­da Estu­dian­til (la gauche étu­diante) est 189 voix der­rière celle de Gabriel Boric, Crean­do Izquier­da (Gauche en créa­tion) : 3864 suf­frages contre 4053.

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Gabriel Boric & Cami­la Vallejo

Dis­cours de chan­ge­ment de man­dat FECH 2011 – 2012

Dif­fi­cile cette année de faire un bilan de notre fédé­ra­tion, le simple fait de s’as­seoir et d’é­va­luer, exa­mi­ner les conte­nus, ce qui a été fait et oublié, sont des exer­cices qui néces­sitent du temps et de calme, deux élé­ments que, jus­qu’i­ci, nous n’a­vons pas eu et qui entravent le temps d’a­na­lyse pour exa­mi­ner l’an­née qui vient de s’écouler.

À cela, il faut ajou­ter la pro­fon­deur et la por­tée qu’a eue le mou­ve­ment social pour l’é­du­ca­tion, parce que, contrai­re­ment à ce qui a été pré­sen­té, il n’a pas cou­vert que le monde étu­diant, ni s’est conte­nu dans les murs de notre uni­ver­si­té. Au contraire, nous avons déclen­ché un mou­ve­ment qui a secoué le pays, a conta­mi­né le conti­nent et a rivé les yeux du monde sur nous, et sur nos résul­tats. Donc, faire le bilan de la FECh (Fede­ra­ción de estu­diantes uni­ver­si­dad de Chile, la fédé­ra­tion étu­diante prin­ci­pale du Chi­li) qui n’inclus que la FECh n’est pas appro­prié et ne cor­res­pond pas à réa­li­té de notre gestion.

Tou­te­fois, pour com­men­cer, je vou­drais remer­cier tous ceux qui ont joué un rôle dans la construc­tion de ce pro­ces­sus. Aux fonc­tion­naires de la FECh pour leur enga­ge­ment et tra­vail sans faille au cours de l’an­née, pour leur patience et leur loyau­té envers l’or­ga­ni­sa­tion, en dépit de com­bien il est dif­fi­cile de tra­vailler avec des étu­diants tous les jours, quand bien même ils ne com­prennent pas plei­ne­ment les condi­tions du monde travail.

Nous leur devons notre plus pro­fond res­pect et enga­ge­ment pour faire de leur tra­vail une valeur à soi­gner et à pro­té­ger. Sans aucun doute, à ma famille et à Julio, grâce à son incon­di­tion­nel sou­tien, amour et dévoue­ment, j’ai pu déve­lop­per une grande par­tie de mon tra­vail à la FECh, même dans les moments les plus difficiles.

Aux fonc­tion­naires du siège cen­tral qui nous ont rejoint et aidé prendre soin de la Casa de Bel­lo. Aux uni­ver­si­taires qui ont été cou­ra­geux et qui depuis des sombres labo­ra­toires, biblio­thèques et bureaux ont levé leur voix dans notre uni­ver­si­té, qui ne s’é­tait fait entendre depuis bien longtemps.

A ceux qui se sont enga­gé acti­ve­ment et pas seule­ment en paroles, qui se sont levé tôt pour avoir à pré­pa­rer la grève du len­de­main, qui ont été mouillés dans les mani­fes­ta­tions, ceux qui ont dan­sé, joué et créé pour ce mouvement.

Aux étu­diants du secon­daire pour leur capa­ci­té à se don­ner et à leur bra­voure, aux étu­diants des ins­ti­tu­tions pri­vées qui ont réus­si à renou­ve­ler l’air de ce mou­ve­ment, aux ensei­gnants qui ont tra­vaillé en étroite col­la­bo­ra­tion avec les étu­diants mal­gré les attaques inces­santes reçues. Aux habi­tants des quar­tiers popu­laires qui nous ont rejoints dans les cace­ro­la­zos (ndlt : cha­hut de mécon­ten­te­ment en tapant sur des cas­se­roles), les bar­ri­cades et les assem­blées ter­ri­to­riales, au per­son­nel de l’é­du­ca­tion et autres domaines qui ont fait des efforts achar­nés pour mon­trer leur soli­da­ri­té et par­ti­ci­per aux mobi­li­sa­tions et sou­vent dans les discussions.

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Enfin, à tous ceux qui depuis leurs dif­fé­rents fronts d’ac­tion, ont contri­bué à ce mou­ve­ment avec des petites et grandes choses.

Et je ne vou­drais pas lais­ser de côté ceux qui ne sont plus pré­sents pour par­ta­ger cet impor­tant pro­ces­sus, mais qui, sans aucun doute, sont de grandes réfé­rences de l’his­toire, sans laquelle nous n’au­rions pas eu la capa­ci­té poli­tique, théo­rique, morale et his­to­rique de sou­le­ver et de diri­ger ce mouvement.

Je fais réfé­rence ici de Marx, de Lénine, de Luis Emi­lio Reca­bar­ren, de Vio­le­ta Par­ra, de Vic­tor Jara, de Gla­dys Marín, de Luis Cor­va­lan, de Gram­sci, de Sal­va­dor Allende et beau­coup d’autres à qui nous devons cela et beau­coup plus, ils sont tou­jours à nos côtés dans cette longue marche.

Deuxiè­me­ment, je vou­drais par­ta­ger avec vous quelques réflexions qui sont nés de l’ex­pé­rience, du vécu fon­da­men­tal qui a lais­sé ce 2011 gra­vé sur nous. Nous avons aujourd’­hui l’in­time convic­tion que la force éri­gée à par­tir de ce mou­ve­ment doit deve­nir une pos­si­bi­li­té réelle de la trans­for­ma­tion sociale au Chi­li. Cela doit signi­fier un chan­ge­ment dans la vie de notre peuple et doit deve­nir un exemple de lutte pour tous les peuples du monde dans leur quête pour plus de démo­cra­tie, de jus­tice sociale et de la pro­tec­tion de nos droits fon­da­men­taux, face à l’as­saut et la colo­ni­sa­tion par le marché.

J’ai pleine confiance que pour vous tous cette année s’est tra­duite par l’un des plus impor­tants pro­ces­sus de matu­ra­tion et de déve­lop­pe­ment à la fois per­son­nel­le­ment et poli­ti­que­ment. C’est une année où nous avons tous appris, donc où nous avons tous gagné.

Cer­taines per­sonnes ont dû apprendre à tom­ber très dure­ment, d’autres ont dû apprendre que le pas­sé as de la valeur dans le pré­sent et se confi­gure comme un fac­teur déter­mi­nant pour l’a­ve­nir, d’autres ont appris que l’on ne pou­vait pas main­te­nir le peuple éter­nel­le­ment trom­pé et démobilisé.

En bref, c’est une année où le Chi­li a clai­re­ment gagné, et c’est une source de fier­té pour les étu­diants de notre uni­ver­si­té, nous pou­vons dire aujourd’­hui avec plus de force et d’au­to­ri­té que le Chi­li appar­tient à tous les Chi­liens. Nous pou­vons aujourd’­hui regar­der sans honte le pays et lui dire : voi­ci ton uni­ver­si­té et de-là nous lut­tons pour un nou­veau Chi­li, de-là nous lut­tons pour que dans ses audi­toires puissent prendre place les enfants de ton peuple, les fils de bonnes familles ne sont pas suf­fi­sants pour nos rêves.

Nous disons aus­si que durant ce pro­ces­sus nous avons eu des réus­sites et des échecs, des joies, des frus­tra­tions et des désac­cords, des incer­ti­tudes et des cer­ti­tudes, en bref, des expé­riences infi­nies, qui sans doute, sont main­te­nant exa­mi­nés dans le for inté­rieur de cha­cun, pour deve­nir plus tard un ensemble d’éléments qui ser­vi­ront à pro­je­ter un meilleur pay­sage poli­tique pour les années à venir.

Et je dis cela parce que nous com­pre­nons que cha­cun, indi­vi­duel­le­ment ou col­lec­ti­ve­ment, ont fait ou vont faire cette ana­lyse, un pro­ces­sus auquel je tiens à ajou­ter quelques éléments.

A cela, je com­men­ce­rai par dire, que nous avons com­men­cé cette période avec une grande clar­té sur le rôle que nous jouons les étu­diants et la com­mu­nau­té uni­ver­si­taire en géné­ral, dans le pro­ces­sus de trans­for­ma­tion et de démo­cra­ti­sa­tion non seule­ment de notre uni­ver­si­té, mais aus­si à tra­vers l’ensemble du modèle édu­ca­tif, ques­tion que nous avons sou­li­gné comme une étape stra­té­gique dans le sens de faire avan­cer notre socié­té vers un mode de vie plus juste, démo­cra­tique et libertaire.

Nous com­pre­nions avec clar­té les rai­sons pour les­quelles au Chi­li a com­men­cé un pro­ces­sus de déman­tè­le­ment de l’é­du­ca­tion publique et aus­si nous avons com­pris l’im­por­tance fon­da­men­tale de cette confi­gu­ra­tion comme le résul­tat de l’œuvre totale du modèle néo­li­bé­ral qu’autre fois nous avons héri­té par le sang et le feu.

Nous assu­mons que nous n’a­vions aucune rai­son de sup­por­ter et de conti­nuer à endu­rer les condi­tions impo­sées par un modèle pour lequel per­sonne ne nous a consul­té et c’est ensuite que nous avons déci­dé de sor­tir dans la rue à nou­veau. Mais depuis notre déploie­ment, notre dis­cours et nos convic­tions étaient lour­de­ment armés, ce n’é­tait plus un jeu d’en­fant, ce n’était plus une ques­tion de temps.

Nous avons com­pris qu’avant de faire l’é­du­ca­tion il fal­lait pen­ser l’é­du­ca­tion, qu’avant de par­ler de la qua­li­té, nous devions dis­cu­ter de ce sujet et ne pas accep­ter un concept impo­sé. Nous avons appris sur­tout à ne pas tom­ber dans le vice d’élaborer et de deman­der des réformes qui n’aient pas de cohé­rence poli­tique avec la socié­té à laquelle nous aspi­rons à vivre et à léguer à notre peuple.

Quand nous par­lions des chan­ge­ments struc­tu­rels du modèle, nous par­lions de la construc­tion d’un sys­tème édu­ca­tif qui pour­rait nous aider à sur­mon­ter la condi­tion hideuse de l’i­né­ga­li­té, de la ségré­ga­tion, d’ex­clu­sion et de mar­gi­na­li­té qui dominent encore notre peuple. Que cela puisse per­mettre par la voie de la démo­cra­ti­sa­tion du savoir, quant à l’accès, de son appro­pria­tion et de sa géné­ra­tion, de déve­lop­per une place contre-hégé­mo­nique, envers les prin­cipes et repro­duc­tion des maté­riaux du modèle mer­can­ti­liste, cata­ly­seur des inéga­li­tés et des injus­tices les plus pro­fondes de notre société.

Cette année, heu­reu­se­ment nous avons aus­si pu expé­ri­men­ter l’un des plus grands moments de dis­cus­sion et de par­ti­ci­pa­tion dans nos espaces uni­ver­si­taires. Ce phé­no­mène s’est concré­ti­sé dans les dif­fé­rents cloîtres et dans les ren­contres qui non seule­ment été en mesure de mon­trer que nous avons un grand poten­tiel pour la construc­tion de la com­mu­nau­té uni­ver­si­taire, mais il a éga­le­ment mon­tré que cette construc­tion est pos­sible, que nous pou­vons faire des pro­po­si­tions et don­ner un signal au pays et dire que le public est évident dans tous ces efforts qui ne peuvent être ache­té par l’argent.

Main­te­nant, notre prin­ci­pal défi sera de les ren­for­cer et de faire que ce qui émane de ces espaces d’intégration peuvent deve­nir un patri­moine de la socié­té et de vrais outils de trans­for­ma­tion pour notre peuple. Tout cela exige une plus grande par­ti­ci­pa­tion de la socié­té chi­lienne dans les soins et dans l’ac­com­plis­se­ment de ses fins.

Je sou­ligne éga­le­ment la néces­si­té que nous avons en tant que pays, d’al­ler vers un chan­ge­ment de para­digme dans la façon de faire l’université, et l’université du Chi­li n’est plus la même qu’avant. Dans une cer­taine mesure et dans cer­tain sens, nous avons chan­gé notre lan­gage et nous serons tous nous, étu­diants, fonc­tion­naires, uni­ver­si­taires et auto­ri­tés, les res­pon­sables de conduire notre uni­ver­si­té vers une rup­ture du sta­tu-quo et de l’ordre actuel existant.

Nous devons la faire pro­gres­ser vers la construc­tion espaces de ren­contre, où peuvent être ana­ly­sés et remis en ques­tion les formes les plus diverses de la vie et des pos­tures poli­ti­co-idéo­lo­giques ; où la diver­si­té doit pas­ser de la théo­rie à la pra­tique quo­ti­dienne et obtienne l’in­te­rac­tion intel­lec­tuelle est humaine qui va nous per­mettre de répondre à la com­plexi­té des pro­blèmes actuels et futurs de notre société.

La véri­té est que, le Chi­li, chaque jour prends conscience qu’il faut prendre des mesures déci­sives dans la construc­tion d’un sys­tème édu­ca­tif qui ter­mine avec l’amputation pro­gres­sive de l’identité et de la diver­si­té cultu­relle pré­sente dans notre pays. Qu’il aban­donne la repro­duc­tion de slo­gans, l’exé­cu­tion des ordres et l’i­den­ti­fi­ca­tion des étu­diants et des uni­ver­si­taires à la quête de la réus­site indi­vi­duelle, de l’ac­cep­ta­tion des règles du mar­ché, le confor­misme et l’ou­bli… En échange d’un esprit d’u­ni­té dans la diver­si­té, avec une nou­velle dis­po­si­tion pour édu­quer l’en­semble du peuple dont le but est l’é­man­ci­pa­tion morale, intel­lec­tuelle et matérielle.

Pour cela, il nous a sem­blé essen­tiel la prise de conscience que l’é­du­ca­tion doit être com­prise comme un droit uni­ver­sel et un inves­tis­se­ment social et non comme une mar­chan­dise comme cer­tains ont essayé de nous le faire croire.

Mais, cama­rades, il est impor­tant d’être clair que nous ne devons pas tom­ber dans la même erreur d’autres mou­ve­ments de réforme dans notre histoire.

Bien que nous com­pre­nions la vali­di­té des reven­di­ca­tions contre la seg­men­ta­tion des connais­sances et des concep­tions tech­no­cra­tiques et auto­ri­taires de l’en­sei­gne­ment, nous insis­tons en faveur des pro­po­si­tions pour l’au­to­no­mie des uni­ver­si­tés, le plu­ra­lisme, la liber­té aca­dé­mique, la par­ti­ci­pa­tion d’é­tu­diants et de tra­vailleurs dans le ges­tion des bâti­ments. Nous ne pou­vons pas croire que ce soit la seule façon d’é­ta­blir une nou­velle société.

La tra­di­tion libé­rale des Lumières qui nous fait croire que la connais­sance est ou sera “LA” prin­ci­pale richesse du Chi­li et, que la réforme uni­ver­si­taire, ou d’é­du­ca­tion en géné­rale est suf­fi­sant pour réa­li­ser l’é­man­ci­pa­tion de notre pays grâce à la culture géné­rale, c’est quelque chose que, bien que cohé­rente et noble, n’a aucun appui matériel.

La révo­lu­tion sociale n’est pas seule­ment une réforme intel­lec­tuelle et morale, mais par-des­sus tout, c’est un chan­ge­ment radi­cal dans les rela­tions de pou­voir poli­tique, et d’ac­cu­mu­la­tion de la force éco­no­mique de notre société.

Per­sonne ne peut nier que les gens culti­vés sont moins vul­né­rables à la domi­na­tion et à la sou­mis­sion, tou­te­fois, la démo­cra­ti­sa­tion et l’ac­cès cultu­rel, les domi­nés ne l’obtiennent pas gra­tui­te­ment, au contraire, il se prends avec convic­tion et éner­gie au ban­quet des puissants.

Com­ment réus­sir ces conquêtes qui doivent être l’une des ques­tions prin­ci­pales en ce moment et une tâche majeure de ce mou­ve­ment. Pas moins de sept mois de mobi­li­sa­tion, au cours de laquelle nous avons légi­ti­mé nos demandes et avons repré­sen­té plus de 80% de la popu­la­tion, nous n’a­vons fait aucun pro­grès en termes de nos pro­po­si­tions et de nos reven­di­ca­tions les plus sincères.

Il n’y a plus de doute qu’à cette époque de l’an­née, alors que le mou­ve­ment confirme son saut qua­li­ta­tif depuis la demande cor­po­ra­tive jusqu’à une demande struc­tu­relle et poli­tique, les majo­ri­tés qui sont des­cen­dus dans les rues ne sont plus une majo­ri­té d’endettés mais sont plu­tôt des majo­ri­tés gui­dées par le besoin pro­fond de s’op­po­ser à la cupi­di­té et l’ar­ro­gance du sys­tème, de la digni­té des êtres humains et le réta­blis­se­ment de leurs droits.

En effet, ce n’est pas juste un slo­gan : le Chi­li a chan­gé, à chaque coin, à chaque rue, nous voyons com­ment le Chi­li est en train de perdre sa peur, com­ment les gens reviennent à croire à la pos­si­bi­li­té de chan­ge­ments et dans l’ac­tion col­lec­tive comme forme néces­saire pour les atteindre.

Ce peuple muet et domes­ti­qué, habi­tué au confor­misme et à l’in­di­vi­dua­lisme, inca­pable d’é­le­ver sa voix contre l’in­jus­tice et les abus est bien loin, en revanche, les gens sortent avec joie dans les rues pour res­tau­rer l’es­poir per­du. Il clame avec force : Assez d’i­né­ga­li­tés ! Assez de pro­fit sur nos droits fon­da­men­taux et assez de cette démo­cra­tie de consen­sus à la Pyrrhus !

Nul doute que notre mou­ve­ment a réus­si à mettre en évi­dence les lacunes du sys­tème, ce qui a entraî­né un chan­ge­ment cultu­rel dans notre pays et, bien qu’en­core embryon­naire, nous per­met d’ou­vrir la pos­si­bi­li­té d’al­ler vers un plus grand état de conscience et de lutte sociale.

Cette année a éga­le­ment été démon­trée qu’avec un gou­ver­ne­ment de droite, les avan­cées sociales pour le peuple est une impos­si­bi­li­té, le sys­tème poli­tique pré­si­den­tiel réus­si à que l’exé­cu­tif prenne le des­sus et peuvent ain­si faire et défaire selon leur envies.

Par ailleurs, les consé­quences de la loi bino­miale est for­te­ment res­sen­ti dans le par­le­ment, for­mant des majo­ri­tés oppo­sées à la popu­la­tion et lais­sant une marge très étroite à l’ac­tion des forces sociales et poli­tiques contraires à l’o­pi­nion des puissants.

Chan­ger cet ordre, est aus­si une tâche en attente pour notre mou­ve­ment, parce que les consé­quences se feront sen­tir for­te­ment dans les pro­jets de loi qui sont déjà en attente au Par­le­ment. Par exemple, le pro­jet de des­mi­ni­ci­pa­li­za­cion (ndlt : per­mettre aux éta­blis­se­ments édu­ca­tifs de ne plus dépendre de la com­mune où ils se situent), de sur­in­ten­dant, loi sur les uni­ver­si­tés d’État, la démo­cra­ti­sa­tion, la fin du pro­fit, entre autres. En cas d’ab­sence d’une puis­sante action poli­tique et sociale et effi­cace de notre part, ces lois seront orga­ni­sés au goût d’une mino­ri­té et au détri­ment de mil­lions, comme ils l’ont fait dans notre pays au cours de ces trente der­nières années.

Et voi­ci un point impor­tant de matu­ri­té que nous avons acquise dans ce mou­ve­ment, notre prin­ci­pal pro­blème ne sont pas les res­sources, c’est la démocratie.

La repro­duc­tion du pou­voir poli­tique sur lui-même indé­pen­dam­ment de l’in­clu­sion et de la par­ti­ci­pa­tion de la grande majo­ri­té des citoyens a fait perdre la valeur de notre démo­cra­tie et à nos citoyens de s’en dés­in­té­res­ser. Ce qui hier était un pro­fond désir de géné­ra­tions entières qui ont don­né leur vies pour l’ob­te­nir n’est plus aujourd’­hui qu’un mau­vais sou­ve­nir pour lequel il ne vaut même pas la peine de s’y intéresser.

La classe poli­tique contre laquelle cer­tains croient lut­ter n’est que le reflet du sys­tème de pou­voir exis­tant dans notre socié­té, pour nous il n’y a pas de « classe poli­tique », il y a des classes sociales, où s’inscrivent les domi­nés et les domi­nants, les exploi­teurs et les exploités.

Nous ne pou­vons pas conti­nuer à accep­ter l’u­ti­li­sa­tion d’un concept vague et mal défi­ni, qui vient avant tout dimi­nuer et confondre le centre des pré­oc­cu­pa­tions que nous, en tant que peuple devons sur­mon­ter le sché­ma actuel de domi­na­tion exis­tant dans notre pays.
Il faut dépla­cer la prise de déci­sion de ces sec­teurs qui jouissent de l’ac­cu­mu­la­tion du capi­tal, asso­ciée à l’ac­cu­mu­la­tion du pou­voir poli­tique, com­mu­ni­ca­tion­nel et cultu­rel. Ceux qui aujourd’hui prennent les déci­sions pour nous et ne nous per­mettent pas direc­te­ment la construc­tion de notre propre ave­nir. Ils sont la géo­mé­trie du pou­voir qui est consti­tué comme un bâillon sur les pro­grès du peuple Chi­lien en matière des droits et des reven­di­ca­tions, c’est contre leurs pri­vi­lèges que nous nous luttons.

Pour cette rai­son, il n’est pas accep­table de renon­cer à la quête de ces espaces de repré­sen­ta­tion au sein des ins­ti­tu­tions poli­tiques. Nous ne pou­vons nous refu­ser de ren­ver­ser le rap­port des forces au sein de ce faux ins­ti­tu­tion­na­lisme bour­geois. Au contraire, cela devrait deve­nir l’une des étapes fon­da­men­tales que le mou­ve­ment doit atteindre, non pas l’unique, mais nous devons cer­tai­ne­ment ame­ner la majo­ri­té des rues à l’intérieur du par­le­ment et de l’ap­pa­reil d’État, et que les tra­vailleurs, habi­tants des quar­tiers popu­laires et étu­diants puissent prendre les rênes de leur propre ave­nir, en par­ti­ci­pant, sans autres inter­mé­diaires, dans la rédac­tion des lois et des règle­ments qui nous donnent nos droits en retour.

Aujourd’­hui, grâce à la mobi­li­sa­tion his­to­rique déclen­chée dans notre pays, nous avons réus­si à faire appa­raître des cre­vasses et des fis­sures dans la construc­tion néo­li­bé­rale domi­nante hégé­mo­nique, ins­tal­lés depuis plus de trente ans de dictature.

Tou­te­fois, celle-ci n’est pas encore vain­cue, elle a des fis­sures et elle est épui­sée, mais rien n’in­dique qu’elle puissent se recom­po­ser avec leurs propres forces, comme his­to­ri­que­ment, cela a déjà été fait et reviennent donc, à nou­veau les forces néo­li­bé­rales et réac­tion­naires afin d’ac­cé­der au pou­voir pour réta­blir son hégé­mo­nie et même de la blinder.

Il y a une crise de légi­ti­mi­té du néo­li­bé­ra­lisme, c’est clair, main­te­nant il dépend de nous et les forces démo­cra­tiques d’avancer avec convic­tion et force pour vaincre l’ignoble machi­ne­rie qui ne peut plus conti­nuer à se soutenir.

La force et la pres­sion de démo­cra­ti­sa­tion qui génère les mou­ve­ments et les orga­ni­sa­tions sociales ne sont plus seule­ment en demande de réformes sec­to­rielles au modèle, mais par-des­sus tout, veulent faire avan­cer le pays vers la construc­tion d’une socié­té plus juste et éga­li­taire, voi­là le défi stra­té­gique de notre mouvement.

Je ne peux pas conclure, sans indi­quer quelques-uns des défis que nous avons, en tant que pays, en attente.

Le Chi­li doit évo­luer vers un modèle de socié­té qui rem­place le prin­cipe de la concur­rence par celle de la coopé­ra­tion, rem­pla­cer l’in­di­vi­dua­lisme par la soli­da­ri­té et l’ac­tion col­lec­tive, la pro­prié­té pri­vée par le public, per­met­tant la socia­li­sa­tion des forces pro­duc­tives et le par­tage équi­table du tra­vail com­mun, la recon­nais­sance effec­tive du droit des indi­vi­dus à vivre plei­ne­ment sa vie intel­lec­tuelle et morale.

Il est urgent de renou­ve­ler la vie publique pour recons­truire le tis­su social, d’é­lar­gir les fon­de­ments de la jus­tice, et de construire une nou­velle géo­gra­phie du pou­voir, qui ne per­mette plus les abus ou l’exploitation.

Les espoirs du peuple sont en cha­cun de nous, les étu­diants et les démo­crates chi­liens, la gauche chi­lienne ne peut igno­rer le nou­veau scé­na­rio dans lequel nous sommes enga­gés, et encore moins répé­ter les vieilles recettes dont l’ex­pé­rience his­to­rique nous dit qu’elles ont été infructueuses.

Nous devons être capables de défi­nir un nou­vel hori­zon pour notre déve­lop­pe­ment, un nou­veau che­min par lequel notre modèle de socié­té et notre démo­cra­tie va cir­cu­ler. Nous avons besoin d’un nou­veau cadre dans lequel tous pareils, avons les mêmes droits et les mêmes libertés.

Enfin, je dirais que ce qui vient est tout aus­si ou plus impor­tant que le pas­sé, peut-être que l’an­née pro­chaine il n’y ait pas de mani­fes­ta­tions mas­sives comme cette année, mais cela ne sera pas une excuse pour ne pas inten­si­fier les combats.

Je vou­drais don­ner mes salu­ta­tions à Gabriel Boric, et lui dire qu’il a tout mon sou­tien en cette année de ges­tion qu’il devra vivre, que, mal­gré les inven­tions des médias et des rumeurs de cou­lisses qui veulent ins­tal­ler des dif­fé­rences entre nous, nous savons tous les deux qu’il y a beau­coup plus de choses qui nous unissent que des choses qui nous séparent. Il peut comp­ter sur nous, les com­mu­nistes, tout le sou­tien et la loyau­té dans cette lutte for­mi­dable que nous devons rele­ver ensembles, comme il y a cent ans, nous serons ferme auprès des tra­vailleurs et du peuple, en arti­cu­lant la lutte sociale dans ses diverses formes, afin de pro­je­ter une alter­na­tive démo­cra­tique réelle pour tous les Chiliens.

Source en espa­gnol : Chile cam­bió en cada esqui­na, en cada calle…

Tra­duc­tion par ZIN TV (www.zintv.org)


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